Les évêques coréens réagissent à la grève des médecins : « Le caractère sacré de la vie est plus important que tout »
Parmi les pays les plus industrialisés, la Corée du Sud compte l’un des plus faibles ratios de médecins par habitant (près de 140 000 médecins, soit 2,6 pour 1 000 habitants). © Ryan M. Breeden / U.S. Pacific Fleet ; (CC BY-NC 2.0 DEED)Le 05/03/2024
Depuis mi-février, les médecins sud-coréens ont lancé un vaste mouvement social quand le gouvernement a décidé d’augmenter le nombre de place dans les écoles de médecine. Alors que le pays fait face à une pénurie de médecins, ceux-ci protestent contre une réforme qui affecterait leurs revenus et soutiennent d’autres mesures qui seraient plus urgentes. Mgr Matthias Ri Long-hoon, président des évêques de Corée, a réagi en évoquant « les patients les plus vulnérables » qui sont mis en danger face à l’escalade du conflit social.
Depuis plus de deux semaines, les médecins sud-coréens ont lancé un mouvement social national afin de protester contre une décision du gouvernement. Plusieurs milliers de docteurs sont descendus dans la rue quand les autorités ont décidé d’augmenter le nombre d’inscriptions dans les écoles de médecine sud-coréenne. Dès le 19 février, de nombreux médecins ont été jusqu’à leur démission.
Alors que le pays subit une importante pénurie de médecins, Séoul a décidé d’augmenter le nombre de places disponibles dans les universités de médecine de 3 000 à 5 000, afin de tenter de résoudre une urgence sociale nationale. En prenant cette mesure, Séoul espère compter au moins 10 000 médecins supplémentaires d’ici 2030. Parmi les pays les plus industrialisés, la Corée du Sud compte l’un des plus faibles ratios de médecins par habitant (près de 140 000 médecins, soit 2,6 pour 1 000 habitants – en France, ce ratio est de 3,4).
Selon les internes sud-coréens, qui reconnaissent pourtant la pénurie du secteur, une augmentation aussi brutale du nombre de places dans les écoles de médecine affecterait fortement leurs revenus. Selon eux, la crise pourrait être résolue par d’autres réformes plus efficaces comme un rééquilibrage des charges de travail – les internes sont souvent amenés à travailler plus de 80 heures par semaine.
De son côté, la population sud-coréenne n’est pas convaincue par les arguments des médecins et soutient majoritairement la réforme du gouvernement. Ce dernier, afin d’éviter des conséquences lourdes à cause du mouvement social qui affecte fortement les hôpitaux, a ordonné à tous les docteurs et internes de reprendre le travail conformément à l’article 59 de la loi sur le service médical (Medical Service Act). Le Premier ministre Han Duck-so a menacé de suspendre les licences de ceux qui continuent de paralyser les hôpitaux.
Réaction de l’Église catholique coréenne face à la crise médicale
Face à cette situation, l’Église catholique coréenne a récemment pris la parole sur le sujet dans un communiqué signé par Mgr Matthias Ri Long-hoon, évêque de Suwon et président de la Conférence épiscopale coréenne (CBCK).
Dans son message, il s’inquiète de l’escalade des tensions des deux côtés du conflit social, qui met en danger la santé des plus vulnérables. « Puisque la société est composée de nombreux éléments différents, il peut y avoir une grande diversité de voix et d’arguments ; cette diversité cause parfois des conflits, qui ne peuvent pas être évités, mais qui peuvent être résolus par une patience inébranlable et par le dialogue », a-t-il souligné.
Pour cette raison, a-t-il ajouté, une solution doit être trouvée avec sagesse « en regroupant les arguments raisonnables de différents secteurs de la société, afin de dépasser la confusion et les difficultés qui affectent notre pays actuellement ». « La crise médicale en cours cause beaucoup de pertes et de souffrances, non seulement pour le gouvernement et le personnel médical, mais aussi pour les patients hospitalisés, en particulier ceux qui attendent d’être opérés en urgence, et pour leurs familles », a poursuivi l’évêque.
Le gouvernement et le corps médical appelés à « protéger la population »
Il a non seulement évoqué les patients qui ont besoin d’être opérés au plus vite, mais aussi ceux qui « ne reçoivent pas le traitement dont ils ont besoin et qui sont dans un état de santé grave ». « Notre société est tenue par une série de valeurs essentielles, et le caractère sacré de la vie est plus important que tout le reste. Le gouvernement comme les professions médicales sont tous censés protéger la population et garantir leur sécurité », a-t-il souligné.
« Nous ne devons jamais mettre les vies de nos patients en danger ou les retenir en otage à cause de conflits inévitables. Le gouvernement et la communauté médicale doivent trouver un compromis via un dialogue ouvert, et en prenant en compte la santé des patients et de la population », a insisté l’évêque de Suwon.
Ce dernier a appuyé sa déclaration en citant le livre des Proverbes : « Par-dessus tout, veille sur ton cœur, c’est de lui que jaillit la vie. » (Pr 4, 23) « Nous demandons la grâce du Dieu Tout-Puissant, pour que le gouvernement et la communauté médicale puissent dépasser l’impasse actuelle, en se concentrant sur leur objectif commun qui est de protéger et prendre soin de la santé et de la vie, et tenant compte des attentes et des souhaits de chacun, et en harmonie, de reprendre pleinement leur mission et leurs responsabilités », a-t-il conclu.
(Avec Asianews)