Timor oriental

Le Timor oriental célèbre son adhésion à l’Asean, malgré les défis à venir

Le Timor oriental, plus jeune nation d’Asie, vient de devenir le 11e membre de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est). Le Timor oriental, plus jeune nation d’Asie, vient de devenir le 11e membre de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est). © asean.org
Lecture 5 min

Après plus de vingt ans d’attente, le Timor oriental ou Timor-Leste, jeune État asiatique de près d’1,3 millions d’habitants très majoritairement catholiques, est devenu le 11e membre de l’Asean (Association des nations d’Asie du Sud-Est). Un événement historique pour le petit pays insulaire et pour le bloc régional. De leur côté, les responsables catholiques timorais et les observateurs locaux se réjouissent tout en rappelant les nombreux défis à venir, entre l’économie, la pauvreté, l’éducation et une jeune démocratie stable mais encore fragile.

Ce 26 octobre au sommet de l’Asean (Associations des nations d’Asie du Sud-Est) de Kuala Lumpur, le Premier ministre du Timor oriental, ou Timor-Leste, est apparu comblé alors que la jeune nation venait de devenir le 11e membre du bloc régional. Si M. Rala Xanana Gusmao s’est réjoui de ce moment historique de fierté nationale et de transformation géopolitique, l’Église est-timoraise et plusieurs responsables de la société civile locale ont réagi avec prudence, en évoquant les défis à venir pour la nation insulaire.

« Pour nous, c’est historique. Le Timor-Leste a été admis comme 11e État membre de l’Asean », s’est réjoui le Premier ministre. « Pour le peuple du Timor-Leste, c’est non seulement un rêve qui se réalise mais une forte reconnaissance du chemin que nous avons parcouru, à la fois marqué par la résilience, la détermination et l’espoir. »

L’accès du petit pays au bloc régional du sud-est asiatique apporte à une des nations les plus jeunes et les plus pauvres au monde (près d’1,3 millions d’habitants pour un PIB de seulement 2 milliards de dollars US) un meilleur accès à une communauté économique représentant environ 680 millions d’habitants et 3 800 milliards de dollars US.

« L’entrée dans l’Asean ne peut être considérée comme une solution automatique »

Mgr Virgilio do Carmo da Silva, archevêque de Dili, a de son côté salué cette étape historique tout en appelant à rester vigilant et à investir dans les capacités futures du pays. « Devenir un membre de l’Asean est un moment de fierté pour tous les Timorais. Mais cela veut aussi dire que nous devrons travailler dur dans tous les domaines, en particulier l’éducation », a souligné Mgr da Silva, en expliquant que l’éducation est un domaine crucial à développer pour que tous les habitants puissent affirmer leur présence et leur contribution au développement régional. « L’éducation est la clé du progrès. »

Si le ton des cercles diplomatiques était à la fête, de nombreux observateurs socio-économiques et autres responsables de la société civile ont signalé que l’appartenance à l’Asean ne signifiait pas automatiquement une réduction de la pauvreté ou des inégalités. Parmi eux, Estevanus Coli, directeur du Mata Dalan Institute, une organisation travaillant auprès des communautés rurales timoraises.

Ce dernier estime que le pays ne doit pas supposer qu’être membre de l’Asean apporte automatiquement la prospérité. « L’appartenance à l’Asean ne peut pas être considérée comme une solution pour réduire les inégalités et améliorer la vie de notre peuple. Cela dépend entièrement de la façon dont cette participation est gérée stratégiquement », a-t-il ajouté.

« Cela ne doit pas être une simple rhétorique politique »

L’adhésion à l’Asean apporte au Timor-Leste l’accès à la Communauté économique de l’Asean (AEC), un marché de plus de 650 millions de consommateurs et un espace d’investissement qui dépasse 4 000 milliards de dollars US. Toutefois, la pleine intégration requiert aussi l’adoption des accords de libre-échange, ce qui expose le nouvel État membre à une concurrence importante dans la région.

C’est pourquoi Estevanus Coli tient à signaler que la production reste faible, tout comme les services publics, et que les produits étrangers risquent que de dominer les marchés domestiques. Si le pays ne gère pas les choses correctement, les inégalités pourraient ainsi empirer au lieu de s’améliorer.

De son côté, l’analyste fiscal Jo Monteiro partage ces impressions : « Les réformes en cours doivent se concrétiser ; tout cela ne doit pas être une simple rhétorique politique. » Il ajoute que parmi les États membres de l’Asean, la concurrence pour les investissements directs étrangers (IDE) est rude – rien qu’en 2023, Singapour a reçu plus de 200 milliards de dollars d’IDE.

Le plus jeune État asiatique

« Cela montre combien le Timor-Leste reste loin derrière », insiste Jo Monteiro, en appelant le gouvernement à renforcer de toute urgence l’état de droit, les systèmes anticorruption et la méritocratie, afin d’attirer les investissements. « Sinon, des gens d’autres pays de l’Asean pourraient venir et saisir les opportunités parce que nous ne nous sommes pas suffisamment préparés. »

Dadi Magno, président du Conseil des Jeunes du Timor-Leste, espère quant à lui que l’entrée dans l’Asean contribuera à soutenir « la justice, l’égalité des genres, les droits de l’homme et l’inclusion », et à fournir « davantage d’accès à l’éducation et à un marché élargi ».

Le Timor oriental a été une colonie portugaise durant plus de quatre siècles, avant que l’indépendance soit déclarée en 1975. L’Indonésie a envahi le pays neuf ans plus tard, débutant une occupation brutale de 24 ans qui a causé plusieurs dizaines de milliers de victimes à cause des conflits, de la famine et de la maladie. En 1999, un référendum parrainé par l’Onu a ouvert la voie vers l’indépendance, bien que celle-ci n’ait été officiellement déclarée qu’en 2002 après plusieurs années de crise violente.

(Avec Ucanews)

Ad Extra est un site participatif, si vous souhaitez réagir, vous pouvez nous proposer votre contribution