En Inde, des responsables religieux s’opposent à une loi anti-conversion dans l’Etat du Maharashtra
La Croix de Saint-Thomas, un emblème du christianisme en Inde. Les chrétiens représentent moins de 1 % de la population au Maharashtra.
© Mazur/catholicnews.org.uk
Le 24/10/2025
À l’approche de l’adoption d’une loi anti-conversion prévue lors de la session législative d’hiver au Maharashtra, plusieurs représentants chrétiens et personnalités religieuses se sont exprimés pour dénoncer cette décision. Dont la théologienne catholique Virginia Saldanha, qui avertit que cette loi pourrait servir « à harceler ceux qui souhaitent sincèrement se convertir », diaboliser les minorités religieuses et fragiliser l’harmonie sociale, dans un État où « religions et communautés ont longtemps coexisté en paix ».
Des responsables religieux ont vivement critiqué le projet de l’État du Maharashtra d’adopter une loi stricte contre les conversions religieuses en décembre, estimant qu’il porterait atteinte à la Constitution nationale. Le ministre d’État à l’Intérieur, Pankaj Bhoyar, avait en effet annoncé le 14 juillet dernier qu’un comité, placé sous l’autorité du Directeur général de la police, était chargé de rédiger une loi « plus stricte que celles des autres États » dans lesquels les conversions sont également interdites, avec pour objectif son adoption lors de la session législative de décembre.
Dès cette annonce, l’Église catholique du Maharashtra s’est opposée au projet, avertissant qu’il constituait une menace sérieuse pour la liberté religieuse et les droits constitutionnels. Dans un communiqué publié par l’archidiocèse de Bombay, les responsables religieux ont exprimé leur profonde inquiétude, estimant que cette législation pourrait criminaliser les conversions religieuses volontaires et viser de manière injuste les communautés minoritaires, en particulier les chrétiens qui viennent en aide aux populations marginalisées du Maharashtra.
« Nous exhortons l’Assemblée législative de l’État du Maharashtra à prendre en considération avec soin les sentiments et les droits fondamentaux de la communauté chrétienne, ainsi que les implications plus larges pour l’harmonie interreligieuse », a déclaré le père Nigel Barrett, porte-parole de l’archidiocèse de Bombay.
Ce mois-ci, l’évêque auxiliaire de Bombay, Savio Fernandes, a fermement condamné le projet de loi alors qu’il s’adressait à la presse. Il rappelle ainsi que la Constitution garantit « à tout Indien la liberté de conscience et le droit de professer, pratiquer et propager sa religion, y compris la conversion volontaire ». Selon lui, punir ceux qui changent de foi de leur propre gré « érode les droits fondamentaux des citoyens et transforme la religion d’une affaire de conscience personnelle en instrument de contrôle étatique ».
Moins de 1 % de chrétiens au Maharashtra (2,3 % à l’échelle nationale)
Ces réactions s’inscrivent dans un contexte où l’arrivée au pouvoir, en 2014, du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, a encouragé plusieurs États indiens à adopter des lois dites « anti-conversion ». Ces textes, soutenus par des gouvernements pro-hindous, suscitent de vives critiques de la part des défenseurs des droits humains et des minorités religieuses.
La Commission américaine pour la liberté religieuse internationale (USCIRF) a notamment estimé que ces lois « violent les protections du droit à la liberté de religion ou de conviction » garanties par l’Article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Elle précise qu’elles « limitent illégalement et punissent le droit d’un individu de se convertir et de persuader ou soutenir volontairement la conversion d’un autre individu ».
Selon les experts, ces lois entraînent des conséquences graves pour les minorités religieuses, en particulier les chrétiens et les musulmans, souvent accusés à tort de conversions forcées. Elles instaurent un climat de peur et d’intolérance, entravent la liberté religieuse et portent atteinte aux principes fondamentaux de la Constitution indienne.
Ces textes peuvent encourager le harcèlement des minorités, accentuant la polarisation sociale et la stigmatisation des communautés chrétiennes et musulmanes. Dans le Maharashtra, situé sur la côte ouest et gouverné par une coalition dirigée par le BJP, les chrétiens représentent moins de 1 % de la population. À l’échelle nationale, ils constituent environ 2,3 % des 1,4 milliard d’habitants de l’Inde.
La nouvelle loi « porte atteinte à la liberté fondamentale de choisir sa foi »
Si l’adoption de ces lois anti-conversion est justifiée par des accusations de conversions forcées, les données officielles ne confirment cependant pas ces allégations. Par exemple, la loi promulguée ce mois-ci dans l’État du Rajasthan a été justifiée par des préoccupations liées au « déséquilibre démographique » et au « love jihad », pratique supposée selon laquelle des hommes musulmans forceraient des femmes hindoues à les épouser pour les convertir. Pourtant, les autorités de l’État ont reconnu qu’aucun cas de « love jihad » n’avait jamais été enregistré et que seulement treize cas de conversions religieuses illégales avaient été signalés au Rajasthan au cours des cinq dernières années, selon le quotidien The Times of India.
Au Maharashtra, l’adoption imminente de la loi anti-conversion suscite une nouvelle levée de boucliers. Citée par l’agence Ucanews, la théologienne catholique Virginia Saldanha avertit que cette loi pourrait servir « à harceler ceux qui souhaitent sincèrement se convertir », diaboliser les minorités religieuses et fragiliser l’harmonie sociale. « Le Maharashtra a longtemps été un État où religions et communautés coexistent en paix, un équilibre qu’il faut préserver », a-t-elle souligné.
A.C. Michael, du United Christian Forum, a déclaré pour sa part que le BJP se livre à de la « politique de vote communautaire » et cherche à faire avancer son idéologie à travers la loi proposée. Dans des propos également rapportés par Ucanews, Irfan Engineer, secrétaire du Centre d’étude de la société et du sécularisme à Mumbai, craint que la loi ne soit instrumentalisée « par la police et les proches du pouvoir pour opprimer les minorités ». Selon lui, le gouvernement « ne favorise pas les mariages interreligieux et porte atteinte à la liberté fondamentale de choisir sa foi ».
Le journaliste et militant des droits humains John Dayal, coordinateur du United Christian Forum, rappelle que des lois similaires dans une douzaine d’États indiens ont déjà créé des difficultés juridiques pour les chrétiens. Il redoute une « violation généralisée de la loi dans les villages et petites villes de l’État, commise en toute impunité par des foules qui s’en servent comme prétexte pour semer le chaos contre les chrétiens, et également contre les musulmans ».
(Ad Extra, A. B.)