La junte birmane prend le contrôle de la cathédrale du Christ Roi de Loikaw dans l’État Kayah
Mgr Celso Ba Shwe, évêque de Loikaw, le 26 novembre dans l’évêché durant la fête du Christ Roi. © Loikaw diocese / Facebook (Ucanews)Le 29/11/2023
Le lundi 27 novembre, les troupes de la junte ont pris le contrôle de la cathédrale du Christ Roi de Loikaw, capitale de l’État Kayah, le lendemain de la fête du Christ Roi, alors que l’évêque, Mgr Celso Ba Shwe, ainsi que des prêtres et religieux et plusieurs dizaines de fidèles, s’étaient réfugiés dans le complexe de la cathédrale. Depuis le 11 novembre, plusieurs milliers d’habitants de l’État Kayah, dans l’est de la Birmanie, ont fui leur domicile à cause des combats entre la junte birmane et les groupes rebelles Karreni.
Le 27 novembre, Mgr Celso Ba Shwe, évêque de Loikaw, ainsi que quelques prêtres et religieuses et plusieurs dizaines de personnes âgées et de patients qui s’étaient réfugiés dans la cathédrale du Christ Roi de Loikaw, ont dû partir après l’occupation des lieux par plusieurs dizaines de militaires birmans. « C’est triste d’apprendre cela. J’ai le cœur brisé de voir notre lieu saint profané », regrette Katherine Mu, une résidente du diocèse de Loikaw.
L’arrivée des troupes a eu lieu le lendemain de la fête du Christ Roi, qui attire souvent plusieurs milliers de fidèles chaque année dans la cathédrale. Toutefois, cette année, la fête a été célébrée plus discrètement en présence de Mgr Shwe, qui a pris la tête du diocèse en mars dernier et qui a célébré la solennité du Christ Roi à l’évêché. « Nous avons prié pour la paix dans le monde, dans notre pays, dans notre État de Kayah et dans la ville de Loikaw », a-t-il confié le 26 novembre sur les réseaux sociaux.
À Loikaw, 40 000 habitants ont fui depuis le 11 novembre à cause des bombardements
Les catholiques birmans craignent pour la sécurité de l’évêque et de son équipe. Le groupe accompagnant Mgr Shwe (quelques prêtres et religieuses et près de 50 autres personnes) est resté dans le complexe de la cathédrale malgré la fuite de plus de 40 000 habitants sur 50 000 dans la ville de Loikaw, à cause des bombardements et des tirs menés par la junte depuis le 11 novembre contre les forces rebelles Karenni.
Ces derniers, dont les Force de défense des nationalités Karenni (un groupe formé en réponse au coup d’État de 2021), combattent la junte pour le contrôle de Loikaw, capitale de l’État de Kayah – une région montagneuse de l’est de la Birmanie, voisine de la Thaïlande et dont la population appartient majoritairement à l’ethnie Karen.
Initialement, les militaires sont entrés dans la cathédrale le 26 novembre avant de partir face aux protestations des responsables de la paroisse. Toutefois, ils sont revenus en force le lendemain. « Le soir du 26 novembre, au moins cinq obus tirés par les forces de la junte ont touché le complexe. Mais il n’y a eu aucune victime », précise une source de l’Église locale, anonyme pour des raisons de sécurité.
En novembre 2021, la junte avait également mené un raid contre l’évêché, des bâtiments du diocèse et une clinique catholique près de la cathédrale, en arrêtant 18 soignants. La cathédrale du Christ Roi, la plus vieille église de l’État Kayah, a été construite en 1939. Elle est connue pour son architecture insolite, un mélange du style européen traditionnel et du style bouddhiste local. Le clocher a été amené depuis l’Italie.
En mai 2021, l’évêque de Loikaw avait joué un rôle de médiateur entre les manifestants pacifiques, dont des chrétiens, et les forces de la junte quand des tensions et des mouvements de protestations ont eu lieu dans la ville quelques mois après le coup d’État.
« Nous refusons que des troupes soient déployées dans les églises »
Le 11 novembre, les forces rebelles Karenni ont lancé l’opération « 11.11 », peu après une offensive majeure lancée fin octobre dans l’État Shan, dans le nord du pays, par une alliance de trois groupes rebelles (Ta’ang National Liberation Army, Arakan Army, et Myanmar National Democratic Alliance Army).
Le 13 novembre, Mgr Shwe a annoncé dans un message publié sur Facebook que « nous refusons que des troupes soient déployées dans les églises catholiques et les autres bâtiments religieux du diocèse de Loikaw, quelles que soient les raisons ». Selon des organisations humanitaires, l’État Kayah compte actuellement environ 250 000 personnes déplacées internes, hébergées dans 200 camps installés dans la région. Près de 80 000 réfugiés sont logés dans des camps gérés par l’Église locale.
« À cause des combats qui se sont intensifiés en novembre, plus de 80 % des populations urbaines et rurales de l’État Kayah ont été déplacées », a écrit l’évêque de Loikaw. « La junte birmane utilise des armes lourdes, des avions de chasse, des véhicules blindés, des systèmes de missiles balistiques et de défense mobile. Ainsi, tous les habitants quittent leurs habitations pour fuir dans toutes les directions », ajoute-t-il. « S’il vous plaît, souvenez-vous de nous dans vos prières. »
Les chrétiens représentent environ 46 % des quelque 350 000 habitants de l’État Kayah. Parmi eux, près de 90 000 sont catholiques. Selon des sources ecclésiales, presque 26 paroisses du diocèse de Loikaw sur 41 ont été abandonnées depuis 2021. En effet, des bombardements et des tirs d’artillerie ont frappé plusieurs dizaines d’églises et de couvents dans la région. La Birmanie compte environ 6 % de chrétiens sur 54 millions d’habitants, majoritairement bouddhistes.
(Avec Ucanews et Asianews)