Manipur : appel à l’aide de l’évêque d’Imphal face aux violences ethniques et religieuses
Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal (capitale du Manipur), a été invité cette semaine par l’AED Irlande en tant que témoin. © D. Gangmei / YoutubeLe 22/11/2024
Cette semaine, Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal, la capitale du Manipur au nord-est de l’Inde, s’est rendu en Irlande en tant que témoin, invité par l’antenne locale de l’Aide à l’Église en Détresse (AED). À Dublin et Belfast, Mgr Neli a appelé à apporter « un soutien financier, moral et spirituel » aux communautés chrétiennes affectées par les violences interethniques et religieuses qui se poursuivent depuis le mois de mai dans son diocèse, entre les groupes Kukis (chrétiens) et Meiteis (hindous).
Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal (capitale de l’État du Manipur au nord-est de l’Inde), a lancé un appel à l’aide. Mgr Neli a confié que la communauté chrétienne du Manipur a « vraiment besoin d’aide » face aux conséquences des violences interethniques et religieuses dans la région.
L’évêque indien a été interrogé cette semaine par OSV News en Irlande, où il devait prendre la parole à Dublin et Belfast en tant qu’invité de l’Aide à l’Église en Détresse (AED Irlande) dans le cadre de la « Semaine en rouge » ou « Semaine des témoins », organisée pour alerter sur le sort des chrétiens persécutés dans le monde.
Selon Mgr Neli, la situation est « très difficile » au Manipur. « Juste avant que je parte, il y a eu une escalade de violence – la colère, la haine et le ressentiment –, on est toujours en pleine crise ». « La semaine dernière, plus de dix personnes, dont des femmes et des enfants, ont été enlevées et tuées » à cause des violences ethniquesqui se poursuivent entre les Kukis, un groupe majoritairement chrétien, et les Meiteis, un groupe majoritairement hindou.
« En mai 2023, les tensions ethniques qui ont éclaté entre les deux communautés ont causé la mort de plusieurs centaines de personnes, et le déplacement de plus de 60 000 habitants qui sont toujours dans des camps humanitaires », a témoigné l’évêque.
« Nous avons vraiment besoin d’aide »
Le Manipur compte environ 3,3 millions d’habitants. Les Meiteis représentent plus de 50 % de la population, tandis qu’il y a près de 43 % de Kukis et de Nagas (les principales tribus minoritaires vivant dans l’État indien). Mgr Neli, âgé de 67 ans, a appelé à apporter un soutien financier, moral et spirituel aux chrétiens vivant au Manipur, une région voisine du Bangladesh et de la Birmanie. L’évêque indien, qui a été nommé à la tête du diocèse en octobre 2023 par le pape François, a signalé que les besoins « augmentent de jour en jour ».
Les tensions, selon lui, font particulièrement souffrir les personnes déplacées. « Combien de femmes accouchent dans les camps, sans intimité ni hygiène. Les familles qui y vivent sont séparées les unes des autres seulement par un rideau. L’hébergement est une des choses que nous essayons d’améliorer, ainsi que l’éducation des enfants et l’accompagnement psychosocial », a-t-il ajouté.
« C’est très difficile de nous en sortir seuls. Nous ne savons pas qui contacter, nous nous sentons démunis et frustrés. Les victimes souffrent, elles sont fatiguées. Les organisations catholiques elles-mêmes n’en peuvent plus, et elles font beaucoup. Les demandes augmentent et nous avons vraiment besoin d’aide », a-t-il insisté.
« Le christianisme a la capacité d’éclairer une société opprimée »
La dernière publication de l’AED, « Persécutés et oubliés ? » – un rapport sur les chrétiens persécutés à cause de leur foi entre 2022 et 2024 –, révèle combien les chrétiens en tant que minorité peuvent devenir, dans un pays comme l’Inde, des citoyens de seconde zone vulnérables aux discriminations et à l’exclusion sociale.
Cela entraîne des attaques contre les personnes et les lieux de culte, ainsi que des incitations à la haine et des détournements des lois anti-conversion. « Être chrétien dans le contexte d’un pays aussi peuplé que l’Inde, c’est être minoritaire. Ce n’est pas quelque chose qu’il faudrait craindre. Cela ne me fait pas peur. Nous pouvons être du sel et de la lumière pour le monde. Le christianisme a tellement d’amour ; il a la capacité d’éclairer même une société opprimée », a déclaré l’archevêque d’Imphal.
Toutefois, Mgr Neli a reconnu que les droits juridiques des citoyens appartenant aux minorités peuvent être menacés. « Le système juridique du pays comporte une tendance à la persécution judiciaire. Comment pouvons-nous exprimer notre liberté de religion si la liberté est réprimée ? »
Trouver une solution pacifique et durable pour tous
Quand les violences ont éclaté en mai 2023, une vidéo choquante est apparue, montrant deux femmes Kukis dénudées et traînées par des hommes Meiteis peu après la destruction de leur village. Les violences contre les femmes ne sont pas rares dans la région. À l’époque, Mgr Neli s’était aussi rendu dans l’église Saint-Paul de Sangaiprou, qui avait été profanée. Il avait prié dans l’église vide devant le tabernacle, qui avait été détruit. Il avait également visité la paroisse Saint-Joseph de Sugnu. « C’était terrible. »
Depuis le 7 novembre, en un mois, les dernières violences ethniques au Manipur ont causé au moins 20 morts, dont six femmes et enfants. Le 18 novembre, le ministre en chef de l’État, M. Biren Singh, a assuré que son gouvernement « maintiendra la paix et la stabilité » dans la région, lors d’une réunion d’urgence organisée avec des élus de son parti pro-hindou du BJP (Bharatiya Janata Party).
Toutefois, un habitant d’Imphal a déclaré que « le chaos et l’anarchie sont devenus habituels ». Sans compter qu’en raison de la situation, la population subit une pénurie alimentaire, entre autres produits de première nécessité.
Depuis le mois de mai, selon l’évêque d’Imphal, deux ou trois couvents ont été abandonnés à cause des forces paramilitaires qui les occupent, tandis que beaucoup de presbytères ont été incendiés. Plus de 300 lieux de culte catholiques et protestants ont également été incendiés et détruits. Mgr Neli a évoqué une autre difficulté, à savoir une plus forte prévalence de la toxicomanie et de la culture de l’opium dans la région. Selon lui, le Manipur a été « infesté par ces drogues ».
En tant que membre d’un forum interreligieux, il reconnaît que les aspirations selon les différents groupes religieux et ethniques sont très différentes. Mais il espère qu’une solution pacifique et durable soit trouvée pour tous, une solution basée sur des principes d’humanité. « L’humanité est la clé. »
(Avec Ucanews et Asianews)