Japon

Missionnaires numériques : « Higotonofukuin », la Bible en japonais dans la poche

L’application Higotonofukuin (« L’Évangile au quotidien ») a été lancée Jacques Deguest et le père François-Xavier Haure, MEP. L’application Higotonofukuin (« L’Évangile au quotidien ») a été lancée Jacques Deguest et le père François-Xavier Haure, MEP. © Origenius
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Higotonofukuin est une expression japonaise. En français, on dirait « L’Évangile au quotidien ». Mutualisant leurs compétences en informatique et en liturgie, Jacques Deguest et le père François-Xavier Haure, MEP*, ont inventé un missel perpétuel, disponible à tout moment, qui remporte une forte adhésion auprès des chrétiens, très minoritaires au Japon. Voilà déjà huit ans que ce projet tourne, et des extensions se profilent à d’autres pays d’Asie.

*Cet article, publié initialement en novembre 2023 dans le numéro Japon de la revue mensuelle des Missions Étrangères de Paris, illustre bien les nombreuses initiatives lancées depuis quelques années dans toute l’Asie par les « missionnaires numériques », à quelques jours du Jubilé des influenceurs catholiques (à Rome les 28 et 29 juillet).

Higotonofukuin est né d’un constat, relativement simple. Pratiquement tout le monde possède un appareil numérique que l’on glisse dans la poche, et qui est devenu, pour certains, presque une extension de soi. Nous nous sommes dit que nous avions une place à prendre pour y insérer la Bible, afin que la parole de Dieu soit aussi intime que l’usage que l’on fait de son Keitai, son téléphone portable. Il ne s’agissait pas de prendre la Bible pour en faire une appli, ce qui existait déjà, mais d’apporter une valeur ajoutée qui puisse guider le lecteur, jour après jour, dans la lecture de la Bible.

Nous n’avons, cependant, pas réinventé la poudre puisque nous avons utilisé la liturgie de l’Église pour arriver à nos fins. Celle-ci répond à tous nos critères pour une lecture quotidienne. Elle propose les grands textes et donne au lecteur le loisir de les suivre jour après jour, d’une manière très didactique.

C’est ainsi que l’on fait d’une pierre deux coups : pouvoir lire « tous » les textes bibliques sur deux ou trois ans, et avoir un missel perpétuel disponible à tout moment, y compris pour la messe ! Bien sûr, « toute » la Bible n’est pas disponible dans Higotonofukuin, car un tri a été effectué afin de ne pas disperser le lecteur.

Seuls les grands textes, les plus importants, sont mis à sa disposition. L’objectif est de ne pas le disperser dans une lecture fastidieuse pour le guider vers l’essentiel. S’il veut lire la Bible systématiquement du début jusqu’à la fin, il pourra utiliser d’autres méthodes. N’oublions pas que la lecture systématique, voire studieuse, ne se substitue pas à la lecture priante, dans le métro, lors d’une pause au travail, dans son canapé ou à la messe, gratuitement.

Comme l’expliquent les créateurs du projet, Higotonofukuin est né d’un constat : presque tout le monde possède un appareil numérique que l’on glisse dans la poche.
Comme l’expliquent les créateurs du projet, Higotonofukuin est né d’un constat : presque tout le monde possède un appareil numérique que l’on glisse dans la poche.
© Origenius

Plusieurs milliers d’abonnés, dans un pays où les chrétiens sont une extrême minorité

日ごとの福音, Higotonofukuin : cette expression japonaise signifie en français « l’Évangile au quotidien ». C’est un service de l’Église japonaise. Il y a au moins de nombreux sites qui proposent des services analogues en France et dans d’autres pays, mais rien n’existait en japonais. C’est pourquoi mon ami Jacques, Français résidant au Japon depuis vingt-deux ans, et moi-même, avons décidé de mutualiser nos compétences en informatique et en liturgie pour développer ce projet.

Alors que je rassemblais les textes et lui expliquais comment fonctionnait la liturgie, il a traduit mon jargon en code et a conçu le moteur qui permet d’avoir les bons textes aux bonnes dates. Nous avons construit le site qui porte le projet et conçu les courriers électroniques qui envoient chaque jour le texte biblique correspondant aux abonnés, au nombre de 3 600 aujourd’hui.

Avec les utilisateurs de X (anciennement Twitter), de Facebook, et du site lui-même, nous atteignons aujourd’hui plusieurs milliers de personnes quotidiennement. Dans un pays où les chrétiens sont une extrême minorité, c’est une bonne chose ! D’autant plus que, mis à part les mises à jour à faire de temps en temps, le travail se fait presque sans nous.

L’automatisation des tâches que permet l’informatique est utilisée intensivement : beaucoup de travail a été nécessaire au début de notre projet, ce qui nous permet, à présent, de réfléchir aux extensions possibles – il s’agirait de services nouveaux qui viendraient se joindre à l’existant pour étoffer notre proposition.

Une initiative adaptable en tagalog ou en chinois

Un de ces services a fonctionné pendant un peu moins de trois ans, mais était circonstanciel. Alors que la crise de la Covid battait son plein, et que les églises étaient fermées, nous avons profité du nombre certain de nos abonnés pour filmer, en direct, la messe dominicale que je célébrais chez les Carmélites. Peu à peu, jusqu’à plus de 3 000 connexions, chaque dimanche, a été constaté. Les églises rouvrant progressivement à la fin de cette crise, le nombre des connexions s’est amenuisé jusqu’à la fermeture de ce service particulier.

Si ce service était circonstancié dans le temps, il en est deux autres, en gestation, qui nous semblent intéressants. En premier lieu, l’internationalisation de Higotonofukuin. Nous constatons que nous avons une solide infrastructure logicielle. Rien ne nous empêcherait de développer des versions dans des langues asiatiques différentes en utilisant la même structure. Le moteur a été développé une fois, le site est un bon cadre pour la présentation du service. Ils pourraient être réutilisés avec un minimum d’adaptation pour l’indonésien, le tagalog ou le chinois. Il nous faut cependant des partenariats afin de rassembler tous les textes nécessaires.

Une nouvelle occasion de lire la Bible

Ensuite, il faut reconnaître que nous sommes au XXIsiècle. Le « mobile » fait désormais partie de notre vie. Comme nous pouvons tout avoir rassemblé dans notre poche en un seul appareil, nous rechignons à transporter de lourds ouvrages pour dire l’office de l’Église. En conséquence, si l’office est accessible de manière dématérialisée, on le lira ; s’il ne l’est pas, on fera l’impasse dessus. Heureusement, il existe en japonais et c’est très bien.

Cependant, il existe un office qui n’existe que sur des livres, donc qui n’est pas lu, et qui ne se trouve pas dans la version japonaise en ligne. Il mériterait d’être dématérialisé lui aussi afin de retrouver une nouvelle jeunesse. Il s’agit de l’office des lectures. Certes, il n’est pas obligatoire pour les clercs, mais il est plus qu’intéressant. Il s’agit en quelque sorte de la lecture priante ou lectio divina, avec des psaumes, un texte biblique et un commentaire d’un des Pères de l’Église.

C’est une nouvelle occasion de lire la Bible, tout en disposant du commentaire autorisé de saint Augustin, de saint Cyrille d’Alexandrie ou de saint Jean Chrysostome : cela ne se refuse pas. L’office des lectures est devenu un office de spécialistes, de moines dans une abbaye. Pour le reste de la population, y compris les clercs, il a atteint le statut « deprecated », pour reprendre un terme informatique bien connu : « obsolète ». Il n’y a qu’une seule façon de le populariser à nouveau : qu’il soit mis en ligne. C’est ce que nous nous proposons de faire. À l’heure actuelle, les trois quarts des textes ont été rassemblés.

Ainsi, si on cherche comment la Bible est proposée à la lecture dans le contexte particulier des pères des Missions Étrangères, en l’occurrence le Japon du XXIsiècle, on a vite fait de parler de la liturgie. Tout simplement parce que la liturgie est une proposition de lecture priante de la Bible. En engageant notre foi, la lecture systématique pour chaque jour est susceptible de porter un fruit savoureux. Et l’informatique ? C’est la cerise sur le gâteau !

(Ad Extra, P. François-Xavier Haure, MEP)

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