Vietnam

Vietnam : le 80e anniversaire de l’indépendance désigné comme « jour de prière pour la nation »

Les Vietnamiens ont bravé la pluie le 27 août pour assister au convoi militaire, à l’occasion des répétitions du 80e anniversaire de l’indépendance fêté ce 2 septembre. Les Vietnamiens ont bravé la pluie le 27 août pour assister au convoi militaire, à l’occasion des répétitions du 80e anniversaire de l’indépendance fêté ce 2 septembre. © Van Ngo/Ucanews
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Ce mardi 2 septembre, le Vietnam a marqué le 80e anniversaire de son indépendance (2 septembre 1945) en organisant la plus grande parade de son histoire, avec près de 40 000 militaires et civils. Aucune référence n’a été faite à la France, aux États-Unis ou tout autre pays : le gouvernement a cherché à faire une démonstration de force en insistant sur la progression du Vietnam « vers la modernité ». De leur côté, les catholiques ont célébré l’indépendance en montrant qu’ils font partie de l’histoire de la nation.

Le 2 septembre 1945, alors que les foules remplissaient la place Ba Dinh de Hanoï afin d’entendre Hô Chi Minh proclamer l’indépendance, le drapeau rouge à l’étoile jaune est devenu l’emblème d’une nouvelle nation.

Le même jour, sur le site de la cathédrale Saint-Joseph dans le centre de Hanoï, les catholiques ont participé aux célébrations nationales, en étendant un grand drapeau sur la façade de l’église. C’était un geste d’unité – une communauté de foi embrassant la naissance d’un pays indépendant.

Pourtant, durant des décennies, le même drapeau est devenu une source de tensions pour de nombreux catholiques vietnamiens. L’étoile à cinq branches ne représentait pas seulement l’indépendance ; c’est aussi devenu le symbole d’un régime communiste qui, au fil du temps, a renforcé les restrictions sur la vie religieuse, en confisquant les biens de l’Église et en imposant des contrôles stricts sur les séminaires et le clergé.

Pour de nombreux fidèles, en particulier au Nord après 1954 et dans tout le pays après 1975, le drapeau rouge était donc davantage associé à la domination politique qu’à la fierté patriotique. Par conséquent, les églises ont souvent évité de déployer le drapeau à l’occasion des fêtes nationales. L’arborer depuis les clochers aurait été mal interprété ; car perçu comme une soumission forcée à l’État ou comme une approbation silencieuse des politiques qui rendaient la pratique religieuse difficile.

Pour les catholiques ordinaires, le drapeau est donc devenu une question délicate, qu’on évite dans la vie quotidienne et dans les lieux de cultes.

Une transition progressive

Ces dernières années, toutefois, des signes de changement sont apparus.

Quand le Vietnam et le Saint-Siège ont mis en place des relations diplomatiques plus étroites – jusqu’à l’accord de 2023 sur l’établissement d’un représentant pontifical résident permanent à Hanoï –, les attitudes catholiques vis-à-vis du drapeau national se sont assouplies.

Une image d’archive montrant le drapeau vietnamien déployé sur la façade de la cathédrale Saint-Joseph de Hanoï, le 2 septembre 1945.
Une image d’archive montrant le drapeau vietnamien déployé sur la façade de la cathédrale Saint-Joseph de Hanoï, le 2 septembre 1945.
© Ucanews

Le symbole qui était considéré autrefois avec suspicion est aujourd’hui réapproprié, non pas comme un emblème politique mais patriotique.

Ainsi, des paroisses à travers le pays ont commencé à déployer le drapeau à nouveau le Jour de l’Indépendance et durant les grandes célébrations catholiques. C’est pourquoi ce mardi 2 septembre, les parvis des églises à Hanoï, Saïgon (Hô-Chi-Minh-Ville), Hué et ailleurs sont ornés de bannières rouge et jaune aux côtés des drapeaux du Vatican et des bannières mariales.

Pour de nombreux jeunes catholiques, qui ont grandi à une époque de relative ouverture religieuse, il y a moins d’hésitations : le drapeau rouge à l’étoile jaune est simplement le drapeau du Vietnam, et non un symbole partisan.

Ce basculement est aussi visible à l’échelle mondiale. Lors des événements internationaux comme les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), les jeunes vietnamiens brandissent le drapeau rouge au milieu des autres drapeaux nationaux.

Pour les jeunes catholiques, ce n’est pas une question politique mais d’identité nationale – une façon de dire « nous sommes Vietnamiens et nous sommes catholiques ».

Symbole d’unité

La présence renouvelée du drapeau vietnamien dans la vie catholique locale est significative. Elle représente une réconciliation subtile entre foi et nation, après des décennies durant lesquelles les catholiques étaient souvent présentés – souvent injustement – comme des étrangers voire des vestiges de l’influence coloniale.

En adoptant le drapeau, l’Église locale souligne que les catholiques vietnamiens font partie du tissu national, de bons citoyens qui souhaitent contribuer au bien commun.

La Conférence épiscopale vietnamienne a également officialisé ce lien. Le 2 septembre a en effet été désigné comme « Jour de prière pour la nation ». À travers les diocèses du pays, des messes spéciales sont organisées avec des prières pour les dirigeants, pour la paix, pour la justice et pour la prospérité et le bien de tous les citoyens.

Au cours des derniers jours, le long des rues centrales de Hanoï où les gens se sont rassemblés pour la parade militaire, des groupes de jeunes catholiques pouvaient être vus en train de brandir le drapeau national, en le peignant sur leurs visages ou encore en l’affichant sur leurs t-shirts avec des slogans sur le thème de l’indépendance.

« La présence du drapeau dans nos églises en ce jour n’est pas une question politique », explique un catéchiste de Hanoï. « C’est une façon d’exprimer notre amour pour la patrie et de demander à Dieu de bénir le Vietnam. Nous sommes à la fois catholiques et Vietnamiens. Il n’y a pas de contradiction. »

Une voie vers la réconciliation

L’histoire du drapeau dans la vie catholique vietnamienne reflète plus largement les tendances de l’histoire récente : après les suspicions coloniales et les divisions de la Guerre Froide, vient aujourd’hui une réconciliation prudente. Cela reflète aussi la résilience d’une communauté qui a longtemps cherché à concilier sa double identité entre la citoyenneté vietnamienne et l’appartenance à l’Église universelle.

Aujourd’hui, la vision du drapeau rouge flottant au-dessus des clochers le 2 septembre porte un message visant non seulement les catholiques mais la société dans son ensemble : les communautés religieuses et l’État peuvent trouver un terrain d’entente dans le patriotisme, même si des désaccords demeurent.

Le drapeau, autrefois considéré comme un signe de contrôle, peut aujourd’hui être adopté comme un symbole d’unité. Alors que le Vietnam et le Vatican continuent d’approfondir leurs liens, avec des spéculations autour d’une future visite papale, le drapeau restera vraisemblablement un signe visible déterminant sur la façon dont les catholiques expriment leur appartenance nationale.

Le Jour de l’Indépendance, quand les catholiques se rassemblent pour prier pour leur pays, la bannière rouge sur la façade des églises fait figure de rappel : l’Église n’est pas extérieure à l’histoire de la nation mais en fait intégralement partie.

Source : Alex Hoang, Ucanews

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