Corée du Sud

Journée mondiale du malade : en Corée du Sud, un centre pour les personnes « brisées par l’individualisme »

Le nombre de patients souffrant de dépression en Corée du Sud a augmenté de 35,1 % entre 2017 et 2021, dans une société individualisée à l’extrême. Le nombre de patients souffrant de dépression en Corée du Sud a augmenté de 35,1 % entre 2017 et 2021, dans une société individualisée à l’extrême. © PxHere
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À l’occasion de la 33e Journée mondiale du malade, qui était célébrée ce mardi 11 février pour la fête de Notre-Dame de Lourdes, le média catholique sud-coréen Catholic Times of Korea évoque l’accompagnement des personnes souffrant de dépression ou d’anxiété dans le pays d’Asie de l’Est. Selon une étude coréenne menée de 2017 à 2021 sur le traitement de la dépression et des troubles d’anxiété, le nombre de patients souffrant de dépression en Corée du Sud a augmenté de 35,1 %, en passant de 691 164 à 933 481 en cinq ans.

Dans son message pour la 33e Journée mondiale du malade (le 11 février à l’occasion de la fête de Notre-Dame de Lourdes), sur le thème « L’espérance ne déçoit pas (Rm 5, 5) et nous rend forts dans l’épreuve », le pape François a fait référence aux paroles de la Genèse en rappelant qu’« il n’est pas bon que l’homme soit seul » (Gn 2, 18) : « Dès le commencement, Dieu, qui est amour, nous a créés pour la communion et nous a dotés de la capacité innée d’entrer en relation avec les autres. »

En soulignant que « la chose la plus importante dans la guérison des malades est de souffrir avec eux et d’être là avec amour », le média catholique coréen Catholic Times of Korea a marqué la Journée mondiale du malade en visitant un centre spirituel et psychologique qui accompagne les personnes « brisées », « blessées et isolées par l’individualisme ».

Selon une étude coréenne menée de 2017 à 2021 sur le traitement de la dépression et des troubles d’anxiété, le nombre de patients souffrant de dépression en Corée du Sud a augmenté de 35,1 %, en passant de 691 164 à 933 481 en cinq ans. Selon le rapport, le nombre de patients souffrant d’anxiété a également augmenté de 32,3 % (en passant de 653 694 à 865 108 au cours de la même période).

Parmi les patients souffrant de dépression, la tranche d’âge des 20-30 ans est celle qui a connu la plus forte augmentation (+127,1 %). En 2017, les patients âgés de 60 à 70 ans représentaient la plus grande proportion (18,7 % du total des personnes atteintes de dépression), mais en 2021, ce sont les patients ayant la vingtaine qui sont les plus nombreux (19 % soit 177 166 personnes). Le même phénomène est observé pour les personnes souffrant d’anxiété, avec une hausse de +86,8 % pour les 20-30 ans.

Une évolution sociétale générationnelle

Selon les experts, la cause de cette évolution sociétale est générationnelle. Le Catholic Times évoque l’expression « génération N-po », un nouveau terme désignant plusieurs générations coréennes ayant abandonné de nombreuses choses, à commencer par les rencontres amoureuses, le mariage et la parentalité. Mais la liste est longue : travail, propriété, socialisation, espoir, santé, image corporelle et vie…

L’expression « génération N-po » existe depuis plusieurs années dans le pays, et aurait été mentionnée pour la première fois par le quotidien catholique Kyunghyang Shinmun en 2011. « Ce terme évoque la crise de l’emploi qui a été causée par la récession économique [de 2008], et le fait que des jeunes se sont isolés et renfermés, en renonçant aux rencontres, au mariage et à la procréation », explique le Catholic Times. « Ils étaient frappés par un profond désespoir et par une grande frustration ; c’est comme s’ils n’existaient plus et qu’ils ne vivaient plus dans le monde, sans rencontrer personne ni jamais sortir. »

Un phénomène accentué par le développement des réseaux sociaux comme Instagram et Twitter, qui facilite les incursions dans la vie privée des autres, « créant un environnement où des gens éprouvent un sentiment de privation relative en comparant leur vie quotidienne avec celle des autres ».

« Dieu est toujours à nos côtés »

Selon Catholic Times, le problème de la dépression chez les personnes âgées est également à prendre en compte en Corée du Sud. « Non seulement elles peuvent souffrir de dépression à cause de maladies chroniques comme l’hypertension ou le diabète, mais cela peut être dû à d’autres facteurs comme un manque de relations sociales, un deuil familial ou des difficultés économiques. » En fin de compte, ceux qui doivent gérer seuls la pression sociale et la solitude peuvent s’isoler encore plus et penser « Il n’y a personne à mes côtés ».

Dans ce contexte, le Cooperative Mind Garden Spirituality Center a été créé en 2015 à Séoul afin d’accueillir les personnes souffrantes et les accompagner, pour qu’elles puissent s’ouvrir à nouveau à des relations sociales saines. Selon le centre, les accompagnateurs tentent de semer et cultiver cette « graine » dans l’esprit des patients, tout en expliquant que « Dieu est celui qui souffle la vie pour que cette graine pousse ». Une manière pour le centre de répondre aux interrogations des gens isolés : « Dieu est toujours à nos côtés. »

« Je suis toujours convaincue que Dieu nous regarde avec des yeux aimants, quelles que soient nos apparences laides, sales ou malodorantes. C’est pourquoi Dieu est pris de compassion pour nous qui sommes blessés et qui tentons de guérir d’une manière ou d’une autre. Pourvu que nous vivions en nous souvenant que nous sommes tellement précieux et aimés », confie la directrice du centre, Josephina Kim Hye-won.

Les thérapies et les accompagnements proposés par le centre rejoignent les propos du pape François dans son message pour la Journée du malade, alors qu’il s’adresse à ceux qui « portent assistance à ceux qui souffrent » en affirmant que leur « marche avec les autres est un signe pour chacun, un hymne à la dignité humaine, un chant d’espérance » (Spes non confundit – Bulle d’indiction du Jubilé ordinaire de l’année 2025).

(Ad Extra, avec catholictimes.org)