Chine

Les enjeux des familles en Chine

La politique chinoise de l’enfant unique lancée en 1979 a touché à la racine de la société : la famille. © B. Lepeu
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Le père Bruno Lepeu, MEP a soutenu sa thèse en théologie sous le titre : « ÉMERGENCE D’UNE ÉGLISE FRATERNELLE ET SYNODALE EN CHINE – Analyse théologique d’une enquête auprès de jeunes catholiques chinois » en 2023. Dans les extraits ci-dessous, il analyse quelques-uns des défis contemporains qui se posent aux familles chinoises d’aujourd’hui.

Le modèle traditionnel confucéen patriarcal de la famille engendre un « familiarisme » où la famille élargie fonctionne comme une organisation sociale hiérarchisée dans laquelle les intérêts de la famille passent avant ceux de l’individu. Les essais de réformes sociales du début du XXe siècle et surtout la révolution familiale mise en place par Mao, qui a culminé sous la Révolution culturelle, ont cherché à combattre ce familiarisme et les « méfaits du confucianisme ». Le Parti a cherché à se substituer à l’autorité patriarcale1. L’institution familiale a été mise à mal au profit de la structure englobante du Parti sur tous les aspects de la vie de l’individu. Par ailleurs, la nouvelle période qui s’est ouverte avec la politique d’ouverture et de réforme2 a profondément affecté les familles par deux phénomènes inédits : la politique de l’enfant unique et l’exode rural massif. Ces deux lames de fond ont atteint en profondeur les familles.

a. Politique de l’enfant unique

La politique de l’enfant unique lancée en 1979 a touché à la racine de la société : la famille. Ses conséquences sont phénoménales. Face à un taux de fertilité qui atteint 6 enfants par femme au début des années 1960, une politique coercitive de planning familial se met en place au début des années 1970. À la fin des années 1970, les 2/3 de la population ont moins de 30 ans et les enfants du baby-boom des années 50-60 arrivent à l’âge de la reproduction. Pour faire face à une explosion de la population qui nuit aux réformes économiques et à l’amélioration du niveau de vie, Deng Xiaoping lance en 1979 une politique draconienne de l’enfant unique. Plus facilement applicable dans les villes, cette politique s’est accompagnée dans les campagnes, de violences psychologiques et physiques. Les femmes ont subi des pressions et des souffrances terribles, avec des avortements à un stade très avancé, des campagnes de stérilisations forcées, dans des conditions sanitaires rudimentaires. Les très fortes amendes pour les enfants surnuméraires et les conséquences administratives pour les parents (allant parfois jusqu’au licenciement) comme pour les enfants (absence d’identité légale)3 ont marqué profondément les familles pendant près de trente ans4. Le taux de fertilité était de 3,01 en 1980 et s’est stabilisé autour de 1,60 à partir de 20005. Cette chute est aussi à attribuer au développement économique6.

En dehors des conséquences immédiates mentionnées ci-dessus, plusieurs conséquences à long terme sont identifiées. À partir du lancement des campagnes du planning familial dans les années 1970, on observe un déséquilibre du ratio garçons/filles, qui approche des 120 garçons pour 100 filles sur la tranche des 10-20 ans en 20197. Avec le développement économique, l’espérance de vie augmente dans le même temps (76,34 ans en 2015). Ainsi, en 2019, les plus de 65 ans représentent 12,5 % de la population et devraient atteindre 24 % en 2050. Le vieillissement de la population et la diminution progressive de la population active à partir de 2015, mènent la Chine vers un « déclin de la population en âge de travailler, estimée entre 228 et 275 millions d’ici 2050 »8. Fin 2015, face aux cris d’alarme répétés des démographes, le gouvernement a autorisé un deuxième enfant par famille, puis, en 2021, un troisième, mais pour le moment, cette décision n’a pas eu d’incidence manifeste sur le taux de fertilité9.

b. Exode rural 

La politique d’ouverture et de réforme a entraîné un immense exode rural, inédit dans l’histoire de l’humanité, qui se comprend selon plusieurs volets10. Le pays a connu un développement économique très important pendant près de quatre décennies11. Ce développement a généré un énorme besoin de main-d’œuvre, entraînant l’apparition d’une immense population de près de 240-270 millions de travailleurs migrants venant des campagnes12, qu’on appelle les mingong (民工)13. Ces migrants se sont heurtés à la politique stricte du permis de résidence, le fameux hukou (户口)14. Mis en place en 1958, ce dispositif administratif, s’inspirant d’anciens modèles d’enregistrement de la population, avait comme objectif d’enregistrer l’état civil de chaque individu, de fixer sa résidence et de l’affecter à un secteur de travail (l’agriculture ou l’industrie), dans le cadre d’une économie planifiée, avec un système de tickets de nourriture qui excluait tout changement de résidence. La population a ainsi été de facto séparée entre les ruraux et les urbains. Les mouvements inédits de population à partir des années 1980 ont montré l’inadéquation du système à la nouvelle économie : un hukou rural empêchait les migrants de bénéficier des avantages sociaux des urbains, avec lesquels ils étaient en compétition pour les ressources et dans une certaine mesure pour le travail. Une fois installés en ville, les « ruraux » deviennent des citoyens de seconde zone15 quant à l’accès au logement, à l’éducation, à la santé et aux emplois publics. 

Les conséquences de cet exode sur le monde rural sont majeures en matière sociale et économique16. La population des villages diminue fortement et est constituée plus largement de femmes, de personnes âgées et d’enfants, toute une « population de laissés derrière » (留守人口).

Ce développement économique, couplé avec les migrations internes, a abouti à une urbanisation galopante chengzhenhua (城鎮化), entraînant un renversement du rapport ruraux/ urbains, pour atteindre les 60 % de citadins en 201917. La population urbaine officielle était de 172 millions en 1978, elle est de 848 millions en 2019. 

Si les grandes villes chinoises connaissent peu les problèmes de slum et d’insécurité, elles sont frappées par les problèmes de pollution, de congestionnement, d’accès au logement… La construction urbaine représente un des moteurs essentiels de l’économie, mais la spéculation immobilière rend à la fois l’accès au logement des ménages de plus en plus difficile et le risque de l’explosion de la gigantesque « bulle » immobilière18 de plus en plus dangereux pour l’ensemble de l’économie nationale et mondiale19. Posséder un logement est une condition sine qua non lorsqu’un homme cherche à se marier. Beaucoup de parents investissent donc dans l’achat d’un appartement pour leur fils ; c’est ainsi que près de 70 % des jeunes couples en Chine sont propriétaires de leur logement20.

c. Transformations des relations familiales 

Tous ces changements sociétaux ont une influence sur les relations familiales21 et sur le bien-être à la fois des enfants, des parents et des grands-parents, et de tous ceux « laissés derrière » : les enfants de migrants, les anciens restés au village, les adultes qui ne trouvent pas à se marier… 

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Les conséquences de la politique de l’enfant unique sont multiples22, en particulier dans la transformation des relations au sein de la famille. Si les mentalités sur la sexualité ont évolué, le mariage reste un choix presque universel pour les individus nés après les années 1980, avec la naissance d’un enfant majoritairement dans les deux années qui suivent, même si les couples « DINK » (Double Income, No Kids) se multiplient en zone urbaine23. Si le taux de divorce était de 2 pour 1000 habitants en 2010, il s’est stabilisé légèrement au-dessus de 3 depuis 2016, ce qui place la Chine dans les 10 pays avec le plus fort taux de divorce au monde24. Dans les raisons qui motivent le mariage, l’amour et le désir d’avoir un compagnon de vie (50,7 %~43,2 %) l’emportent désormais sur le soutien des parents (25,7 %~29,7 %) et le désir d’avoir un enfant (13,7 %~21,6 %)25. Les familles urbaines sont plus largement composées de seulement trois membres. La situation d’enfant unique rend les jeunes très dépendants de leur famille. Toute la vie familiale tourne autour de l’enfant26, dont les dépenses pèsent plus lourd que celles des autres membres de la famille27. Les parents couvent leur unique enfant et le surveillent de plus près, mais celui-ci expérimente aussi la solitude de grandir sans fratrie et la dépendance plus grande de sa famille pour obtenir les soutiens affectifs et psychologiques dont il a besoin, même une fois qu’il a quitté le nid familial28. Dans les ménages, on note des interactions plus fréquentes, voire conflictuelles, des relations mari-femme plus orientées dans le sens parent-enfant et une augmentation des loisirs en commun avec l’enfant. Ayant leur unique enfant rapidement après le mariage (80 % dans les 4 années qui suivent), les femmes sont plus disponibles pour une carrière professionnelle. On note aussi la diminution de la situation patriarcale, avec l’apparition de filles uniques, une plus grande égalité des sexes, la focalisation sur la génération de l’enfant unique plutôt que sur celle des anciens, ce qui diminue l’influence de ces derniers. Ainsi le ratio grands-parents/petits-enfants a tendance à s’inverser au point de donner une nouvelle structure familiale en 4-2-1 (4 grands-parents, 2 parents, 1 enfant). Lorsque les deux parents sont enfants uniques, leur enfant grandit sans oncle ni tante ni cousin ni cousine, ce qui a des conséquences affectives sur l’enfant et induit une diminution du rôle traditionnel des relations familiales par l’amenuisement de son réseau. Avec le développement d’une économie de marché, l’État s’est retiré financièrement de la sphère individuelle. Sans aides sociales, les ménages doivent faire face, seuls, à l’augmentation du coût de la vie, tout en assurant le soin de la nouvelle génération et de la précédente. Les solidarités familiales et intergénérationnelles retrouvent leur importance. En ville, les grands-parents assistent souvent les nouveaux couples pour financer le logement et assurer les tâches de la vie quotidienne, en particulier les soins de l’enfant, pendant que les parents travaillent. On assiste donc dans le même temps, à la fois à un processus d’individualisation et à une réinstitutionalisation de la famille, qui permet de parler de « néofamiliarisme » ou de « familiarisme inversé »29. Les valeurs traditionnelles confucéennes sont revisitées avec des modifications importantes dans les formes d’exercice de la piété filiale, la structure patriarcale de la famille, l’égalité entre les sexes. 

Pour les migrants et leurs enfants, la situation est différente. Les conditions de travail dans les usines, le prix du logement (hors des dortoirs des usines) et l’incapacité à accéder aux services publics, en particulier l’éducation, rendent impossible pour l’essentiel des migrants de s’installer durablement en ville avec leur famille. C’est pourquoi les couples sont souvent séparés et les « enfants laissés derrière » liushou ertong (留守儿童). Cette expression décrit le phénomène très répandu des enfants laissés au village alors que les parents vont chercher du travail dans les zones industrielles ou urbaines, pour faire vivre la famille. Les parents ne reviennent qu’au moment des longs congés du Nouvel An lunaire et les enfants sont élevés par leurs grands-parents30, ou par leur mère si elle n’est pas aussi partie pour travailler. Il est difficile d’obtenir des chiffres précis, mais selon une étude de 2008, 57 % des enfants (entre 0 et 15 ans) de migrants sont « laissés derrière » : 30 % sont à la garde d’un parent resté au village, 59 % à la garde des grands-parents ou autres parents, 8 % sont en pension31

Les conséquences sur les « enfants laissés derrière » portent à la fois sur la santé32, l’équilibre affectif, les résultats scolaires, la délinquance33… Les liens enfants-parents s’expriment plus ou moins régulièrement par téléphone et essentiellement une fois par an lors des congés du Nouvel An, si les parents arrivent à trouver un billet de train pour rentrer au village. Beaucoup d’enfants sont affectivement plus attachés à leurs grands-parents.

Une autre implication importante est la faiblesse du soutien aux personnes âgées « laissées derrière »34 dans un « nid vide », avec des conséquences en matière de solitude et de santé35 ainsi qu’un taux de pauvreté élevé, en particulier dans le monde rural36. Cet abandon des parents est suffisamment répandu pour que le gouvernement sévisse en incluant le soutien des parents dans les critères du crédit social. Selon le modèle familial 4-2-1, le nombre de seniors va dépasser le nombre d’enfants37. Les maisons de retraite se multiplient et le marché des seniors est en pleine expansion38. Le pays va devenir vieux avant d’être riche, sans donc avoir suffisamment de moyens pour prendre soin de sa population senior, avec le risque de voir les fonds de pension se tarir39.

Une autre incidence sociale de la politique de l’enfant unique et de l’exode rural, est l’augmentation du célibat, en particulier chez les hommes. Avec le déséquilibre à la naissance du ratio garçon/fille, en 2019, on compte 10 % d’hommes en plus dans la tranche d’âge des 20-29 ans40. La compétition pour le mariage est donc forte et les hommes socialement moins privilégiés (faible revenu, faible éducation, hukou rural, sans logement, plusieurs frères, situation de handicap…) ont plus de risques de devenir des « branches nues » guanggun (光棍), de vivre un célibat non voulu, sans pouvoir avoir de descendance, avec un sentiment d’exclusion sociale. Le phénomène est particulièrement important dans le monde rural et génère à la fois l’importation de femmes de provinces ou de pays plus pauvres, l’escroquerie au mariage41 et l’augmentation de la criminalité42. La question du célibat chez les femmes est différente mais souvent aussi douloureuse : au-delà de 27 ans, les jeunes femmes sont considérées comme des « femmes rebuts » shengnü (剩女)43 dont aucun homme n’aurait voulu, et subissent une pression familiale très forte. Les femmes, qui ont privilégié leurs études et leur carrière, arrivent « tard » sur le marché du mariage et les « bonnes affaires » sont passées. Souvent, elles vivent dans les mégapoles et présentent une réussite professionnelle qui les place au-dessus de beaucoup d’hommes, ce qui peut mettre mal à l’aise un futur mari. Elles ne sont pas nécessairement attirées par les liens du mariage, dans lesquels la femme est souvent encore considérée comme inférieure au mari.

Ces quelques éléments témoignent des évolutions de la situation des familles, liées en particulier à la politique de l’enfant unique et à l’exode rural. Sur l’ensemble de la société chinoise, ces évolutions seront prégnantes mais il est difficile d’en prévoir toutes les conséquences, car dans l’histoire de l’humanité, elles sont uniques à une telle échelle44.


  1. Pierre VENDASSI, Chrétiens de Chine – Affiliations et conversions au XXIe siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 138. ↩︎
  2. La politique de « réforme et d’ouverture » gaige kaifang (改革开放) a été lancée par Deng Xiaoping en 1978. ↩︎
  3. « La plupart des études officielles, s’appuyant sur le recensement de 2010, font état de 13 millions d’“enfants noirs” », in « Chine : les “enfants noirs”, des millions d’êtres voués au néant administratif », Libération, 01/11/2015 ; citant le cas d’une adolescente : « Privée d’école, de soins médicaux ou d’emploi déclaré, sans acte de naissance ni papiers d’identité, elle est un “enfant noir”, un “non être”, moins encore qu’une étrangère dans son propre pays, où elle ne peut ni entrer dans une bibliothèque, ni se marier ni même prendre un train ». Goodkind estime que 19 % des enfants entre 0 et 4 ans n’ont pas été déclarés aux autorités en 2000, voir Daniel GOODKIND, « Child under-reporting, Fertility, and sex ratio imbalance in China », Demography 2011, 48/1, p. 291-316. ↩︎
  4. Voir le témoignage personnel de Karoline KAN, Under red skies. The life and times of a Chinese millennial, London, Hurst & Company, 2019, p. 3-45. Pour comprendre les différents aspects de la vie des enfants en Chine, voir Orna NAFTALI, Children in China, Cambridge, Polity Press, 2016, p.192. ↩︎
  5. https://www.worldometers.info/world-population/china-population/↩︎
  6. En comparant avec d’autres pays, Zhang montre un lien très manifeste entre la croissance du PIB et la chute de la fertilité, in Junsen ZHANG, « The Evolution of China’s One-Child Policy and Its Effects on Family Outcomes », The Journal of Economic Perspectives, 31, Winter 2017/1, p. 147. ↩︎
  7. Chiffres extraits du China Statistical Yearbook 2020, 2-9., du Bureau national des statistiques de Chine . https://www.stats.gov.cn/sj/ndsj/2020/indexeh.htm De nombreux auteurs estiment qu’il manquerait entre 8,5 et 9,2 millions de filles entre 1980 et 2000, selon Kimberly Singer BABIARZ, Paul MA, Shige SONG and Grant MILLER, « Population sex imbalance in China before the One-Child Policy », Demographic Research, 40, 2019/1, p. 320.  ↩︎
  8. Isabelle ATTANÉ, « Vieillissement démographique et ralentissement économique en Chine », Cités 82, Paris, PUF, 2020/2, p. 94 ; « le nombre de Chinois sortant chaque année du marché du travail est désormais supérieur à celui des entrants, et ce solde restera négatif au moins jusqu’en 2050. », ibid., p. 89.  ↩︎
  9. Voir l’analyse d’Isabelle ATTANÉ, « Trois enfants pour tous en Chine ? », Population & Sociétés, 596, Janvier 2022, 4 p. ↩︎
  10. Pour une présentation plus détaillée des différents volets, voir David SHAMBAUGH, China’s Future, Cambridge, Polity Press, 2016, p. 72-79.  ↩︎
  11. Selon la Banque Mondiale, le PIB est passé de 361 milliards d’US $ en 1990, à 1 211 milliards en 2000, 6 087 en 2010 et 13 608 en 2018, avec un taux de croissance sur la même période respectivement de 3,9; 8,5 ; 10,6 et 6,6 (https://databank.banquemondiale.org/reports.aspx?source=2&country=CHN#↩︎
  12. Cet excès de main-d’œuvre s’explique non seulement par les excédents démographiques, mais aussi par la suppression de la politique étatique de protection des prix des produits agricoles. La réduction des revenus des agriculteurs a creusé l’écart entre les revenus ruraux et urbains (jusqu’à un niveau de 3,33 points en 2007) : cet appauvrissement du monde agricole a favorisé les nombreux départs vers les centres industriels ; voir Ricardo MOLERO-SIMARRO, « Is China Reaching the Lewis Turning Point? Agricultural Prices, Rural-Urban Migration and the Labour Share », Journal of Australian Political Economy, 78, 2017, p. 62-67.  ↩︎
  13. Cette abréviation vient de nongmingong (农民工), littéralement : « paysans travailleurs ». Les chiffres sont difficiles à établir, car la population migrante est fluctuante et plus ou moins bien enregistrée ; selon le China Statistical Yearbook 2020op. cit., 2-3., la population migrante était de 121 M en 2000, 221 M en 2010 et tourne autour de 240 M dans les années suivantes ; cette population flottante entre les villes et les campagnes se sédentarise pour une part dans les zones urbaines, avec ou sans permis de résidence (hukou); avec le déplacement des usines vers les régions pauvres, le phénomène de migrations internes des ouvriers a diminué. Pour une présentation rapide de ce problème complexe, voir l’article de Alexsia T. CHAN et Kevin J. O’BRIEN, « Phantom Services: Deflecting Migrant Workers in China », The China Journal, 81, 2019/1, p. 103-122.  ↩︎
  14. Ying CHEN, « The Myth of Hukou: Re-examining Hukou’s Implications for China’s Development Model », Review of Radical Political Economics, October 2018, p. 1-16.  ↩︎
  15. Voir l’étude de Saint-Paul sur la situation des mingong, obligés à vivre sous terre, comme un « peuple de rats » shuzu (鼠族), dans les sous-sols insalubres de Beijing, Patrick SAINT-PAUL, Le Peuple des rats – Dans les sous-sols interdits de la Chine, Paris, Grasset, 2016, 251 p. L’auteur avance que sur 21 millions d’habitants, Beijing compterait 7 millions de mingong, ibid. p. 9.  ↩︎
  16. Voir l’article en chinois de RAO Jing, dans le Journal de l’Agriculture : 饶静, « 如何应对农村空心化问 题 ? », 农民日报, 04/06/2013, http://theory.people.com.cn/n/2013/0604/c40531-21731694.html↩︎
  17. La population urbaine qui n’était que de 10,6 % en 1949, est passée à 26,4 en 1990 ; 36,2 en 2000 ; 50 en 2010 et 60,6 en 2019 (chiffres du China Statistical Yearbook 2020op. cit., 2-1.). ↩︎
  18. La spéculation immobilière suscite l’existence de nombreux logements vides : en 2013, environ 22,4 % de tous les logements urbains étaient vides (Xinhuanet, 12/06/2014).   ↩︎
  19. Avec les défauts de paiement du promoteur Evergrande à partir de 2021, le monde a réalisé l’ampleur du risque. Voir par exemple l’article de Simon LEPLÂTRE, « L’immobilier, maillon faible de l’économie chinoise », Le Monde, 16/08/2022. ↩︎
  20. En 2017, une étude de la HSBC montre que 70 % des jeunes ménages en Chine sont propriétaires de leur habitation, soit une proportion beaucoup plus élevée qu’en France (40 %), voir Rebecca SEALES, « The country where 70 % of millennials are homeowners », BBC, 06/04/2017, https://www.bbc.com/news/world-39512599. Il est possible que cette étude ne vise que les ménages urbains. Ces chiffres peuvent être comparés à ceux de China Household Finance Survey de 2015, qui donne 80,5 % de tous les ménages urbains propriétaires de leur logement, voir William A.V. CLARK, Daichun YI, « Transitions to partnership and parenthood: Is China still traditional? », Demographic Research , 43/6, 2020, p. 147. Notons que dans le couple, la propriété est le plus souvent du côté de l’homme, de par l’investissement des parents en vue du mariage de leur fils. ↩︎
  21. Voir la présentation de la question par Jing SONG et Yingchun JI, « Complexity of Chinese Family Life: Individualism, Familism, and Gender », The China Review, 20, 2020/2, p. 1-17. ↩︎
  22. Voir l’étude détaillée de Xiao-Tian FENG, Dudley L. POSTON Jr., Xiao-Tao WANG, « China’s One-child Policy and the Changing Family », Journal of Comparative Family Studies, 45, Winter 2014/1, p. 17-29. ↩︎
  23. Voir l’ensemble de l’étude de William A.V. CLARK, Daichun YI, « Transitions to partnership and parenthood: Is China still traditional? », art. cit., p. 143-168, en particulier la conclusion p. 164. L’étude montre qu’en 2017, si les couples, surtout urbains, ont tendance à se marier un peu plus tard, le mariage reste la norme : à 31 ans, 79,2 % sont mariés avec enfant, 8,6 % sont mariés sans enfant, et 12,2 % sont célibataires, ibid., p. 150. ↩︎
  24. https://worldpopulationreview.com/country-rankings/divorce-rates-by-country. Pour référence, en 2016, ce taux est de 1,9 en France (référence de l’INSEE).  ↩︎
  25. Les pourcentages donnés sont différenciés entre les couples urbains~ruraux, voir le détail in William A.V. CLARK, Daichun YI, « Transitions to partnership and parenthood: Is China still traditional? », art. cit., p. 155. ↩︎
  26. La perte de l’enfant unique, surtout après la période de fécondité de la mère, constitue un drame d’autant plus grand pour ces « only child lost families », Xiao-Tian FENG et al., « China’s One-child Policy and the Changing Family », art. cit., p. 26.  ↩︎
  27. Selon Liu, entre 50 et 70 % des revenus du couple vont pour l’enfant unique, pour les études, les formations parallèles, l’investissement dans un appartement pour le futur couple…, in Fengshu LIU, Urban Youth in China : Modernity, the Internet and the Self, London, Routledge, 2013, p. 58. Dans les années 2000, un père me partageait ses priorités : 1- payer les études de son fils (si possible à l’étranger), 2- lui acheter un appartement, 3- lui acheter une voiture… ainsi, il aurait accompli son devoir de père !  ↩︎
  28. Voir Jeroen DE KLOET, Anthony FUNG, Youth Cultures in China, Cambridge, Polity Press, 2017, p. 41. ↩︎
  29. YAN Yunxiang, « The Rise of Neo-Familism in Contemporary China », conférence en ligne du 25/09/2017, https://ecommons.cornell.edu/handle/1813/69507. Certains jeunes urbains se disent très dépendants de leurs parents et trouvent que « notre génération a généralement une très bonne relation avec nos parents. Peut-être parce que je suis la seule enfant de ma famille, mes parents me donnent tout leur amour », in QQ Enfodesk & Tencent QQ 易观智库& 腾讯, 中国 90 后青年调 查报告 2014 [China 90’s Youth Survey report, 2014], p. 37. ↩︎
  30. Les grands-parents, déjà âgés, continuent pourtant de travailler les champs, en l’absence des fils qui auraient dû prendre la relève mais qui sont partis travailler au loin, leur laissant chacun un ou plusieurs enfants à garder. Ainsi, un couple âgé s’occupe comme il peut, de plusieurs petits-enfants. Ces grands-parents, souvent illettrés, sont dans l’incapacité de suivre les devoirs des enfants. ↩︎
  31. Xin MENG, Chikako YAMAUCHI, « Children of Migrants: The Cumulative Impact of Parental Migration on Children’s Education and Health Outcomes in China », Demography, 54, 2017/5, p. 1681. ↩︎
  32. Si chez les enfants urbains les problèmes d’obésité deviennent préoccupants, à l’inverse, chez les « enfants laissés derrière », on note des carences alimentaires, des retards de croissance, un manque de soins mais aussi une exposition plus grande aux accidents par manque de surveillance. Voir une des études sur la question : Yao LU, W.-J. J. YEUNG, J. LIU, D. J. TREIMAN, « Health of left-behind children in China: Evidence from mediation analysis », Chinese Journal of Sociology, 5, 2019/4, p. 431–452.  ↩︎
  33. Saint-Paul présente, à partir de nombreux exemples, la situation de ces enfants laissés derrière, qui dans certains villages, constituent l’essentiel des écoliers, Patrick SAINT-PAUL, Le Peuple des ratsop. cit., p. 109- 139. Selon l’auteur, 15 % de ces enfants souffrent de maladies mentales, 50 % de troubles psychologiques, essentiellement dépression et anxiété, 70 % ne comprennent pas les leçons en classe, beaucoup errent dans les cyber-cafés ; ils comptent pour 70 % des délinquants juvéniles, avec une exposition aux drogues et à l’alcool, ibid., p. 121-122. Sur le plan scolaire, le niveau des écoles rurales est largement inférieur à celui des écoles urbaines ; manquant de motivation et de soutien, la majorité arrête après le collège, ceux qui poursuivent, sont désavantagés par leur hukou rural et ont du mal à rivaliser avec les enfants urbains pour bénéficier d’une éducation de qualité.  ↩︎
  34. Ningning ZHANG, « Analysis of the Reasons for the Left-Behind of the Elderly in Central and Eastern China », Open Journal of Social Sciences, 7, 2019, p. 275-286.  ↩︎
  35. Les seniors vivant dans un « nid vide » représentent 118 millions, dont 38,6 % d’entre eux sont atteints de diverses formes de dépression (contre 22,6 % pour les autres personnes de la même tranche d’âge), voir Hong- He ZHANG et al., « Prevalence of Depression Among Empty-Nest Elderly in China: A Meta-Analysis of Observational Studies », Frontiers in Psychiatry, 11/608, 2020, p. 1-10.  ↩︎
  36. « Lorsqu’elles ne bénéficient pas du soutien matériel ou financier de leurs enfants, nombre de personnes âgées tombent dans la pauvreté dès lors qu’elles n’ont plus la capacité de travailler, en particulier dans les zones rurales où le taux de pauvreté des seniors atteignait 65 % en 2011-2012, contre 11 % dans les villes », in Isabelle ATTANÉ, « Vieillissement démographique et ralentissement économique en Chine », art. cit., p. 93.  ↩︎
  37. En 2019, on compte 16,78 % de moins de 15 ans et 18,13 % de plus de 60 ans, China Statistical Yearbook 2020op. cit., 2-9. ↩︎
  38. Néanmoins, selon une étude de comportement, pour les jeunes post 90, les relations aux parents restent très importantes : 63.8 % veulent vivre avec eux dans le futur, seulement 3.7 % pensent à les envoyer dans une maison de retraite, in [China 90’s Youth Survey report, 2014], op. cit., p. 48.  ↩︎
  39. Frank TANG, « China’s state pension fund to run dry by 2035 as workforce shrinks due to effects of one- child policy, says study », South China Morning Post, HK, 12/04/2019, https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3005759/chinas-state-pension-fund-run-dry-2035-workforce-shrinks-due↩︎
  40. China Statistical Yearbook 2020op. cit., 2-9.  ↩︎
  41. Xiaoyi JIN, Lige LIU, Yan LI, Marcus W. FELDMAN, Shuzhuo LI, « “Bare Branches” and the Marriage Market in Rural China »,Chinese Sociological Review, 46, 2013/1, p. 83–104. Une étude similaire est présentée en français : Lige LIU, Xiaoyi JIN, Melissa J. BROWN, Marcus W. FELDMAN, « Le célibat masculin involontaire en Chine rurale : une approche par le réseau social », Population, 69, 2014/1, p. 109-133. Voir aussi Sampson Lee BLAIR, Timothy J. MADIGAN, Fang FANG, « “Bare Branches”: Involuntary Bachelorhood in China in the 21st Century », Mate Selection in China: Causes and Consequences in the Search for a Spouse, Bingley, Emerald Publishing Limited, 2022, Ch. 8, p. 135-148.  ↩︎
  42. Lena EDLUND, Hongbin LI, Junjian YI, Junsen ZHANG, « Sex Ratios and Crime: Evidence from China », Review of Economics and Statistics, 95, 2013/5, p. 1520-1534.  ↩︎
  43. Sur cette question, voir l’étude de Roseann LAKE, Leftover in China: The Women Shaping the World’s Next Superpower, New York, Norton & Company, 2018, 271 p. Voir aussi le témoignage de Karoline KAN, Under red skies, op. cit., p. 249-257 ; Eric FISH, China’s Millennials. The Want Generation, Lanham, Rowman & Littlefield, 2015, p. 121-134 & Sampson Lee BLAIR et al., Mate Selection in China…, op. cit., Ch. 7, p. 121-134.  ↩︎
  44. « It is certain that there are significant changes ahead for Chinese society, many of which never occurred before », in Xiao-Tian FENG et al., « China’s One-child Policy and the Changing Family », art. cit., p. 27. ↩︎

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