Jubilé du monde de la communication : « communiquer l’espérance » à Taïwan

Le 21/02/2025
« L’année jubilaire 2025, célébrée tous les 25 ans par l’Église catholique, est un temps de renouveau spirituel, de réflexion et de grâce » rappelle le père Stanislaus Irudayaselvam, MEP, originaire du diocèse de Dharmapuri (Inde) et arrivé à Taïwan en 2010. Diplômé d’un doctorat en communication aux Philippines en 2020, c’est en tant que secrétaire de direction de la commission pour les communications sociales des évêques taïwanais qu’il a été envoyé à Rome le mois dernier pour représenter l’île au Jubilé du monde de la communication.
Deux événements ont eu lieu au Vatican le mois dernier autour de la communication. Le Jubilé du monde de la communication, du 24 au 26 janvier, et la Conférence des présidents des commissions épiscopales pour la communication et des directeurs nationaux pour la communication, du 27 au 29 janvier.
Le père Stanislaus Irudayaselvam, missionnaire MEP à Taïwan, y représentait l’Église taïwanaise en tant que secrétaire de direction de la commission pour les communications sociales des évêques taïwanais. Il remarque que « l’Église a dédié le premier mois de l’année jubilaire à la communication, en considérant son importance » à l’occasion de ce Jubilé 2025 désigné par le pape François comme « un temps de renouveau pour les catholiques comme pèlerins d’espérance ».
Le 25 janvier, le second jour du Jubilé du monde de la communication, des médias du monde entier se sont rassemblés dans la salle Paul VI du Vatican. Parmi eux, « trois intervenants ont introduit la session en invitant les participants à revenir aux racines de notre profession », explique le père Stanislaus : la journaliste philippine et Prix Nobel de la paix 2021 Maria Ressa, l’écrivain et chroniqueur irlandais Colum McCann, ainsi que le journaliste italien Paul Ruffini, préfet du dicastère pour la Communication.
Maria Ressa : appel pour une communication éthique et en vérité
Durant son intervention, Maria Ressa a évoqué « une profonde transformation de notre monde ». Selon le père Stanislaus, la journaliste a décrit comment les réseaux sociaux ne sont plus neutres aujourd’hui, en dénonçant les dégâts causés par les algorithmes des différentes plateformes qui favorisent la désinformation et la division.

Face à cela, elle a appelé à une communication éthique et vérité, alors que l’année jubilaire survient à une époque où le monde est sens dessus dessous (« Ce qui est bien est mal et ce qui est mal est bien »), et alors que l’information est tous les jours massivement manipulée dans les médias. « Je me souviens d’un vieux dessin animé quand j’étais enfant. À votre droite, vous avez le diable qui vous pousse à faire le mal, et à votre gauche, cet ange qui vous rappelle la règle d’or : fais ce qui est juste. Ce que les réseaux sociaux ont fait, c’est de faire tomber l’ange de votre épaule, de faire grandir le diable et de lui donner une ligne directe dans votre système nerveux. »
C’est pourquoi elle a défié les journalistes et communicants présents afin qu’ils reconnaissent leur pouvoir : « Construire la paix n’est pas réservé aux héros ; c’est le travail collectif de personnes qui refusent d’accepter cette situation et de vivre dans le mensonge. Vous êtes puissants et pouvez faire partie de ce raz-de-marée de changement pour le bien. »
Colum McCann : communication instantanée et épidémie de solitude
L’intervention de Colum McCann a également marqué le père Stanislaus. L’écrivain a déclaré que « nous vivons à une époque à la fois très humaine et très peu humaine », en décrivant l’écart vertigineux entre les progrès spectaculaires dans les domaines de la science, de la médecine, de l’art et de la technologie, qui permettent d’avoir « un accès instantané les uns aux autres », et d’un autre côté, au même moment, « une épidémie de solitude et d’isolement ».
Face à cette situation, l’écrivain a expliqué que « la plus petite distance qui nous sépare est une histoire ». « Les histoires comptent. Elles peuvent changer le cours de l’histoire. Elles peuvent nous sauver. Les histoires sont le ciment qui nous maintient ensemble : nous ne sommes rien si nous ne pouvons pas communiquer », a-t-il souligné en décrivant ceux qui racontent des histoires comme des « pèlerins de l’espoir ». Une tâche qui incombe à tous mais qui est « particulièrement réservée à nos enseignants et à nos journalistes ».
Il a averti que si « en tant que gouvernement, entreprise, Église ou communauté, nous pouvons nier à une autre personne son histoire, nous pouvons nier son existence même. » « C’est une arme puissante et insidieuse. Elle peut semer la peur. Elle peut isoler. Elle peut déshumaniser », a-t-il alerté en invitant à entreprendre le changement en commençant par écouter et communiquer.
« Communiquer est un acte d’amour »
La Conférence internationale des communicants institutionnels catholiques (Conférence des présidents des commissions épiscopales pour la communication et des directeurs nationaux pour la communication, 27 au 29 janvier) faisait également partie des célébrations jubilaires du mois dernier autour de la communication. Le matin du 27 janvier, le pape s’est adressé aux présidents et directeurs de ces bureaux et commissions dans la salle Clémentine. Dans son discours, le Saint-Père les a invités à réfléchir à la manière dont ils communiquent et montrent le Royaume de Dieu.
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De cette intervention, le père Stanislaus a retenu deux mots développés par le pape François : « ensemble » et « réseau ». « Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons communiquer la beauté que nous avons rencontrée. » « Communiquer est un acte d’amour. Seul un acte d’amour gratuit tisse des réseaux de bien » a souligné le pape en invitant à « semer l’espoir ». Le « réseau » est le deuxième mot sur lequel il a invité à réfléchir, en rappelant qu’il ne s’agit pas d’un mot nouveau mais ancien : « Travailler en réseau, c’est mettre en réseau des compétences, des connaissances, des interventions, pour pouvoir informer correctement et ainsi être tous sauvés de l’océan du désespoir et de la désinformation. »
Le pape a ainsi mis en avant la responsabilité des communicants chrétiens, en les appelant à dépasser « les tactiques et les phrases toutes faites », afin de développer la communication catholique comme « l’espace ouvert d’un témoignage qui sait écouter et capter les signes du Royaume ». Il a ainsi encouragé à collaborer pour répandre l’Évangile à travers les médias traditionnels et numériques.
Une sonnette d’alarme pour les communicants catholiques
Pour le père Stanislaus, « cette conférence de trois jours a permis d’évoquer les enjeux principaux de la communication en Église aujourd’hui face à l’évolution du paysage numérique ». « C’est une sonnette d’alarme pour les communicants catholiques, et une invitation à prendre conscience des propagandes et lobbies en action dans l’espace médiatique. C’est un appel à investir les médias et à utiliser l’intelligence artificielle pour le bien. »
Au cours de la session, les participants ont également échangé avec des experts dans le cadre d’ateliers et de discussions autour de thèmes comme les relations presse, les stratégies adaptées aux différents auditoires, la lutte contre la désinformation et le rôle de l’IA dans les communications en Église. La conférence a ainsi permis d’explorer les défis et opportunités des communications modernes catholiques.
Concernant la communication de l’Église à Taïwan, le prêtre confie : « Nous sommes patients, nous essayons d’inventer des choses. » Le missionnaire rappelle que les catholiques représentent à peine 1 % de la population locale, sur 23 millions d’habitants, et que les protestants sont plus nombreux, très bons en communication avec beaucoup de moyens, notamment via une chaîne appelée Good TV.
Dans ce contexte, il évoque quatre principaux médias catholiques. L’antenne Radio Veritas (45 minutes de journal hebdomadaire, des messes en ligne et des réflexions sur l’Évangile), un journal papier publié chaque dimanche, une chaîne de télévision, et une application appelée Catholic Voice gérée par des laïcs. En 2022, le père Stanislaus a également mis en place « One minute for God » (Une minute pour Dieu), moins d’une centaine de mots qu’il diffuse tous les jours sur Whatsapp et Line.
Par ailleurs, tous les documents officiels du Vatican sont immédiatement traduits à Taïwan, jusqu’aux encycliques de 300 pages traduites en seulement quelques jours. Enfin, le père signale que le conseil des évêques de Taïwan est très actif ; ainsi, dès qu’une activité est organisée à Rome dans le cadre du Jubilé 2025, Taïwan y participe. Un jubilé qui a bien débuté dans le pays, où chaque diocèse compte cinq ou six centres de pèlerinage.
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