L’Église aux Philippines aura bientôt neuf diocèses vacants

Le 03/06/2025
Entre trois diocèses actuellement vacants et six autres dont les évêques auront bientôt dépassé l’âge limite de 75 ans, les Philippines, le plus grand pays catholique d’Asie, pourraient bientôt se retrouver avec neuf sièges épiscopaux vacants, dans une nation dont la population compte toujours sur le rôle de ses évêques face aux diverses crises sociopolitiques qu’elle traverse.
Avec plusieurs sièges épiscopaux toujours vacants, et d’autres qui seront bientôt sans évêques, le plus grand pays majoritairement catholique d’Asie fait face à une crise pastorale potentielle alors que l’Église locale attend de nouvelles nominations de la part de Rome. Les Philippines, qui comptent environ 110 millions d’habitants, avec près de 80 % de catholiques, ont actuellement trois diocèses vacants.
Les diocèses actuellement sans évêques
Le diocèse de Boac, dans la province de Marinduque, est sans évêque depuis le 21 septembre 2024, après le transfert de son évêque, Mgr Marcelino Antonio M. Maralit, dans le diocèse de San Pablo (Laguna). Mgr Maralit est également le président actuel de la Commission épiscopale pour les communications sociales de la Conférence épiscopale philippines (CBCP). Selon l’Annuaire pontifical 2023, publié tous les ans par le bureau central de statistiques du Saint-Siège, le diocèse de Boac compte environ 256 644 habitants dont 88 % de catholiques. Le diocèse est reconnu pour ses initiatives sociales et sa collaboration avec les Communautés chrétiennes de base, des petits groupes qui se rassemblent pour la prière les échanges fraternels, l’étude biblique et des activités de justice sociale.
Le vicariat apostolique de Tabuk est sans vicaire apostolique depuis le 8 décembre 2024, quand son ancien vicaire apostolique, Mgr Prudencio P. Andaya Jr., CICM, a été nommé évêque du diocèse de Cabanatuan. Le vicariat compte les provinces montagneuses de Kalinga et Apayao, avec un total d’environ 493 960 habitants pour 75 % de catholiques. La majorité des fidèles du diocèse appartiennent à la tribu indigène Igorot. Avec 31 prêtres, on compte seulement un prêtre pour 11 966 catholiques dans le diocèse.
Enfin, le siège épiscopal de San Jose, de la province de Nueva Ecija, est vacant depuis le 12 décembre 2024. Son ancien évêque, Mgr Roberto Mallari, a été transféré dans le diocèse de Tarlac. Le diocèse est situé dans la province connue comme le « grenier à riz des Philippines ». La plupart des habitants sont des fermiers qui produisent du riz, du maïs, de la canne à sucre, des noix de coco, des oignons, des fruits et des légumes.

Plusieurs évêques proches de la retraite
En plus de ces trois sièges vacants, d’autres pourraient se retrouver bientôt en attente de nouveaux évêques. Déjà, en mars dernier, trois évêques philippins avaient atteint l’âge limite de 75 ans pour les évêques : le 1er mars pour Mgr Angelito Lampo, OMI, du diocèse de Cotabato ; le 14 mars pour Mgr Patricio Buzon, SDB, du diocèse de Bacolod ; et le 19 mars pour Mgr Jose Palma du diocèse de Cebu.
Selon le Catéchisme de l’Église catholique, un « évêque ordinaire » est un évêque nommé par le pape pour diriger l’Église locale ; pour enseigner, gouverner et sanctifier les fidèles de son diocèse, en partageant ces devoirs avec les prêtres et les diacres qui servent sous son autorité. D’autres évêques ordinaires atteindront eux aussi l’âge de 75 ans au cours des prochains mois : Mgr Jose Corazon Tala-oc, du diocèse de Kalibo (le 16 juin), Mgr Marlo Perlata, du diocèse de Nueva Segovia (13 juillet), et Mgr Jacinto Jose, du diocèse d’Urdaneta (29 octobre).
Si le Saint-Père accepte la démission de ces évêques, les Philippines auront neuf sièges épiscopaux vacants. La plupart de ces diocèses sont situés dans des provinces où la majorité des habitants travaillent dans le secteur agricole. Ceux de Bacolod et de Cebu sont des exceptions, et se trouvent dans des grandes villes.
La situation particulière de l’archidiocèse de Cebu
Cebu, connu comme le « berceau du christianisme aux Philippines », est le plus grand diocèse d’Asie avec 4,7 millions de catholiques (soit 87 % de sa population). Il compte 176 paroisses et neuf missions pour 626 prêtres (348 prêtres diocésains et 278 prêtres religieux) et 2 035 religieux (1 010 frères et 1 025 sœurs). Selon l’Annuaire pontifical, il compte aussi 144 séminaristes. Bas du formulaire
La conférence épiscopale philippine a approuvé la recommandation de l’archidiocèse de Cebu qui a suggéré de le diviser en deux diocèses suffragants : Danao au nord et Carcar au sud, afin de leur donner leurs propres évêques (un diocèse suffragant est un plus petit diocèse au sein d’une province ecclésiastique, dépendant de l’archidiocèse métropolitain principal).
L’impact des évêques philippins sur les communautés locales
Ces vacances ne peuvent être comblées que par le rôle ministériel du pape, qui a l’autorité et le droit exclusifs pour la nomination des évêques, mais c’est aussi une nécessité, afin d’assurer que le peuple de Dieu ait un pasteur qui veille sur ses besoins spirituels et parfois socio-économiques. « Un siège vacant cause une absence de leadership. Nommer des évêques dans des sièges vacants permet donc d’éviter de priver le peuple d’un berger », confie le père Jérôme Secillano, secrétaire exécutif de la commission épiscopale de la CBCP pour les affaires publiques.
Beaucoup de Philippins, même quand ils sont non-catholiques, attendent les orientations morales des évêques catholiques sur les questions sociopolitiques. Le défunt cardinal Jaime Sin, quand il était archevêque de Manille, a ainsi été une voix forte contre le régime dictatorial de Ferdinand Marcos Sr., père de l’actuel président Ferdinand « Bongbong » Marcos Jr.
Le cardinal Jaime Sin a joué un rôle essentiel dans les deux révolutions pacifiques historiques qu’a connu le pays – la Révolution du pouvoir populaire de 1986 et la révolte de 2001 qui a forcé la démission de l’ancien président Joseph Estrada. Durant la présidence tumultueuse de Rodrigo Duterte, la CBCP a également publié une déclaration pastorale condamnant les exécutions extrajudiciaires généralisées dans le cadre de la « guerre contre la drogue » de l’administration précédente, provoquant la colère de l’ex-président. Duterte est même allé jusqu’à suggérer aux Philippins de « tuer et voler » les évêques catholiques.
Sur le processus de nomination par le Vatican
Bien que le père Jérôme Secillano insiste sur l’importance d’un évêque local pour donner la direction pastorale et fixer les priorités de l’Église locale ou du diocèse pour le bien de son peuple, il ajoute que le Saint-Siège ne précipite pas les nominations des évêques et ne cherche pas à combler les diocèses vacants au plus vite. « Il doit y avoir la plus grande prudence dans ce processus », estime-t-il.