Inde : le récit de conversion de Jeremiah, de la tribu qui a tué les missionnaires Krick et Bourry
Jeremiah Krong (à droite), membre de la tribu Mishmi dans l’Arunachal Pradesh.
© Indian Catholic Matters (ICM)
Le 10/12/2025
Dans la salle de bal du Light Hotel de Penang, au nord-est de la Malaisie, les voix de laïcs de toute l’Asie ont été entendues durant le « grand pèlerinage d’espérance » des Églises d’Asie, qui a accueilli 900 participants (cardinaux, évêques, prêtres, religieux et laïcs) de 32 pays du 27 au 30 novembre. Parmi eux, une Indienne a partagé son témoignage : Jeremiah (Jérémie) Krong, de l’Arunachal Pradesh, membre de la tribu Mishmi qui a tué les missionnaires MEP Krick et Bourry au XIXe siècle.
La famille tribale de Jeremiah est farouchement animiste depuis des siècles. Alors qu’elle avait quitté sa région natale et obtenu un diplôme MBA à Bangalore, où elle avait réussi professionnellement, elle a vécu une conversion soudaine à la manière de saint Paul. Depuis, elle a quitté son emploi, est retournée vers ses montagnes natales, et proclame l’Evangile auprès des siens.
En 2019, après son retour en Arunachal Pradesh, elle témoignait ainsi : « J’étais une personne dure, je ne pouvais pas supporter le nom de Jésus. Depuis que j’ai rencontré le Seigneur, je suis plus heureuse que jamais. » Aujourd’hui, seule catholique dans son village et sa famille, elle est déterminée à partager la joie de sa découverte.
Cela fait 8 ans et 8 mois que je suis chrétienne, je suis probablement la plus jeune d’entre vous. Je viens de l’Arunachal Pradesh, du diocèse de Miao, le même que Mgr George Palliparambil (responsable du bureau pour l’évangélisation de la Fédération des conférences épiscopales d’Asie – FABC-OE, qui a organisé le « pèlerinage d’espérance » des Églises d’Asie du 27 au 30 novembre à Penang, Malaisie).

Je viens d’une famille issue de la tribu Mishmi, une des tribus animistes les plus orthodoxes et résistantes de l’État. Ma tribu est celle qui a tué deux prêtres en 1850, les missionnaires MEP français Nicolas Michaël Krick et Augustin-Étienne Bourry. Notre famille s’est accrochée fièrement à ses croyances animistes durant des générations. Selon nos croyances, toutes les maladies et toutes les catastrophes peuvent être évitées en offrants des animaux en sacrifice.
Moi-même, j’étais fortement attachée à nos traditions et coutumes, malgré le fait que j’avais obtenu un diplôme scientifique. Je peux dire que le sang de ces deux martyrs a semé ma foi. Mais si je peux témoigner de Jésus Christ aujourd’hui, je dois aussi dire que Dieu est miséricordieux si j’ai reçu la foi, étant donné le passé de ma famille.
Durant des années, j’ai vécu une vie normale, un travail normal. Je suis partie à Bangalore pour le lycée et les études supérieures. Après avoir achevé ma formation, je suis restée à Bangalore et j’ai commencé à construire ma carrière. Aller au bureau, gagner de l’argent, passer du bon temps avec des amis, faire du shopping, aller au restaurant ; c’était ma vie. Je pensais que la vie, c’était plus ou moins cela.
« J’ai reçu quelque chose de bien plus grand que la guérison »
J’étais loin de penser que ma vie s’apprêtait à être bouleversée. J’ai souffert de maux physiques, de maladies, notamment des douleurs aux cervicales. Les problèmes sont entrés dans ma vie et se sont accumulés. Cela a d’abord commencé avec des douleurs de dos importantes, tellement insupportables que je devais travailler debout. J’ai dû visiter un physiothérapeute. Les douleurs ont un peu diminué, mais j’ai ensuite ressenti des douleurs au cou. C’était une spondylose cervicale.
C’est devenu plus intense au fil du temps. La douleur irradiait de mes épaules jusqu’aux bras. Mon cou a fini par être complètement bloqué, je ne pouvais pas tourner la tête à droite ou à gauche. Tout mon argent a été englouti dans des sessions de physiothérapie. J’ai aussi commencé à faire de l’insomnie. Mon esprit pensait constamment à quelque chose. Il y avait aussi d’autres problèmes de santé, à cause desquels je commençais à basculer dans la dépression et la négativité.
Durant cette période, celle qui est aujourd’hui ma marraine m’a suggéré d’aller au Divine Retreat Centre, un centre de retraite au Kerala. Si je suis partie au Kerala, c’était d’abord pour être guérie. J’avais beaucoup d’attentes. Pourtant, bien que je n’aie pas été guérie immédiatement à ce moment-là, j’ai reçu quelque chose de bien plus grand que la guérison. J’ai découvert que Jésus Christ est le vrai Dieu. Je me suis sentie libérée de connaître la vérité.

« J’ai demandé à Dieu : que faire ensuite ? »
De retour à Bangalore, j’ai demandé le baptême, avec pour nom Jérémiah (Jérémie), ce qui peut sembler étrange pour une femme. Après être rentrée, j’ai dédié tout mon temps libre à la prière, la lecture de la Bible, la prière du chapelet et la messe dominicale. Le 15 mars 2017, j’ai reçu le baptême et j’ai pris Jeremiah (Jérémie) comme nom de baptême. Le 15 mai 2017, j’ai reçu ma première communion.
Enfin, j’ai fini par être guérie de toutes mes douleurs. Après avoir reçu mes sacrements, j’ai demandé à Dieu : que faire ensuite ? Cela ne me suffisait pas de recevoir les sacrements. Donc après avoir longtemps discerné, j’ai répondu à l’appel de Dieu, qui me demandait de quitter Bangalore et de rentrer dans l’Arunachal Pradesh pour accomplir ce que Dieu voulait que j’y fasse.
J’ai été appelé à un apostolat à plein temps, et à un retour à la vie rurale, pour prier pour les souffrants comme moi et leur venir en aide. J’ai continué de recevoir des critiques de ma famille, de ma tribu animiste, qui sacrifie des animaux pour tout. Je me suis aussi lancée en politique. J’ai décidé que si Jésus est mort pour nous, je devais mourir aussi, c’est-à-dire faire mourir celle que j’étais, pour me donner totalement.
« Jésus a donné un sens à ma vie »
Depuis que je suis rentrée en 2019, j’ai témoigné de Jésus auprès des miens, comment il m’a guérie. Je priais prier partout pour les malades, je visitais les familles, je les accompagnais. Je pouvais être appelée à tout moment pour prier pour les malades, je voulais être toujours prête. Durant la pandémie, j’ai fondé un groupe de prière dans mon village, avec d’abord seulement deux membres. Nous avons jeûné et prié ensemble tous les vendredis. Le groupe est passé de 2 à 25, et de nouveaux membres continuent d’arriver.
À travers ce groupe de prière, de nombreuses personnes ont fait l’expérience du Christ et de sa main guérisseuse, et l’ont accepté comme leur Sauveur et Maître. Ces personnes vont maintenant dans leurs villages et localités pour partager leur témoignage et prier pour les gens. Ils vont désormais évangéliser auprès de leurs amis, leurs familles et leurs proches. À travers mon groupe de prière, nous avons distribué des chapelets, de l’huile bénie et des bibles autour de nous.
Jésus a donné un sens à ma vie, alors qu’autrefois, je pensais que gagner de l’argent et avoir des objectifs de carrière étaient les seuls buts d’une vie humaine. C’était quelque chose de tellement égoïste. J’ai compris qu’il y avait bien plus dans la vie, je ne pouvais vivre que pour moi, je devais avoir un impact dans la vie de quelqu’un, je devais faire en sorte que la vie des autres soit également transformée par la rencontre du Christ, et qu’ils devaient aller à la lumière tout comme je suis venue à la lumière. Cela continue de guider tout ce que je fais.
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