Cardinal Sebastian Francis : « Le pluralisme ethnique et culturel fait de la Malaisie une Asie miniature »
Cardinal Sebastian Francis, archevêque de Penang, Malaisie. © Radio Veritas AsiaLe 18/06/2024
Dans une interview publiée initialement le 15 juin, le cardinal Sebastian Francis, archevêque de Penang, explique que la Malaisie est caractéristique de ce qu’est l’Asie. Il parle d’un « pluralisme intéressant qui rend le pays vraiment asiatique » et d’un « microcosme au sein duquel chacun fait l’expérience de ce qui constitue l’Asie. » Face à des courants politiques privilégiant les musulmans malais, il ajoute qu’aujourd’hui, « une nation démocratique comme la nôtre ne peut pas choisir d’être entièrement monoculturelle et monoreligieuse ».
Pour le cardinal Sebastian Francis, archevêque de Penang, « c’est le pluralisme des cultures et des groupes ethniques qui fait de la Malaisie une ‘Asie miniature’ ». Dans une interview publiée le 15 juin par l’agence Fides, il ajoute que « la coexistence de ces différentes composantes permet à la communauté catholique de faire l’expérience de la convivialité qui se réalise dans la diversité ».
La diversité culturelle et religieuse en Malaisie est « raisonnablement solide » en Malaisie, assure le cardinal, bien que l’ethnie malaise et l’islam soient considérés comme parties intégrantes de la nation et que les musulmans malais soient considérés comme privilégiés en raison d’un statut et d’une protection par la Constitution en tant que « Bhumiputera » (« Fils de la Terre »), explique l’archevêque de Penang. « Les Malais sont protégés et ils sont tous musulmans, comme il est inscrit dans la Constitution. Mais aujourd’hui, une nation démocratique comme la nôtre ne peut pas choisir d’être entièrement monoculturelle et monoreligieuse. Notre pays est caractérisé par un pluralisme intéressant qui le rend vraiment asiatique. C’est un microcosme au sein duquel chacun fait l’expérience de ce qui constitue l’Asie. »
Les voies essentielles du dialogue et de la synodalité
Les Malais représentent environ 60 % de la population malaisienne, sur près de 34 millions d’habitants selon les statistiques officielles. On compte environ 24 % d’habitants d’origine chinoise, 7 % d’origine indienne ainsi que 10 % qui appartiennent aux communautés indigènes non malaises (qui sont majoritairement dans la partie malaisienne de l’île de Bornéo). Près de 10 % des Malaisiens sont chrétiens, surtout dans les États de Sarawak et de Sabah (Bornéo).
La diversité ethnique et religieuse de la Malaisie offre à la fois des opportunités et des défis qui peuvent permettre de développer le pays vers une société vraiment pluraliste, estime le cardinal Francis, qui souligne que les voies du « dialogue » et de la « synodalité » sont essentielles pour dépasser les différences et former une société basée sur les richesses de la diversité.
Il ajoute que malgré les différences ethniques et culturelles au sein des communautés catholiques en Malaisie, l’Église s’engage à servir tout le monde. Il précise par exemple que dans plusieurs régions du pays, l’Église célèbre la liturgie en quatre langues : le bahasa malaisien (malais), l’anglais, le chinois et le tamil indien. « Même si nous ne sommes pas un si grand pays, nous avons beaucoup d’immigrants qui viennent d’Indonésie, des Philippines, du Vietnam et du Bangladesh. Certains d’entre eux apportent aussi des traditions chrétiennes, notamment bien sûr les Philippins et les Vietnamiens », explique l’archevêque de Penang.
« Notre influence dans le domaine éducatif a beaucoup diminué »
Les catholiques malaisiens étant une minorité, l’Église locale doit trouver les ressources nécessaires pour la vie pastorale. Ainsi, le manque de vocations sacerdotales et religieuses est comblé par des ordres religieux missionnaires, notamment de France, d’Irlande et d’Italie. Depuis le concile Vatican II, l’Église locale a mis l’accent sur la formation de la foi et la responsabilisation des laïcs. « Nous nous préoccupons de la vie chrétienne des laïcs, et après le concile Vatican II, nous nous sommes davantage concentrés sur leur formation, en particulier avec des programmes de formation et des évènements éducatifs dans les paroisses », ajoute le cardinal Francis.
Toutefois, il regrette que les changements politiques survenus en Malaisie aient eu des impacts négatifs sur la mission de l’Église. « Notre influence dans le domaine éducatif a beaucoup diminué, parce que le gouvernement a pris le contrôle de l’éducation dans les écoles, qu’elles soient publiques ou privées », explique-t-il.
« Si nous voulons être présents dans ce domaine, nous devons agir en tant qu’acteurs privés. Mais le gouvernement contrôle aussi l’éducation privée, en décidant du programme et en rémunérant les enseignants. Nous possédons les bâtiments et les terres sur lesquelles nos écoles sont construites, mais c’est le gouvernement qui contrôle la vie scolaire. Nous contribuons, mais nous ne pouvons pas modeler concrètement le système éducatif. »
C’est pourquoi l’Église locale a décidé de se concentrer davantage sur sa « mission sociale » : « Par exemple, nous avons choisi de consacrer nos ressources et notre énergie au service du développement humain intégral, en travaillant avec les migrants et les réfugiés ou avec des personnes dans le besoin et en situation de pauvreté, souvent en collaboration avec des ONG, au service du développement social. »
(Avec Ucanews)