Népal : les émeutes à Katmandou reflètent les espoirs déçus d’une génération

Le 11/09/2025
Déclenchées par la suspension des réseaux sociaux, les émeutes des derniers jours au Népal ont forcé le Premier ministre à démissionner. La mobilisation des jeunes, à la tête de ce mouvement, reflète leur profonde désillusion face à un système politique qui a trahi les espérances suscitées par la naissance de la démocratie. Les difficultés économiques poussent beaucoup de Népalais à émigrer. En avril, des manifestations avaient déjà eu lieu afin de demander le retour de la monarchie comme alternative à la corruption politique.
Après deux jours de manifestations violemment réprimées, l’armée népalaise a renforcé la sécurité autour du Parlement national. Les émeutes ont été déclenchées ce lundi 8 septembre, plusieurs jours après le blocage de 26 plateformes de réseaux sociaux (dont Facebook, YouTube, X, LinkedIn, Instagram, WhatsApp, Signal et WeChat). Les jeunes Népalais avaient en effet commencé à exprimer leur impatience il y a plusieurs semaines sur les réseaux sociaux, face au népotisme rampant.
La suspension des réseaux sociaux a donc été le déclencheur, mais c’est bien la corruption et les actions du gouvernement qui sont à la racine de la mobilisation de la « génération Z ». La levée de l’interdiction et la démission du ministre de l’Intérieur Ramesh Lekhah n’étaient pas suffisantes à apaiser les tensions. Plusieurs bâtiments du gouvernement ont été incendiés ce mardi, ainsi que les habitations de plusieurs responsables politiques et membres du gouvernement.
L’intensification des émeutes a forcé le Premier ministre Khadga Prasad Oli à démissionner, mais avec peu d’effets. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont continué de descendre dans la rue jusqu’au soir, en bloquant les routes et en ciblant les ministres et les dirigeants. Des vidéos en ligne montrent l’attaque du chef du parti du Congrès Sher Bahadur Deuba et de son épouse, Arzu Rana Deuba – actuelle ministre des Affaires étrangères –, un épisode qui reflète la profonde colère ressentie par les jeunes Népalais, affectés par de hauts niveaux de chômage et forcés d’émigrer pour leur avenir.
Espoirs déçus
Selon plusieurs analystes, la colère de la société népalaise est en grande partie causée par la perte des espérances qui avaient accompagné l’arrivée d’un gouvernement démocratique en 2006, à la suite du renversement de la monarchie après la guerre civile, puis après l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2015.
Les deux événements ont marqué le début d’une nouvelle ère pour le pays, avec une plus grande stabilité économique. Pourtant, selon plusieurs observateurs, les dirigeants qui se sont alternés depuis au pouvoir ont échoué à répondre aux demandes des plus jeunes générations, causant une profonde désillusion et une large insatisfaction vis-à-vis du système politique dans son ensemble – alors que trois principaux partis politiques se sont succédé aux commandes de l’État.
Le même processus s’est produit ailleurs ces dernières années, notamment au Bangladesh l’an dernier avec la chute de la Première ministre Sheikh Hasina, mais surtout au Sri Lanka où le clan Rajapaksa a été chassé du pouvoir en 2022. Beaucoup de jeunes Népalais se sentent démunis, forcés de partir pour trouver des opportunités, dans un pays où près de 20 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, tandis que les revenus provenant de la diaspora sont estimés à 10 milliards de dollars US par an.
Génération Z
Les manifestations au Népal sont décrites comme un mouvement mené avant tout par la « génération Z », ceux qui sont nés entre 1995 et 2010. Une personnalité de premier plan a émergé du mouvement : le jeune maire de Katmandou, Balen Shah, né en 1990. C’est un ingénieur de 35 ans devenu rappeur et élu en 2022 comme candidat indépendant.
Ces manifestations ne sont pas un incident isolé. En avril, plusieurs groupes s’étaient rassemblés devant le Parlement afin de demander des réformes concrètes, une action décisive pour lutter contre la crise économique, et des mesures pour combattre la corruption généralisée. Dans ce climat de profonde révolte, des groupes comme le parti RPP (Rastriya Prajatantra Party), proche des groupes hindous, proposent le retour de la monarchie comme une solution à la corruption et au dysfonctionnement du gouvernement.
Dans ce contexte, si le calme semble être revenu après ces jours d’émeutes, les tensions restent vives face à un mouvement sans dirigeant identifié, aux intérêts parfois antagonistes, et sans véritable débouché à ce jour hormis plusieurs démissions et la levée des interdictions sur les réseaux sociaux.
Source : Maria Casadei, Asianews