Vietnam : transformer les souffrances communes en opportunités de coopération interreligieuse
Des catholiques prient devant le mausolée des martyrs de la paroisse de Nuoc Ngot, à l’occasion du Nouvel an lunaire 2022.
© tonggiaophanhue.org
Le 07/11/2025
Au Vietnam, la souffrance partagée devient un terrain fertile pour la fraternité entre religions. Face aux guerres, aux catastrophes naturelles et aux blessures de l’humanité, croyants et non-croyants découvrent que la compassion peut unir plus que la doctrine ne divise. Pour sœur Marie Hai Chau, religieuse des Servantes du Saint-Sacrement dans le diocèse de Xuan Loc, la douleur humaine, accueillie avec un cœur compatissant, peut devenir un pont d’espérance et de coopération interreligieuse.
Plus de 60 ans après le discours légendaire de Martin Luther King Jr au Washington Mall, son rêve (« I Have a Dream ») est devenu immortel car il reflétait le désir le plus profond de l’humanité : la paix, le bonheur et l’épanouissement humain. Pourtant, plus d’un demi-siècle plus tard, ce rêve semble encore lointain. Les guerres continuent de ravager les nations. Les catastrophes naturelles, la pauvreté et les maladies causent des souffrances indicibles.
L’humanité est blessée, et la souffrance ne connaît aucune distinction de race, de culture ou de religion. Mais paradoxalement, c’est souvent au sein de ces souffrances communes que la solidarité renaît, là où des croyances autrefois séparées par l’histoire ou la doctrine peuvent se rencontrer dans la compassion, et où la douleur commune devient le terreau de l’empathie, de la coopération et de l’espérance.
Un mystérieux « point de rencontre » au-delà des frontières
Quand on parle des souffrances partagées comme des opportunités pour les religions de se rapprocher, il faut d’abord reconnaître que Dieu, ou le Divin, n’est pas la cause de la souffrance humaine. La douleur est causée par la guerre, la pauvreté, les pandémies ou les catastrophes naturelles.

Il faut aussi noter que la souffrance ne force pas l’unité et peut au contraire approfondir les divisions. Les guerres découlent des divisions et des conflits humains ; la pauvreté résulte souvent de l’injustice ; les pandémies et les crises écologiques sont fréquemment les conséquences de l’irresponsabilité humaine envers la Création.
Pourtant, face aux tragédies, des personnes de toutes confessions – même celles qui n’ont pas la foi – sont mues par la compassion. La douleur partagée devient alors un mystérieux « point de rencontre » qui unit les cœurs au-delà des frontières. On le constate chaque fois que des chrétiens, des bouddhistes et des adeptes d’autres religions s’unissent pour venir en aide aux victimes de catastrophes naturelles, prendre soin des patients durant les épidémies, ou lorsque les chefs religieux élèvent collectivement leur voix pour la paix.
Dans ces moments-là, la souffrance devient un lieu sacré, un espace où les différences s’estompent et où la foi révèle son pouvoir de guérir plutôt que de diviser. En effet, la souffrance ne fait pas de discrimination. Elle n’épargne ni les croyants ni les non-croyants. On peut prier dans des langues différentes ou utiliser des rituels différents, mais les larmes, comme le dit le proverbe, sont toutes les mêmes.
« Dans les affligés, quelle que soit leur foi, le chrétien voit le Christ souffrant »
Durant les catastrophes, l’instinct de préservation de la vie se réveille en chacun de nous. La douleur partagée peut alors faire des religions des compagnons de route, des partenaires dans la guérison d’un monde brisé. En effet, habituellement, la coopération peut être polie mais superficielle, ou motivée par des intérêts mutuels. Mais dans les moments de douleur collective, la collaboration peut prendre une dimension infiniment plus profonde, voire spirituelle.
L’humanité regarde alors dans la même direction, vers la personne qui souffre. Le fait de travailler ensemble n’est plus une simple coopération, mais devient une communion. Comme l’écrit le pape François au chapitre 8 de Fratelli Tutti, lorsque nous reconnaissons ceux qui souffrent avec nous comme nos frères et sœurs dans une même famille humaine, la compassion transcende toutes les frontières religieuses.
Pour les chrétiens, la base de la coopération interreligieuse réside dans la reconnaissance que le Christ souffre avec toute l’humanité. Dans les blessés et les affligés, quelle que soit leur foi, le chrétien voit le visage du Christ souffrant (Mt 25, 31-46). Toute forme de douleur porte en elle une dignité égale et appelle à la guérison.
Si chaque religion pouvait reconnaître la souffrance des autres comme méritant le même respect que la souffrance de ses propres fidèles, cela constituerait le fondement d’une action commune.
La douleur ne serait plus ce qui divise, mais ce qui révèle l’unité cachée de la famille humaine. En ce sens, la souffrance partagée est un lieu de rencontre sacré, où Dieu œuvre à travers la compassion humaine pour unir les cœurs.

Transcender la souffrance et de découvrir l’espérance
La solidarité entre les religions commence par la rencontre et le dialogue. Chaque tradition religieuse offre sa propre vision et ses propres méthodes pour soulager la souffrance humaine, mais toutes sont unies par la croyance en une source divine de bonté et le désir du bien-être humain.
Ce cœur spirituel commun permet de transcender la souffrance et de découvrir l’espérance. Au Vietnam, des rassemblements interreligieux annuels sont organisés non seulement pour promouvoir le dialogue, mais aussi pour inspirer des actions concrètes visant à protéger la dignité humaine, à aider les pauvres et à servir le bien commun.
La question est de savoir comment transformer la souffrance partagée en une opportunité de coopération interreligieuse. C’est à la fois un défi et une grâce. Car cela offre aux religions l’occasion de sortir naturellement de leurs propres murs pour rencontrer les autres avec compassion.
En temps normal, les croyants peuvent hésiter à franchir les frontières. Mais en période de souffrance collective, la solidarité ne naît pas du pouvoir ou de l’intérêt, mais de l’empathie, d’un cœur qui sait souffrir avec les autres.
De cette empathie naissent de réelles possibilités de collaboration. Bien que les croyances puissent différer, toutes les religions authentiques partagent un engagement envers la compassion, la justice et la paix, des valeurs qui trouvent leur expression la plus authentique dans le service de ceux qui souffrent.
L’amour et l’espérance sont le langage universel de la foi
Partout dans le monde, les efforts interconfessionnels continuent de se multiplier : aide des pauvres, protection de l’environnement, éducation et soins de santé, réponse aux catastrophes naturelles. Chacune de ces actions témoigne de la puissance de la solidarité et du service.
Même si nos croyances diffèrent, l’amour et l’espérance sont le langage universel de la foi. La souffrance partagée devient ainsi un terrain sacré où toutes les religions peuvent se rencontrer et coopérer, apportant la guérison à un monde blessé.
La douleur peut mener au désespoir et à la division, mais lorsqu’elle est accueillie avec une oreille attentive et un cœur compatissant, elle peut aussi devenir un pont d’espérance. Les différences de croyances ne doivent pas empêcher de travailler ensemble pour défendre la vie et promouvoir la paix.
Lorsque les religions s’unissent pour sauver ceux qui souffrent, leur coopération fait plus que réaliser l’ancien rêve de paix de l’humanité. Elle contribue à réaliser, même en partie, le rêve du Créateur lui-même : que ce monde puisse un jour refléter son amour et sa compassion pour tous.
Cet article a été publié à l’origine en vietnamien par le site https://dongten.net/. Ceci est une reprise d’une version adaptée et traduite en anglais par l’agence Ucanews.