Hong-Kong : Jimmy Lai s’exprime pour la première fois après quatre ans de détention
Jimmy Lai en décembre 2020. Son procès a débuté en 2023 et devrait durer encore quelques mois. Il risque la prison à perpétuité. © Pakkin Leung @Rice Post / (CC BY 4.0)Le 21/11/2024
Ce mercredi, le patron de presse Jimmy Lai, fervent catholique et militant prodémocratie, s’est exprimé pour la première fois depuis son arrestation en 2020, dans le cadre de son procès qui se poursuit depuis 2023 et qui devrait encore durer quelques mois. Il risque la prison à vie pour collusion avec des forces étrangères et publication d’articles séditieux. Il a notamment défendu des valeurs qui ont pour lui disparu de la ville : « L’Etat de droit, la quête de la démocratie, la liberté d’expression, de religion, d’assemblée. »
Le patron de presse et militant prodémocratie hongkongais Jimmy Lai, fervent catholique, s’est exprimé pour la première fois ce mercredi 20 novembre après quatre ans de détention. Il a pu sortir de son box d’accusé pour donner sa version des faits, à la reprise de son procès commencé en décembre 2023, pour collusion avec des forces étrangères et publication d’articles séditieux. Un procès qui devrait encore durer quelques mois et à l’issue duquel il risque la prison à perpétuité.
Âgé de 76 ans, il a été arrêté pour la première fois en août 2020, juste après le vote de la loi sur la sécurité nationale à Hong-Kong, imposée par Pékin. Il a subi plusieurs procès depuis son arrestation et a été condamné pour de multiples accusations, notamment de manifestations non-autorisées et de fraude. Ses défenseurs affirment que ces accusations sont motivées politiquement.
À travers plusieurs médias, Jimmy Lai a été une voix virulente en faveur de la démocratie à Hong-Kong, notamment à travers le quotidien Apple Daily, diffusé durant de nombreuses années, par lequel il a encouragé les citoyens hongkongais à participer à de nombreuses manifestations prodémocratie au fil des années. De leur côté, les cadres du Parti communiste chinois affirment que Jimmy Lai a participé à des activités « séditieuses », en partie en défendant l’indépendance de Hong-Kong face à la Chine.
« Tout ce que j’ai fait a été de mettre en lumière la réalité »
Mercredi, un porte-parole du ministère chinois des affaires étrangères a qualifié M. Lai d’« agent et pion des forces antichinoises ». Lui-même a réagi en repoussant ces accusations de sédition. « Tout ce que j’ai fait a été de mettre en lumière la réalité », a-t-il déclaré à la cour à propos de ses publications.
S’il a soutenu la liberté de Hong-Kong, il a affirmé avoir toujours refusé que ses publications ou journalistes soutiennent l’indépendance de Hongkong, une idée considérée « irréaliste ». « Plus vous avez accès à l’information, plus vous savez, plus vous êtes libre », a-t-il ajouté. L’homme d’affaires a aussi nié avoir ordonné à Apple Daily de continuer comme d’habitude après son arrestation. « Je leur ai écrit, en leur demandant de ne pas prendre de risques. »
Il a également nié toute collusion avec le gouvernement américain en 2019, malgré sa rencontre avec l’ex-vice-président Mike Pence. « Je n’aurais pas osé demander quoi que ce soit au vice-président. Je lui ai juste raconté ce qui se passait à Hong-Kong quand il m’a interrogé. » Durant l’audience de mercredi, Jimmy Lai a aussi défendu des valeurs qui ont selon lui disparu à Hong-Kong depuis 2020 : « L’Etat de droit, la quête de la démocratie, la liberté d’expression, de religion, d’assemblée. »
L’audience s’est tenue le lendemain de la condamnation, mardi dernier, de 45 autres militants prodémocratie, qui ont tous reçu des peines de quatre à dix ans de prison sous la loi sur la sécurité nationale.
« Je sais contre quoi il se bat »
Jimmy Lai est catholique. Il s’est converti en 1996 et a reçu le baptême des mains du cardinal Joseph Zen. Le cardinal, évêque émérite de Hong-Kong, était d’ailleurs présent mercredi à son procès, parmi les membres de la famille du patron de presse, selon Associated Press. Son long emprisonnement a provoqué l’indignation à l’étranger, en particulier en Occident, notamment aux États-Unis.
Ce mercredi, avant qu’il prenne la parole durant son procès, plusieurs dizaines de parlementaires du monde entier ont appelé à sa libération immédiate et inconditionnelle. Des experts et parlementaires d’au moins 22 pays et du Parlement européen ont signé une lettre ouverte exprimant leur préoccupation face à l’emprisonnement de Jimmy Lai.
En décembre dernier, la Commission exécutive du Congrès américain sur la Chine (CECC) a également appelé le gouvernement des États-Unis à sanctionner les procureurs et les juges hongkongais s’ils ne libèrent pas Jimmy Lai. Selon la commission, le procès « est tout simplement une persécution politique, et un triste exemple de plus des politiques de plus en plus répressives mises en œuvre par le gouvernement hongkongais ».
Le père Robert Sirico, prêtre catholique et fondateur de l’Acton Institute for the Study of Religion and Liberty (un groupe de réflexion américain) a aussi confié en décembre 2023 n’avoir « aucun espoir » que Jimmy Lai puisse être libéré par le Parti communiste chinois. « Je veux espérer. J’apprécie beaucoup cet homme. J’ai un profond respect pour lui. Je suis inspiré par son courage. Mais je sais contre quoi il se bat. »
(Avec CNA/Daniel Payne)