Inde : première visite de Modi au Manipur, deux ans après le début des violences

Le 15/09/2025
Le Premier ministre indien Narendra Modi a effectué ce samedi 13 septembre une visite d’État au Manipur, dans le nord-est du pays. Une visite sous haute sécurité organisée deux ans après le début des violences interethniques et religieuses qui opposent les communautés Kukis et Meiteis. Dans un discours, il a souligné les progrès locaux et les initiatives en faveur du développement. De son côté, le parti du Congrès s’est indigné qu’il ait tant attendu avant de se rendre dans cette région en crise.
Narendra Modi est arrivé ce samedi 13 septembre dans une région majoritairement Kuki, à Churachandpur, deuxième ville du Manipur, afin de rencontrer des réfugiés et des personnes déplacées internes. Il s’agit de sa première visite dans la région depuis le début des violences en 2023, qui ont depuis causé plusieurs centaines de morts.
Des tensions et des polémiques ont précédé cette visite, alimentées entre autres par le principal parti d’opposition indien, le Congrès (INC), dont le président Mallikarjun Kharge a accusé le Premier ministre d’avoir organisé une cérémonie d’accueil de grande envergure afin de redorer sa propre image.
M. Kharge a dénoncé sa « cruauté » en évoquant le cœur des habitants blessés et toujours affectés aujourd’hui. « Où est votre ‘Rajadharma’ », a-t-il demandé en utilisant un terme sanskrit désignant le devoir des dirigeants envers la paix et la prospérité du peuple sous leur charge.
Avant la visite de Modi, les autorités ont imposé une haute sécurité à Imphal, capitale du Manipur, ainsi qu’à Churachandpur, en déployant de nombreux policiers. Face à la foule, le Premier ministre a déclaré vouloir faire du Manipur « un symbole de paix, de prospérité et de progrès ».
« Aujourd’hui, je vous promets que le gouvernement de l’Inde est avec vous et que je suis avec vous », a-t-il ajouté, en désignant cette région comme une « terre de courage ». « Nous allons devenir très bientôt la 3e plus grande économie au monde. Il y a une époque où il fallait plusieurs décennies pour que les décisions qui étaient prises à Delhi arrivent jusqu’ici. Aujourd’hui, notre Churachandpur et notre Manipur progressent en même temps que le reste de la nation. »
Le Premier ministre a évoqué les progrès faits par l’État indien, entre l’eau courante dans les maisons, qui était encore un luxe pour beaucoup jusqu’à il y a quelques années, jusqu’à un plan de logement destiné aux plus démunis. « Je veux appeler toutes les organisations à progresser sur la voie de la paix et à accomplir votre rêve. Je suis avec vous, le gouvernement de l’Inde est avec le Manipur », a-t-il assuré.
46 déplacements à l’étranger en deux ans, pas un seul au Manipur
La veille, les propos de l’opposition à propos de cette visite étaient d’une autre nature. « M. Narendra Modi, vos trois heures de visite au Manipur ne sont pas de la compassion, mais une farce, de la poudre aux yeux, et une grave insulte envers le peuple. Votre soi-disant tournée à Imphal et Churachandpur n’est rien qu’une échappatoire honteuse qui vous évite d’écouter les cris des gens placés dans les camps de réfugiés », a dénoncé le chef du parti du Congrès sur X. Au total, a-t-il ajouté, « nous avons vécu 864 jours de violences, avec 300 vies perdues, 67 000 déplacés, et 1 500 blessés ».
« Depuis, vous avez effectué 46 déplacements à l’étranger, mais pas un seul au Manipur pour y dire seulement quelques mots de sympathie envers vos propres citoyens », a-t-il poursuivi. « Votre dernière visite au Manipur remontre à janvier 2022, pour des élections », a souligné le leader de l’opposition, en rappelant que « les violences continuent ».
La secrétaire générale du parti du Congrès, Priyanka Gandhi, a également dénoncé cette situation en soulignant que Modi aurait dû effectuer cette visite bien plus tôt. « Je suis contente qu’il ait décidé, après deux ans, que cela valait le coup de se rendre là-bas. Mais il aurait dû effectuer cette visite depuis longtemps. C’est dommage qu’il ait permis à cette situation de perdurer aussi longtemps, et que tant de gens soient décédés. Ce n’est pas dans la tradition des premiers ministres de l’Inde », a-t-elle commenté.
Mgr Neli : « Il n’a pas abordé les questions essentielles »
Les violences interethniques entre l’ethnie Meitei, majoritairement hindoue, et les Kukis majoritairement chrétiens, ont éclaté au Manipur en mai 2023, et ont repris régulièrement depuis, avec un bilan total de près de 300 morts.
Les violences ont également détruit plus de 11 000 habitations, près de 360 églises, et plusieurs autres bâtiments chrétiens dont des écoles. Dans ce contexte, encore aujourd’hui, les deux groupes craignent de s’aventurer dans le territoire de l’autre.
« C’est bien que Modi soit enfin venu dans notre État », a réagi un responsable chrétien anonyme, tout en se montrant lui aussi sceptique face aux annonces du Premier ministre « alors que notre région est encore en pleine crise ». « Ce dont nous avons besoin avant tout, c’est de restaurer la paix. »
Le lendemain de cette visite, l’agence Fides a également cité Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal, selon qui la présence de Modi « n’a pas touché le point sensible et le problème crucial : la population du Manipur est blessée par le conflit, elle est divisée et vit depuis deux ans dans des zones séparées ». « Il n’a pas abordé les questions essentielles telles que les relations entre les groupes en conflit, la haine, l’urgence de reconstruire la disposition intérieure et communautaire à la paix. »
« Les deux parties [Meiteis et Kukis] sont déçues », a aussi assuré un observateur politique basé à Imphal. « Il a évité d’évoquer les véritables causes des violences et le besoin urgent de restaurer la paix. »
Les Kukis représentent 41 % de la population du Manipur, qui compte 3,2 millions d’habitants, et les Meiteis, qui contrôlent l’administration de l’État, sont environ 53 %.
Source : Asianews, Ucanews, Fides