Les problèmes des familles catholiques du diocèse de Ruteng

Wae Reba FLORES, Indonésie © WIKICOMMONS
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Le Cardinal Ignatius Suharyo, archevêque du diocèse de Jakarta, a fait cette réponse à un journaliste qui l’interrogeait au Vatican sur les problèmes majeurs au sein des familles catholiques en Indonésie : « Je ne peux pas donner une réponse exacte à votre question, car les problèmes du diocèse de Jakarta ne seront pas les mêmes que ceux des familles de certaines autres îles en Indonésie. Nous sommes une grande nation avec de nombreuses ethnies et langues. Cela montre bien à quel point il est difficile de généraliser. » Conscient de la vérité de la réponse de cet ancien président de la Conférence épiscopale indonésienne, je vais simplement décrire, dans cet article, les problèmes des familles catholiques du diocèse de Ruteng, dont je suis originaire. Il est situé sur l’île de Flores, connue comme l’« île catholique » en Indonésie. Bien que petite, elle comprend trois diocèses suffragants et un diocèse métropolitain.

Les problèmes à l’ère des débuts du diocèse jusqu’aux années quatre-vingt-dix

Le diocèse de Ruteng est encore jeune. En 2012, nous avons célébré le centenaire du premier baptême d’un Manggarai (terme désignant les catholiques de notre diocèse). Canoniquement, le diocèse de Ruteng a été officiellement établi le 3 janvier 1961, avec pour premier évêque, Mgr Wilhelmus Van Bekum, SVD. Ayant participé au concile Vatican II, celui-ci a introduit l’esprit de l’inculturation dans ce nouveau diocèse. Malheureusement, divers textes liturgiques inculturés qu’il avait institués ont été supprimés par un groupe de missionnaires qui estimaient que ses efforts s’écartaient des enseignements de la foi.

L’une des méthodes pour enraciner la foi catholique dans la vie de la communauté locale consistait à trouver un terrain d’entente entre la culture locale et les valeurs de la foi. C’est là l’un des grands projets d’inculturation. Cependant, il convenait de corriger les pratiques culturelles non conformes à la foi. Par exemple, le mariage entre cousins a posé problème dans les débuts du diocèse jusqu’aux années quatre-vingt-dix. Traditionnellement, cette pratique visait à réduire le montant de la dot et à préserver l’héritage familial.

Heureusement, en sensibilisant la population aux recherches médicales sur la consanguinité, la commission familiale du diocèse, en collaboration avec le gouvernement et les sœurs de la congrégation SSpS (Servae Spiritus Sanctus), a réussi à convaincre les fidèles d’abandonner cette pratique matrimoniale. Par ailleurs, le diocèse s’est efforcé d’appliquer strictement la règle canonique obligeant chaque couple pratiquant ce type de mariage à obtenir une dispense de l’évêque lui-même.

Le problème de la dot

Ce problème n’a jamais été éliminé. La dot (bélis) est généralement versée par la famille de l’homme à celle de la femme. Autrefois, elle consistait en un certain nombre d’animaux, fixé lors de la cérémonie de fiançailles. Aujourd’hui, la dot est remise en argent. Pour les féministes, cette pratique, quelle que soit sa quantité ou sa qualité, est perçue comme une atteinte à la dignité des femmes. Examinons la signification de la dot dans la culture manggarai, dominante dans le diocèse de Ruteng. En général, les Orientaux ne voient pas le mariage simplement comme une union entre mari et femme, mais comme une relation entre deux grandes familles : la famille du mari et celle de la femme, la dot étant un pont qui relie ces deux familles.

Lors de la cérémonie de fiançailles, le montant de la dot et sa nature sont déterminés. Selon l’éthique des coutumes, cette dot ne doit pas être entièrement payée, ce qui ouvre la possibilité d’une dette coutumière qui vient renforcer les liens entre les deux grandes familles. Pour mieux comprendre, prenons un exemple simple : lorsqu’Antoine, par exemple, épouse Diane, il ne doit pas payer la totalité de la dot à la famille de Diane. L’objectif est que, lorsque le frère de Diane, Vincent, voudra se marier, le père de Diane demande une contribution à Antoine et aux autres beaux-frères de Diane pour compléter la dot déjà existante. Ce cercle de dettes resserre effectivement les liens familiaux, mais impose un fardeau économique et souvent empêche le déroulement sacramentel du mariage. Le diocèse de Ruteng poursuit encore aujourd’hui son effort pour faire changer cette vision des choses profondément enracinée dans la vie quotidienne.

Des problèmes nouveaux et inimaginables auparavant

a.         Mariage mixte et mariage avec disparité culte

Bien que Flores soit connue comme une île très catholique, la présence du protestantisme et de l’islam y est effective aujourd’hui, en raison des migrations. Cela induit bien sûr de nouvelles dynamiques relationnelles au sein de la société, notamment en ce qui concerne le mariage. Une telle situation était difficilement envisageable, il y a 10 ou 20 ans. Le grand nombre de demandes de dispense pour mariage mixte et mariage avec disparité de culte témoigne de ce nouveau phénomène dans le diocèse. Dans certains cas, cela pose problème lorsque le mariage est retardé, alors que le couple a déjà des enfants. En général, en Indonésie, le mariage mixte le plus ardu est celui d’une femme musulmane épousant un catholique, car cette union n’est jamais permise par la loi islamique. Lorsque le mariage a quand même lieu, la femme est souvent rejetée par sa famille.

b.         Immigration

Dans le diocèse de Ruteng, de nombreux couples vivent séparés en raison du travail. Cela concerne en particulier ceux dont l’un des partenaires travaille à l’étranger. Vivre séparés pendant des années provoque souvent des problèmes, comme le divorce. Notre diocèse, en collaborant avec la congrégation des scalabriniens et les sœurs du Bon Pasteur, s’efforce d’accompagner les épouses de ces migrants pour les aider à mieux gérer leur vie familiale et prévenir ainsi les problèmes qui pourraient survenir.

c.         Couples en relation à distance

Avec les progrès économiques et les exigences de rendement augmentant les heures de travail, de nombreux couples ne se rencontrent que le week-end. Cela arrive souvent chez ceux qui travaillent en entreprise ou qui sont fonctionnaires dans des bureaux gouvernementaux. Leurs couples doivent souvent affronter des problèmes liés à l’éducation des enfants. Heureusement, de nombreux monastères offrent des services de garde d’enfants avec un bon suivi de leurs études, ce qui aide les parents à garantir la sécurité de leurs enfants.

d.         Progrès des technologies de l’information et de la communication

Ces dernières années ont été marquées par des progrès rapides dans le domaine de l’information et de la communication. L’arrivée des gadgets en témoigne. Par leurs diverses fonctionnalités, ils facilitent la communication et la diffusion de l’information. Malheureusement, ces avancées ne se sont pas accompagnées d’une capacité suffisante, du côté des utilisateurs, de les maîtriser et d’en comprendre l’emploi de manière judicieuse. Cela affecte les relations intra-familiales. Les enfants sont souvent absorbés par les jeux vidéo. Pendant ce temps, les parents, occupés par leur travail ne contrôlent pas bien la situation.

Les mesures pastorales du diocèse de Ruteng

Les problèmes mentionnés ci-dessus ont bien sûr retenu l’attention du diocèse de Ruteng. Premièrement, pour ce qui est du mariage mixte et du mariage avec disparité culte, le diocèse dispose de deux docteurs en droit canonique que l’on peut consulter à propos de telles situations matrimoniales. Actuellement, un prêtre de notre diocèse poursuit des études dans le même domaine, dans l’une des universités pontificales de Rome.

Deuxièmement, en ce qui concerne les familles des migrants, le diocèse s’est engagé fermement, à la suite du troisième synode du diocèse, à accompagner ces familles de manière continue. Jusqu’à présent, les épouses des migrants ont reçu de nombreuses formations et produisent désormais des œuvres d’une grande valeur économique.

Troisièmement, à propos des couples en relation à distance, de nombreuses paroisses encouragent actuellement l’accompagnement continu des couples catholiques. De plus, de nombreuses familles catholiques participent activement à la communauté Marriage Encounter (ME).

Enfin, pour ce qui relève du bon usage des médias de communication et d’information, le problème reste encore à résoudre. Le diocèse, dans les nombreuses écoles qu’il possède, s’efforce de promouvoir un modèle éducatif basé sur une utilisation consciente et sage de ces médias.

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Du 3 au 6 septembre prochains, le Pape François sera à Djakarta, capital de l’archipel indonésien avant de se rendre en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Timor oriental puis Singapour. Dans cette nation qui compte le plus grand nombre de musulmans dans le monde, les huit millions de catholiques représentent 3,1% de la population

L’Indonésie est le plus grand archipel du monde ; elle compte cinq grandes îles et trente groupes d’îles mineures. Soit 17 508 îles ! C’est un pays transcontinental, situé dans deux océans : les océans Pacifique et Indien. L’archipel s’étend entre les continents d’Asie et d’Océanie. L’histoire de l’Indonésie est façonnée par des caractéristiques essentielles par les flux d’immigration, les guerres et les conquêtes, le commerce et la politique sans oublier les immenses ressources naturelles.

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