Graines d’espérance : le Jubilé 2025 au cœur de la Chine
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Le 21/02/2025
Comment les communautés catholiques à travers la République populaire de Chine vivent-elles le Jubilé ? À quel point le thème de l’espérance parle-t-il aux jeunes chinois d’aujourd’hui dans la vie quotidienne ? Pour répondre à ces questions, l’agence Asianews partage le témoignage ci-dessous, qui cite notamment l’histoire de Mei Li, une Chinoise convertie qui songeait au suicide : « Ce qui m’attire le plus en Dieu, c’est l’espérance. »
Depuis cette région du monde, le Jubilé de l’espérance a une saveur particulière. Ici aussi, c’est le sujet du moment. Des groupes organisent des voyages, des vidéos en expliquent le sens, le logo du Jubilé est présent partout, et bien sûr Luce, la mascotte officielle, est également visible sur les façades de plusieurs églises.
Une Église qui célèbre Xi Nian (l’Année Sainte) dans un contexte défavorable, souvent associé au désespoir. Pourtant l’Église chinoise, silencieuse mais forte, est aussi un champ semé de graines d’espérance. La situation politique du pays ne peut pas se mesurer à la vitalité spirituelle qui l’habite en profondeur.
À commencer par les graines de conversion qui sont de plus en plus fréquentes, et suivies avec un soin particulier pour les catéchumènes. Il y a des sessions de formation pour ceux qui accompagnent les catéchumènes, ce qui implique plusieurs mois d’études intenses, de prière et de service. Ces cours sont surtout suivis par des hommes et des femmes qui sacrifient leur temps de travail – malgré les pressions sociales et professionnelles – afin de se consacrer intégralement et librement à leur croissance spirituelle et à la formation des autres chrétiens.
Des conversions comme celle de Mei Li, mariée et mère d’une fille d’environ vingt ans, diplômée d’université avec un bon travail, mais qui explique qu’elle se sentait triste et insatisfaite depuis longtemps : « Je pensais souvent au suicide, je ne comprenais pas à quoi avaient servi tous mes efforts. » Des « efforts » qui étaient liés à la pression sociale et familiale qui caractérise souvent la vie des Chinois.
Cette pression commence quand ils sont enfants et les accompagne toute leur vie : être le meilleur élève, la meilleure fille, la meilleure épouse, la meilleure mère, avoir le meilleur travail, gagner autant d’argent que possible, être beau, ressembler le mieux possible aux stéréotypes imposés… C’est l’immense pression qui affecte la vie quotidienne.
Une jeune chinoise baptisée « Jeanne d’Arc »
Chaque action est soumise aux jugements et à la pression sociale, et l’unité de mesure pour comprendre si une vie est réussie ou non, c’est l’argent qu’une personne arrive à gagner et donc à afficher. Mei Li avait surmonté ces pressions plutôt avec succès, et pourtant elle songeait au suicide. « Vous réalisez que croire en l’argent ne mène nulle part, et vous sentez que vous êtes juste une boîte vide. Une vie de pression qui mène à un sentiment de vide, c’est la preuve que ce système ne fonctionne pas. » Le problème du suicide comme une manière d’échapper aux pressions est une vraie question en Chine : de plus en plus de jeunes choisissent de s’ôter la vie parce qu’ils se sentent impuissants face aux normes imposées.
Ainsi, sa rencontre avec un ami fraîchement baptisé chrétien a conduit Mei Li vers une communauté où elle s’est sentie accueillie, écoutée et comprise, jusqu’à marcher vers le baptême. « C’est faux de dire que nous Chinois ne croyons en rien, mais jusqu’à maintenant, nous étions trop occupés à échapper à la faim, et nous savions que ce n’était qu’en travaillant dur que l’on pouvait réussir ; mais aujourd’hui, le temps est venu de penser à notre âme, et mon cœur désire voir tous les Chinois devenir chrétiens. Chaque fois que je marche dans la rue et que je croise le visage de quelqu’un, je suis certaine que ce sera son tour un jour », confie-t-elle en ajoutant que « ce qui m’attire le plus en Dieu, c’est l’espérance ».
Mais en Chine, il y a aussi des conversions plus insouciantes, comme celle de la joyeuse Jeanne d’Arc, une jeune fille de 17 ans d’une grande métropole, belle, audacieuse, qui décide un jour de se faire baptiser sans que sa famille le sache (en choisissant Jeanne d’Arc comme nom de baptême !).
Elle raconte à ses parents qu’elle passe ses après-midi au centre commercial ou en discothèque, alors qu’elle suit des cours de catéchèse et participe à des activités paroissiales. Son premier contact avec les chrétiens a été avec des Églises protestantes. Mais ensuite, avec un raisonnement purement rationnel et logique faisant penser au « rasoir d’Ockham », et un mélange de pragmatisme chinois et de jugement lapidaire lié à son âge, elle a déclaré : « Les Églises protestantes étaient bien, mais il y en avait trop ; l’Église catholique est une et c’est la même dans le monde entier, donc c’est mieux. »
« La Chine attend seulement que quelqu’un lui parle de Dieu »
Le désir d’ouverture et d’universalité est une autre graine d’espérance importante en Chine. Lors d’un dîner avec des familles et beaucoup d’enfants, un parent a confié qu’il était très heureux que son fils de 7 ans voit qu’il y a des chrétiens qui sont prêts à venir de loin. Il s’est lui-même souvenu qu’étant enfant, un membre français d’une congrégation était venu visiter son village : « À ce moment, j’ai compris que ma foi était importante : si quelqu’un nous rend visite depuis aussi loin, cela veut dire que nous faisons partie de quelque chose de grand et beau. »
L’espérance qui vient de cette terre de Chine est évidente si vous êtes attentif. Il y a une réserve de vitalité et de désir d’ouverture au monde, qui reflète les privations de liberté et d’ouverture. Il y a les graines d’espérance de ceux qui savent que c’est la nuit, mais que la nuit n’est pas éternelle et que c’est malgré tout un bon moment pour sortir.
Comme Marie Madeleine, qui « est sortie quand il ne faisait pas encore jour », l’Église aussi sort dans la nuit et prépare le chemin pour le jour à venir. Bien sûr, les inquiétudes ne manquent pas, ni les difficultés, mais on sent que pour ces gens, la foi est une véritable occasion d’espérer pour toute la Chine. Une espérance qui leur permet d’échapper au vide social, politique et existentiel qui ne fait que générer des pressions sans fin. « La Chine attend seulement que quelqu’un lui parle de Dieu », affirment beaucoup de jeunes chrétiens, et c’est un refrain que l’on retrouve dans beaucoup de conversations.
Ainsi, l’Église chinoise est nourrie par l’espérance qui vient du fait d’appartenir à l’universalité de l’Église et du monde, et pour l’universalité, la Chine constitue elle-même une réserve d’espérance, parce qu’on y voit la vie là où il semblait n’y avoir que la mort. Le Jubilé devient ainsi un espace de liberté, parce qu’il nous rappelle qu’il y a des Églises sœurs qui pensent les unes aux autres ; il ravive notre sentiment de communion et nous fait sortir de notre isolement.
(Avec Asianews)