En Inde, le temple de Mayapur en voie de devenir le plus grand bâtiment religieux de la planète
C’est à Mayapur, ville sacrée pour des millions de fidèles, qu’un temple dédié à Krishna est en passe de devenir, d’ici 2027, le plus grand édifice religieux du monde.
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Le 24/10/2025
Au nord-est de l’Inde, dans la plaine du Bengale occidental, s’élève un chantier d’une ampleur spirituelle et architecturale hors du commun. C’est à Mayapur, ville sacrée pour des millions de fidèles, qu’un temple dédié à Krishna est en passe de devenir, d’ici 2027, le plus grand édifice religieux du monde. Nommé Temple of the Vedic Planetarium, ce colosse de l’hindouisme est porté par l’ISKCON (Société internationale pour la conscience de Krishna), un mouvement plus connu sous le nom de « Hare Krishna » et qui place Krishna au centre de sa conception théologique.
Pour ce projet monumental, le site de Mayapur, au cœur du Bengale occidental, n’a pas été choisi au hasard. À trois heures de Calcutta, c’est ici que serait né, au XVIe siècle, Chaitanya Mahaprabhu, figure fondatrice du mouvement dévotionnel vaishnaviste et considéré par ses fidèles comme une incarnation de Krishna.
En 1966, à New York, l’Indien A. C. Bhaktivedanta Swami Prabhupada fonde l’ISKCON (Société internationale pour la conscience de Krishna), centrée sur une dévotion exclusive à Krishna, perçu comme l’Être suprême. Le mouvement attire alors de nombreux jeunes du courant hippie, en quête de spiritualité alternative. Dès les années 70, le fondateur de l’ISKON imagine un centre spirituel universel destiné à diffuser les écritures védiques.
« Mayapur est mon lieu de culte », déclarait-il. « J’ai nommé ce temple la Lune montante de Mayapur. Faites-la grandir, encore et encore, jusqu’à ce qu’elle devienne pleine. Et sa lumière se répandra dans le monde entier. » Son rêve spirituel s’est mué en ambition architecturale, qui se veut aujourd’hui un lieu à la fois de dévotion, de savoir et de rayonnement mondial de la culture védique.
« Ce temple est un mélange de l’Est et de l’Ouest »
Inspiré du style néo-classique du Capitole américain, le complexe religieux déploie des dimensions impressionnantes, avec un planétarium védique dont le dôme principal culmine à 113 mètres. Réservé aux prêtres pour les rituels, le cœur du temple, appelé pujari floor, s’étend sur plus de 10 000 m² et peut accueillir 10 000 fidèles, venus chanter, prier ou méditer devant les formes sacrées de Krishna.
« Ce temple est un mélange de l’Est et de l’Ouest. Le marbre a été importé du Vietnam, et nous avons également collecté du marbre en Inde », a déclaré Sadabhuja Das, directeur du projet, dans une interview accordée à un site de voyage.
Au-delà de sa taille, le complexe veut se distinguer par son ambition pédagogique : il abritera un planétarium védique où les cosmogonies des anciens textes hindous seront présentées à travers des expositions interactives, des maquettes, des projections et des conférences. Pour les concepteurs du projet, l’objectif est de concilier tradition spirituelle et vulgarisation scientifique, dans un esprit de dialogue avec la modernité.
Plus de 100 millions de dollars mobilisés
Le projet a déjà mobilisé plus de 100 millions de dollars, notamment grâce à des dons. L’un de ses principaux mécènes est Alfred Ford, président du projet et arrière-petit-fils du fondateur de l’empire automobile américain. Converti au mouvement Hare Krishna dans les années 1970 sous le nom d’Ambarish Das, il a personnellement contribué près de 30 millions de dollars au chantier.
« Dans ce monde moderne, les gens ont besoin d’inspiration de la part de personnes spirituellement avancées ; ils ne peuvent pas devenir spirituels par eux-mêmes », a-t-il expliqué dans une interview accordée au Times of India. « J’essaie de servir mon maître spirituel. Ne faisons-nous pas la même chose, dans le monde de l’entreprise, en servant nos dirigeants ? » Par ailleurs, le milliardaire a également précisé son ambition : « Je voudrais que Mayapur soit pour ses fidèles ce que le Vatican est pour les catholiques. Un lieu où l’on vient pour vivre une expérience spirituelle et écouter des enseignements philosophiques. »
Malgré des contributions colossales, le chantier n’est pas encore entièrement financé. Selon les responsables du projet, plusieurs millions de dollars supplémentaires sont nécessaires pour achever les travaux dans les délais prévus. « Il faut encore réunir, d’ici à 2027, 15 millions de dollars par an… pour ouvrir le temple comme prévu », rapporte le quotidien Le Monde dans une enquête publiée en septembre 2025.
Une organisation répertoriée comme secte en France depuis 1995
Les premières étapes du chantier ont débuté dès 2009. Plusieurs phases ont déjà été livrées, dont le gigantesque hall principal et une partie des dômes. En 2022, deux immenses Sudarshana Chakras, disques symboliques associés à Vishnu, ont été installés au sommet des tours. L’ouverture au public, déjà partielle, devrait devenir complète d’ici 2026 ou 2027, un calendrier toutefois conditionné aux financements et à la bonne avancée des travaux.
Ce complexe religieux n’échappe pas aux critiques. Certains observateurs s’interrogent sur le sens même du projet : un temple géant ne risque-t-il pas de devenir une attraction touristique plus qu’un lieu de recueillement ? D’autres soulignent la réputation de l’ISKCON, plus connue dans le monde sous le nom de Hare Krishna.
En France, l’organisation est répertoriée dans la catégorie des sectes depuis 1995. Le mouvement propose une vision très structurée de la vie spirituelle, centrée sur la dévotion à Krishna, et ses détracteurs ont souvent dénoncé une forme de sectarisme, ainsi que, dans certains cas, une instrumentalisation de la vulnérabilité psychologique des adeptes.
Des grands projets religieux qui suscitent l’adhésion dans l’Inde contemporaine
Dans les années 1970 et 1980, l’ISKCON a commencé à construire des temples en Inde, mais le mouvement a d’abord été perçu avec suspicion, considéré comme une importation « occidentale » de l’hindouisme. Il a gagné progressivement en légitimité dans le pays, notamment grâce à ses programmes alimentaires gratuits (Food for Life), à la création d’écoles et au développement d’infrastructures sociales.
À partir des années 2010, dans une Inde dominée par le gouvernement nationaliste hindou du Premier ministre Narendra Modi, l’ISKCON lance la construction de temples d’envergure, dont celui de Mayapur. Le mouvement est aujourd’hui reconnu comme une branche moderne de l’hindouisme et respecté pour son action humanitaire et son rayonnement international. Des temples de l’ISKCON se dressent notamment à Bangalore, Delhi, Mumbai, Pune, Hyderabad ou Ahmedabad.
Dans l’Inde contemporaine, les grands projets religieux suscitent l’adhésion, à l’image du temple du dieu Ram à Ayodhya, inauguré en 2024 par Narendra Modi et dont le coût est estimé à 240 millions de dollars. Parallèlement, le projet de Mayapur bénéficie du soutien actif de l’État du Bengale occidental, qui y voit déjà une future métropole du tourisme religieux capable de dynamiser l’industrie touristique.
Récemment, Mamata Banerjee, dirigeante de l’État, a décerné à Mayapur le titre de « Ville patrimoniale », qui attire chaque année des centaines de milliers de visiteurs. Si les délais sont respectés, le Temple of the Vedic Planetarium s’imposera comme le plus grand édifice religieux du monde, au moins en termes de volume intérieur et de superficie accessible, incarnant ainsi l’une des nouvelles cathédrales hindoues du XXIe siècle.
(Ad Extra, A. B.)