Chine

La Chine durcit le contrôle des activités religieuses en ligne

La nouvelle législation mentionne notamment le réseau social Wechat et l’utilisation de l’intelligence artificielle. La nouvelle législation mentionne notamment le réseau social Wechat et l’utilisation de l’intelligence artificielle. © (^_^) WK / CC BY-NC-ND 2.0
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Ce lundi 15 septembre, l’Administration d’État sur les Affaires religieuses de Chine a publié de nouvelles « Règles de comportement en ligne du personnel religieux », 18 articles qui entrent en vigueur immédiatement. Si les conséquences directes restent incertaines, ce texte renforce des règles déjà en place et verrouille encore davantage la situation. À noter, l’interdiction de toute diffusion religieuse auprès des mineurs et de toute liturgie en streaming. Ces règles concernent cette fois-ci Macao, Hong-Kong, Taïwan et l’étranger.

L’Administration nationale des Affaires religieuses a publié une nouvelle législation ce lundi. Désormais, les prêtres catholiques et les ministres des autres cultes ne peuvent être « influenceurs » en Chine aujourd’hui. Les religieux de toutes les confessions ont l’interdiction d’organiser des activités éducatives en ligne pour les enfants, de prêcher en direct sur les réseaux sociaux, et de promouvoir des collectes de fonds destinées à financer de manière indépendante la construction d’un lieu de culte.

Les 18 articles des nouvelles « Règles de comportement en ligne du personnel religieux » détaillent ce qu’un prêtre ou autre ministre du culte en Chine officiellement reconnu peut faire et surtout ce qu’il ne peut pas faire en ligne. L’objectif de ces nouvelles règles est censé « maintenir l’ordre dans la sphère religieuse ».

Si toute la portée de cette nouvelle législation reste incertaine, on peut noter deux textes précédents, l’un publié en avril 2024 relatif à l’administration des activités religieuses des étrangers, et un autre publié en décembre 2021 concernant les services d’information religieuse sur Internet. Ainsi, les nouvelles règles annoncées cette semaine ne font que renforcer une législation déjà en place, en verrouillant encore davantage la situation.

Indépendance religieuse et sinisation des religions

Comme toujours en chine continentale, comme le rappelle l’agence Asianews, le principe central est le suivant : le clergé doit lui aussi « pratiquer les valeurs fondamentales du socialisme, adhérer au principe d’indépendance et d’autodétermination des religions dans notre pays, adhérer à la sinisation des religions, orienter activement les religions pour qu’elles s’adaptent à la société socialiste, et maintenir l’harmonie religieuse, sociale et ethnique ».

En particulier, l’Administration d’État pour les Affaires religieuses note que le clergé religieux ne peut prêcher ou participer à des enseignements religieux que « via des sites web, des applications, forums, etc., créés légalement par les groupes religieux, écoles religieuses, temples, monastères et églises », et disposant d’une autorisation officielle.

Même quand ils s’enregistrent et utilisent des comptes publics en ligne ou des applications de messagerie en ligne afin de diffuser des informations, ils doivent « présenter leur certificat de membre en tant que religieux enregistré auprès des fournisseurs de services Internet ».

L’interdiction de publication de « contenus incitant à la subversion du pouvoir de l’État » ou s’opposant à l’autorité du « Parti communiste chinois » va de soi. En revanche, une autre déclaration est plus sujette aux interprétations : « Le clergé religieux ne doit pas comploter avec des forces étrangères sur Internet, ni soutenir ou participer à des activités d’infiltrations religieuses étrangères en ligne. »

Le texte stipule aussi que « le clergé religieux ne doit pas présenter, porter ni soutenir des tenues religieuses extrémistes en ligne ».

Activités éducatives en ligne, diffusions en direct

La Chine impose aussi de plus en plus d’interdictions étendues sur les activités éducatives proposées en ligne pour les enfants par les groupes religieux. L’article 10 précise que « le clergé religieux ne doit pas diffuser d’idées religieuses ou inciter les mineurs à croire en la religion via Internet, ni organiser la participation des mineurs à l’éducation religieuse et à des camps d’été ou d’hiver, ni inciter ou pousser les mineurs à participer aux activités religieuses ».

À l’exception des initiatives soutenues par les sites web « officiels », le clergé « ne doit pas prêcher via des diffusions en directs, des vidéos courtes, des réunions en ligne, des groupes WeChat ou des stories ; ils ne doivent pas organiser ou participer à des activités religieuses en ligne telles que des cérémonies, des offices et des messes, ni à des rituels religieux comme l’allumage de bâtons d’encens, des offrandes au Bouddha, la proclamation d’Écritures religieuses, l’observation de préceptes, ou des baptêmes ; ni organiser des formations ou des cours en ligne avec des contenus ou des sous-entendus religieux comme des ‘méditations’, des ‘purifications’ ou des ‘prières de guérison’ ».

Dons en ligne, intelligence artificielle et plateformes étrangères

La collecte de dons en ligne pour la construction de lieux de culte ou pour l’organisation d’activités est aussi explicitement interdite.

La législation mentionne également l’utilisation de produits et services d’IA (intelligence artificielle) générative à des fins religieuses, en précisant que cela doit être fait selon la loi, et que ce n’est donc bien sûr pas autorisé « pour prêcher, produire, publier ou diffuser des informations illégales, ni organiser des activités illégales ».

En cas de violation de ces règles, l’Administration d’État pour les Affaires religieuses ordonnera une rectification dans un délai donné ; un refus entraînerait des « sanctions selon les lois et les réglementations administratives en vigueur ». Cela comprend l’imposition de restrictions ou la fermeture de comptes sur les plateformes d’information religieuse ou sur les réseaux sociaux chinois.

Enfin, le clergé religieux doit se conformer à ces règles sans ambiguïté, « même pour organiser des activités en ligne via des plateformes en ligne à l’étranger ». Ces règles s’appliquent aussi cette fois-ci aux habitants « de Hong-Kong, de Macao et de Taïwan ainsi qu’aux clergés religieux étrangers qui organisent des activités en ligne dans le pays ».

« Les religions ne craignent rien, tant qu’elles sont sous le contrôle de l’État »

En réaction à la nouvelle législation, des religieux en Chine y ont vu une « évolution naturelle de la politique de sinisation ». « Les religions ne craignent rien, tant qu’elles sont sous le contrôle de l’État », indique l’un d’entre eux, cité par The Pillar. « Il est possible que ces règles ne ciblent même pas spécifiquement les catholiques, mais qu’elles soient plutôt destinées à réprimer d’autres religions et sectes comme le bouddhisme et le Falun Gong, ainsi que les fonctionnaires locaux corrompus qui sollicitent de l’argent à l’étranger », ajoute la source. « Mais ce sera malgré tout facile de se retrouver entre deux feux. »

Un autre religieux chinois estime aussi que ces règles pourraient être appliquées d’une manière qui pénalise les communications épiscopales ordinaires avec Rome. « Si vous êtes un évêque en Chine continentale et que vous avez une forme de communication ordinaire avec le Vatican qui reconnaît la juridiction de Rome sur les affaires ecclésiastiques, et si vous le faites par email, vous pourriez être accusé de ‘collusion étrangère’ », ajoute-t-il.« Si tout religieux est en lien de quelque manière que ce soit avec un missionnaire, c’est de ‘l’infiltration’. Comme toujours avec ces règles, le but est de criminaliser tout ce qui vient de l’extérieur de la Chine. Nous arrivons à un point où toutes les expressions ordinaires de communion peuvent constituer une menace envers la sécurité nationale. »

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