L’Eglise en Thaïlande agit pour les familles

La communauté karen de Thaïlande La communauté karen de Thaïlande © A. Meaudre
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Quels sont les défis auxquels sont confrontées les familles en Asie, et plus particulièrement en Thaïlande ?

Ces dernières décennies, le modèle familial en Asie a été fortement bousculé. En effet, les taux de natalité ont dégringolé, le célibat a augmenté, de nouveaux modèles familiaux ont fait leur apparition, la place des femmes a évolué, etc. La cohésion entre la communauté traditionnelle et l’unité familiale a donc été bouleversée.

Dans ce contexte, quels sont les défis pour les familles Asiatiques aujourd’hui ? Il serait intéressant d’avoir votre point de vue en tant qu’éducatrice catholique impliquée dans le diocèse, particulièrement auprès de la jeunesse. Pourriez-vous expliquer le rôle de l’Église de Chiang Mai dans la gestion de ces défis ?

Dans ce contexte précis, nous sommes en Thaïlande, où la majorité de la population est issue de tribus venant des montagnes. Nous avons par exemple les Karen, les Akha, le Hmong, les Lisu, les Mian, les Lahu, les Lawa, les Hkachin, les Hkaya et les Palong (long cou). Ce sont des gens simples, mais qui possèdent une réelle richesse sur le plan de la culture et des valeurs humaines, qui sont uniques et différentes d’une manière qui leur est propre et qui est liée à des traditions ethniques particulières. En raison du développement économique, du progrès, de la modernisation mais aussi de la période post Covid-19, le système de la famille a traversé de nombreuses tempêtes. Voici les défis que nous avons récemment identifiés :

  1. L’écart générationnel : les jeunes générations disposent d’une éducation plus poussée, alors que leurs parents sont restés illettrés dans la langue Thaïe. Cela a provoqué des tensions dans la transmission des idées, des valeurs et des enseignements au sein de la famille. Par exemple, les enfants refusent souvent d’apprendre à parler leur langage ethnique.
  2. L’absence d’un modèle familial : avec des parents seuls de plus en plus nombreux, des divorces fréquents et des séparations causées par un manque de maturité et de préparation au mariage, les jeunes manquent d’un exemple familial dont ils pourraient s’inspirer.
  3. La société de consommation : les parents sont obligés d’exercer plusieurs métiers à la fois afin d’avoir des revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille. Ils délaissent le temps passé avec leurs enfants, négligeant la vie familiale.
  4. Un individualisme grandissant : avec la Covid-19, le temps passé sur les écrans a augmenté, ce qui a créé des réalités virtuelles éloignées du monde réel, creusant l’écart avec les valeurs familiales et les traditions. Les familles et en particulier les jeunes sont donc restés seuls et isolés.
  5. L’immigration : les migrants qui arrivent du Myanmar affluent à la frontière, et les problèmes liés à l’éducation, au logement et à l’intégration représentent un défi constant pour ceux qui s’occupent d’eux. Ils sont pour les migrants une présence accueillante vers laquelle ils peuvent se tourner.
  6. La crise environnementale : la Thaïlande du Nord dépend en majorité des récoltes agricoles, et elle n’a été épargnée ni par les effets indésirables de la déforestation, ni par la combustion de la biomasse qui a eu lieu le long de la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar. Ces situations ont libéré des particules fines (PM2,5) qui ont eu des répercussions sur la santé et l’économie. Récemment, le changement climatique a entraîné des perturbations dans les cultures et les récoltes, et la santé de la population s’est dégradée.
  7. L’ère numérique : malgré tous leurs aspects positifs, les nouvelles technologies ont aussi engendré des inégalités au sein de la famille, de la société et même dans le domaine de l’éducation. En effet, étudier en ligne a réduit les capacités de lecture, d’écriture et de communication chez les étudiants. La forte influence des médias sur les jeunes en fait des proies faciles pour la désinformation, les violations des droits humains et les abus en ligne.

En réponse à ces problématiques, le diocèse de Chiang Mai a apporté un soutien pastoral à tous les secteurs par le biais de ses trente-quatre paroisses réparties sur quatre grandes provinces. Parmi les différentes commissions présentes au niveau du diocèse et qui sont au service de la paroisse, se trouvent l’Évangélisation et la pastorale pour la promotion de la vie familiale, la Jeunesse, les Enfants, l’Assistance sociale, l’Éducation, les Aides sociales, les Femmes, les Groupes ethniques, la Justice et la paix, etc. Chacune de ces commissions est très active dans la promotion et l’accompagnement du secteur qui lui est assigné.

Au sein du secteur Famille ont régulièrement lieu des séminaires et des rassemblements tenus à la fois par le groupe diocésain pour la Promotion de la vie familiale mais aussi par d’autres groupes comme l’association Couples for Christ, le mouvement Chemin Néocatéchuménal ou encore celui des Familles Nouvelles issu du mouvement des Focolari. Les familles principales aident les autres familles grâce à leur expérience et leur expertise dans le domaine donné. Le diocèse apporte son soutien à sept écoles catholiques, notamment sur le plan des situations familiales. L’exhortation apostolique du Saint-Père sur la famille, Amoris Laetitia, est utilisée comme guide dans le renouvellement du modèle familial.

Le secteur Jeunessefait partie des priorités de l’Église. Suite aux Journées mondiales de la jeunesse qui ont eu lieu à Lisbonne en 2024, le diocèse et le Conseil national de la jeunesse ont coopéré pour élaborer leurs recommandations sur le plan pastoral pour les années à venir, en réponse aux défis auxquels ils sont confrontés : « il faut donner l’opportunité à la jeunesse d’occuper une place plus grande dans les paroisses et promouvoir des activités qui encouragent la foi. Les adultes devraient être des exemples à suivre pour les jeunes et les accompagner, partir à la recherche des groupes de jeunes les plus vulnérables, les suivre et changer la manière dont ils sont pris en charge dans les paroisses. Il est également primordial de privilégier les relations humaines. » Dans le diocèse de Chiang Mai se trouvent vingt-huit auberges de jeunesse et pensions tenues par un prêtre et des sœurs. Ces centres catholiques agissent dans l’objectif de fournir une éducation, une formation chrétienne ainsi qu’un toit et des couverts aux enfants et aux jeunes dans le besoin. D’autres organisations sont présentes et apportent une aide éducative aux jeunes. Parmi elles se trouvent l’association Enfant du Mékong ou bien le mouvement Familles Nouvelles. Cette année, le Xavier Learning center, centre d’études des xavériens, a ouvert ses portes à Chiangrai et est tenu par des pères Jésuites. Son but est d’instruire les jeunes, en particulier ceux issus des groupes ethniques du nord de la Thaïlande et des pays alentours.

Afin de répondre à la crise environnementale, les commissions sur l’Évangélisation, sur l’Aide sociale et des Femmes ont travaillé main dans la main sur différents projets. Le diocèse de Chang Mai a été le promoteur de projets liés à l’encyclique « Laudato Si » et a servi de référence pour les autres diocèses. Il a aussi accueilli plusieurs conférences sur l’environnement. La sensibilisation à la protection de la nature a été au cœur des préoccupations, et les « Laudato Si » et « Laudato Deum » ont pu être étudiés et mis en avant. La Conférence des évêques catholiques de Thaïlande a déclaré que l’année 2024-2025 devait être consacrée à la « Réunion des forces pour le bien du Monde » (« Join Forces in Caring for the World »). Dans les écoles et les centres communautaires de jeunesse de Chiang Mai, diverses initiatives ont déjà été mises en place. Le secteur des Femmes s’investit énormément pour mettre en lumière le rôle des femmes en dehors du foyer. Elles sont source de changements au sein de leur village, en particulier pour la protection de la nature.

En partenariat avec le COERR (Catholic Office for Emergency Relief and Refugees) et les pères Maryknoll, la commission d’Aide sociale a grandement contribué au soutien et à l’aide aux déplacés internes à la frontière entre la Thaïlande et le Myanmar. Ils sont loin d’être les seuls : d’autres agences et groupes privés agissent sans relâche dans ce secteur.

Le diocèse est à l’origine de nombreuses autres initiatives qui n’ont pas été mentionnées ici, mais qui font partie des actions menées par l’Église en soutien à ses paroissiens, grâce à l’appui de la grande famille qu’est l’Église universelle. Il y aura toujours des défis, mais en tant que chrétiens, nous croyons que nous pouvons les surmonter et nous avons l’espoir d’un monde meilleur.

Traduit de l’anglais par Aimée Pallu

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