Appels à mettre fin à la traite des personnes dans l’île de Flores, majoritairement catholique

Un forum contre la traite des personnes, le travail forcé et l’esclavage en mer, en mars 2018 à Bali, Indonésie. Un forum contre la traite des personnes, le travail forcé et l’esclavage en mer, en mars 2018 à Bali, Indonésie. © ILO Asia-Pacific / CC BY-NC-ND 2.0 DEED
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La traite des personnes humaines, un thème encore très peu couvert par les médias, « doit être considérée comme une grave violation de la dignité humaine », martèle la déclaration Dignitas Infinita, publiée le 8 avril par le dicastère pour la Doctrine de la foi. Une question qui n’est certes « pas nouvelle », reconnaissent les auteurs, mais dont le développement « prend des dimensions tragiques qui sautent aux yeux ». En Indonésie, c’est un problème particulièrement préoccupant dans l’île de Flores, majoritairement catholique.

Récemment, des militants chrétiens ont demandé au gouvernement indonésien d’agir fermement contre les trafiquants à Flores, après le décès d’un ouvrier mort de faim dans la province du Kalimantan oriental. Yodimus Moan Kaka, âgé de 40 ans, un habitant de la région de Sikka (Flores, Petites îles de la Sonde orientales), est décédé le 28 mars au Kalimantan oriental. Le 5 avril dernier, son épouse, Maria Herlina Mbani, a signalé à la police qu’il avait été recruté avec 70 autres personnes à Sikka par Yuvinus Solo, un homme politique.

« Ils ont été transportés par bateau clandestinement, parce qu’ils étaient sans papiers. On les a fait travailler pour une société productrice d’huile de palme au Kalimantan oriental, sans nourriture ni de logement convenables », explique sœur Maria Fransiska Imakulata, religieuse du Saint-Esprit, coordinatrice d’une équipe humanitaire appelée « TRUK » et basée à Flores. Elle ajoute que les autorités doivent être déterminées à résoudre le problème récurrent de la traite des personnes.

Sœur Imakulata, qui accompagne actuellement la femme de Yodimus Moan Kaka et leurs enfants, a demandé à la police d’arrêter l’homme politique accusé étant donné que « les preuves sont évidentes ». Heni Hungan, secrétaire de l’équipe de volontaires dirigée par la religieuse, explique que Yuvinus Solo a été récemment élu membre du Parlement local. « Selon les histoires passées que nous avons entendues de la bouche des victimes, nous suspectons que ce n’est pas un nouveau coupable », ajoute Heni.

« Près de 1 000 personnes sont transportées clandestinement tous les ans »

Sœur Maria Fransiska Imaculata (deuxième à partir de la droite), de l’équipe Humanitarian Volunteer Team, le 7 avril dans la région de Sikka, Flores.
Sœur Maria Fransiska Imaculata (deuxième à partir de la droite), de l’équipe Humanitarian Volunteer Team, le 7 avril dans la région de Sikka, Flores. Crédit : Ucanews

Petrus Arifin, 38 ans, un ouvrier agricole toujours bloqué au Kalimantan oriental, a appris par téléphone que Yodimus Moan Kaka était mort de faim. Tous deux étaient partis ensemble le 12 mars et ont commencé à travailler le 18 mars, avec presque rien à manger et nulle part où dormir. « Nous ne mangions que le matin et tard le soir, et c’était toujours du riz rance », confie Petrus Arifin, qui explique que Yuvinus Solo a payé la police pour pouvoir les transporter illégalement par bateau.

Le gouvernement de la région de Sikka prévoit aujourd’hui de ramener à Flores ceux qui sont toujours bloqués au Kalimantan oriental, selon les médias locaux. Yuvinus Solo a été interrogé par la police le 9 avril. Son avocat Dominikus Tuka a nié toute implication de l’homme politique dans cette affaire. Un porte-parole de la police de Sikka a affirmé qu’ils enquêtaient sur l’affaire, y compris concernant l’implication de la police locale qui aurait collaboré avec le coupable présumé.

« L’Église renouvelle aujourd’hui son appel puissant »

Pour Gabriel Goa Sola, un militant du réseau Zero Human Trafficking Network, qui lutte contre le fléau, la traite des personnes est un souci majeur parmi les producteurs d’huile de palme au Kalimantan. « Nous estimons que près de mille personnes sont transportées clandestinement tous les ans. Et ce ne sont pas que des ouvriers, ils déplacent aussi leurs familles. » Il reconnaît que la police agit toujours contre les recruteurs, mais il estime que rien n’est fait pour arrêter les instigateurs. « Nous disons toujours que des cas comme ceux-ci continueront de se répéter si ce sont seulement les acteurs sur le terrain qui sont arrêtés, et non ceux qui dirigeant ces réseaux. »

La déclaration Dignitas Infinita rappelle quele Pape François a dénoncé ce problème en des termes particulièrement forts : « Je réaffirme que ‘la traite des personnes’ est une activité ignoble, une honte pour nos sociétés qui se disent civilisées ! » « L’Église renouvelle aujourd’hui son appel puissant, afin que soient toujours protégées la dignité et la place centrale de chaque personne […] sur chaque continent. »

(Avec Ucanews)