Thaïlande

Le réseau Talitha Kum Thaïlande contre la traite des êtres humains

Sœur Agnès Buasap (à droite) coordonne le réseau Talitha Kum Thaïlande, engagé contre la traite des personnes. Sœur Agnès Buasap (à droite) coordonne le réseau Talitha Kum Thaïlande, engagé contre la traite des personnes. © Asianews
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À l’occasion de la 11e Journée internationale de prière et de réflexion contre la traite des personnes, qui était célébrée le 8 février (fête de sainte Joséphine Bakhita), le pape François s’est adressé aux membres de « Talitha Kum », un réseau religieux engagé contre la traite des personnes depuis 2009. En Thaïlande, il est coordonné par sœur Agnès Buasap, qui évoque un combat en permanente évolution alors que les trafiquants multiplient les moyens utilisés, du tourisme aux réseaux sociaux.

Le 8 février pour la 11e Journée internationale de prière et de réflexion contre la traite des personnes (qui correspond à la fête de sainte Joséphine Bakhita, une femme et religieuse soudanaise, victime de la traite quand elle était enfant), le pape François a publié un message sur le thème « Ambassadeurs de l’espoir : ensemble contre la traite des personnes ».

À cette occasion, il s’est aussi adressé aux membres du réseau « Talitha Kum » – le Réseau international de la vie consacrée contre la traite des êtres humains, créé en 2009. Le nom du réseau, inspiré de l’expression araméenne « Talitha Kum » qui signifie « Jeune fille, je te le dis, lève-toi » (Mc 5,41), symbolise l’appel à redonner vie et espoir aux victimes de la traite.

Parmi les membres de ce réseau se trouve sœur Agnès Buasap, des Sœurs hospitalières de Saint-Paul de Chartres. En tant que coordinatrice de Talitha Kum Thaïlande, la lutte contre le fléau de la traite des personnes fait partie de sa mission – un combat qui évolue alors que les moyens utilisés par les trafiquants se sont multipliés ces dernières années, du tourisme aux réseaux sociaux.

Depuis 1984, son ordre religieux est engagé en première ligne dans cette lutte dans la région, afin de développer des programmes de prévention et d’information – destinés aux jeunes ainsi qu’aux parents, aux enseignants et aux éducateurs – ainsi que des programmes de réhabilitation. Dans ce contexte, sœur Agnès Buasap a organisé des rencontres, des séminaires et des sessions de formation auprès d’au moins 52 466 étudiants dans 35 écoles, afin d’intégrer la sensibilisation contre les trafics dans les programmes scolaires.

Conséquences de la pandémie et du développement des réseaux sociaux

Ce travail fondamental rejoint le message du pape François pour la 11e Journée de prière contre ce phénomène, dont les stratégies innovantes et les réalités complexes incitent les éducateurs à combattre le fléau de manière toujours plus proactive. « En tant qu’éducatrice au sein du système scolaire, je travaille avec ma congrégation qui dirige 24 écoles en Thaïlande, y compris dans les régions frontalières et dans la capitale, Bangkok. Nous travaillons aussi avec dix écoles diocésaines. »

« Souvent, durant nos sessions de formation, nous nous informons sur les élèves et même les enseignants qui ont été victimes de la traite des personnes, et nous leur apportons notre aide. Dans certains cas, nous travaillons avec notre réseau pour engager des mesures judiciaires. » Elle travaille souvent avec les tuteurs et les parents eux-mêmes afin de les aider à comprendre comment les trafics fonctionnent, et comment les éviter.

La religieuse reconnaît qu’aujourd’hui, les enfants et les jeunes sont plus exposés que jamais face à la traite des êtres humains, en particulier ceux qui utilisent les réseaux sociaux – un domaine qui retient particulièrement l’attention du travail de Talitha Kum Thaïlande. Sœur Agnès signale que les technologies modernes, comme les smartphones et l’accès à Internet, augmentent les risques pour les enfants et les adolescents en Thaïlande, comme dans le reste du monde.

« Les réseaux sociaux représentent une grave menace pour eux. Les téléphones portables sont devenus nécessaires pour la vie quotidienne et l’éducation, mais les mêmes outils peuvent cacher de sérieux dangers. Les enfants sont souvent harcelés ou influencés par ce biais, et ce problème s’est intensifié durant la pandémie de Covid-19, quand les jeunes ne pouvaient plus aller à l’école et qu’ils passaient plus de temps en ligne avec l’enseignement à distance. »

Une mission étendue, du tourisme au monde éducatif

Il y a aussi la question du tourisme, la Thaïlande étant l’une des premières destinations en Asie. La capitale Bangkok, ainsi que Pattaya en particulier, font partie des sites touristiques les plus populaires. C’est pourquoi sœur Agnès espère que des mesures plus strictes soient adoptées afin de réduire les trafics sexuels dans ces régions. « Concernant l’imposition de mesures strictes contre la traite, je crois qu’il y a déjà suffisamment de lois en vigueur. Ce qui doit être amélioré, c’est le respect des lois avec une application plus sérieuse des sanctions, en particulier concernant les crimes contre les enfants et les jeunes. »

Un autre facteur est la formation des enseignants et des administrateurs scolaires, qui semblent parfois minimiser ou même ne pas reconnaître les dangers associés à la traite des êtres humains, ou alors en ne considérant la question que d’un point de vue sexuel, en lien avec la prostitution.

Pour dépasser les défis, la religieuse insiste sur l’importance de dialogues personnalisés et d’approches innovantes, afin d’encourager les directions et les personnels enseignants des établissements à intégrer ces questions cruciales dans leurs programmes sans augmenter la charge de travail déjà existante. « Les ressources pédagogiques qui fonctionnent sont ensuite partagées via notre réseau d’écoles, afin de constituer un précieux matériel éducatif. »

L’étendue de la mission est évidente en regardant les chiffres : dans au moins 35 écoles où l’équipe de Talitha Kum a organisé des ateliers, « nous avons formé 87 personnels religieux et 3 095 enseignants, et nous avons atteint au moins 52 466 élèves », explique la religieuse, en ajoutant que les réponses ont été globalement positives, plusieurs écoles ayant lancé des activités adaptées à leur contexte. « Nous sommes toujours convaincus que plus nous pouvons protéger d’enfants et de jeunes contre les trafics, moins il y aura de victimes à réhabiliter, ce qui est bien plus difficile. »

À l’échelle mondiale, le réseau catholique Talitha Kum, présent dans 92 pays, a permis de venir en aide à plus de 45 000 survivants de la traite des personnes en leur offrant un abri, une aide juridique ou une éducation. La journée mondiale de prière du 8 février a été lancée en 2021 par le pape François, afin d’appeler les paroisses du monde entier à agir et poursuivre la sensibilisation, le nombre total de victimes dans le monde étant estimé à près de 50 millions.

(Avec Asianews)