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L’Église en Corée continue d’appeler à la réconciliation de la péninsule

L’Église catholique en Corée du Sud est engagée depuis plusieurs décennies pour la réconciliation de la péninsule. L’Église catholique en Corée du Sud est engagée depuis plusieurs décennies pour la réconciliation de la péninsule. © CBCK
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Huit décennies après la partition de la péninsule coréenne, l’Église catholique en Corée du Sud reste l’un des seuls acteurs qui continuent d’entretenir l’espérance de la réconciliation entre les deux Corées, avec foi et persévérance. « La haine et la défiance ne peuvent jamais être une solution », soutient Mgr Simon Kim Jong-Gang, président de la Commission coréenne pour la réconciliation, qui a organisé un pèlerinage le mois dernier près de la frontière nord-coréenne avec plusieurs évêques sud-coréens.

Le mois dernier, Mgr Simon Kim Jong-Gang, président de la Commission coréenne pour la réconciliation, a organisé un pèlerinage dans l’île de Kyodong, sur la frontière entre les deux Corées – un geste qui souligne l’engagement de l’Église locale pour la réconciliation de la péninsule coréenne. Les évêques ont marché le long des 5 km de clôture barbelée, dans cette île divisée entre les deux nations depuis la Guerre de Corée (1950-1953), en priant pour qu’elles parviennent un jour à dépasser leurs différences.

Depuis 80 ans, des deux côtés de la ligne de démarcation au Village de la Paix de Panmunjom, dans la Zone démilitarisée entre les deux Corées, des soldats montent la garde face à face, armés et sous pression, prêts à réagir à tout incident mineur qui pourrait déclencher une nouvelle guerre.

En 2018, dans le cadre des tentatives de négociation entre les deux pays, la Zone de sécurité conjointe a été libérée de ses armes à feu et postes militaires. Mais cette période d’ouverture a été de courte durée. Début 2020, la Corée du Nord a fermé ses frontières à cause de la pandémie de covid-19 et a à nouveau ordonné à ses militaires de tirer à vue en cas de mouvement de l’autre côté de la frontière.

Mgr Kim note qu’il n’y a aujourd’hui aucun échange entre les deux Corées. « C’est impossible de se rencontrer, de s’envoyer des lettres et de s’appeler, et même d’envoyer des emails entre les deux côtés de la frontière », regrette-t-il. L’isolement est vraiment devenu total, depuis l’échec du processus diplomatique qui a tenté de rétablir les communications entre la Corée du Nord et les États-Unis en 2019 et depuis la fermeture des frontières en 2020.

Cinq ans sans aucun échange

L’évêque sud-coréen signale que depuis, il n’y a eu aucun échange officiel, que ce soit au niveau gouvernemental ou civil. Avant, rappelle-t-il, « il y avait des réunions et des correspondances, mais récemment, il n’y a plus eu aucune nouvelle ». Dans tous les cas, il ajoute qu’en cette année 2025 qui marque les 80 ans de la partition de la Corée, Pyongyang semble « se préparer à s’ouvrir à nouveau à la communauté internationale ». « Selon des rumeurs, des ambassades et des organisations internationales se préparent à retourner dans la capitale nord-coréenne, et certaines zones attirent des touristes étrangers ».

Un homme de 90 ans qui a fui la Corée du Nord durant la Guerre de Corée, et qui vit aujourd’hui à Séoul.
Un homme de 90 ans qui a fui la Corée du Nord durant la Guerre de Corée, et qui vit aujourd’hui à Séoul.
© CBCK

Début avril, au cours de ce pèlerinage à la frontière intercoréenne, l’évêque raconte qu’il pouvait « facilement voir l’autre côté ». « J’ai souvent la même impression quand je marche devant les clôtures barbelées. Le Sud et le Nord sont vraiment proches. » Cette marche pour la paix lui a rappelé cette proximité. « Si quelqu’un de l’autre côté se mettait à crier, j’aurais pu l’entendre. J’espère que la confiance entre le Sud et le Nord sera rétablie dès que possible. »

Des milliers de familles divisées et déchirées

Pour la délégation des évêques coréens, un des moments les plus émouvants de cette journée de pèlerinage a été la rencontre avec un homme âgé qui a fui le Nord durant la Guerre de Corée et qui vit aujourd’hui à Séoul. Il est âgé de 90 ans, mais son âge ne l’empêche pas de se rendre presque chaque semaine dans l’île de Kyodong. « Il est venu là quand il a fui la Guerre de Corée et il y a vécu de nombreuses années. Il ne voulait pas quitter sa terre natale. Il visite l’île presque une fois par semaine, alors que cela lui prend entre quatre et cinq heures par les transports publics », explique Mgr Kim. Son histoire reflète le fossé creusé par la partition de la Corée, avec des milliers de familles dans l’impossibilité de se voir durant des années. « Durant 80 ans, le Nord et le Sud ont vécu dans la défiance et la haine. Cela a toujours un impact important dans notre société. »

Une Église persécutée

Durant la Guerre de Corée, les troupes communistes ont persécuté les missionnaires, les religieux étrangers et les chrétiens coréens, en les poursuivant jusqu’au Sud. En Corée du Nord, tous les monastères et toutes les églises ont été détruits. Les moines et les prêtres qui ne pouvaient pas fuir ont été condamnés à mort.

Aujourd’hui, l’Église en Corée du Nord n’a ni clergé ni célébrations religieuses. Mais selon les chiffres officiels, on compterait environ 4 000 catholiques nord-coréens appartenant à l’Association catholique coréenne, contrôlée par le régime communiste. Cette association, qui ne reconnaît pas le rôle du pape pour la nomination des évêques, ne compte qu’une seule église dans le pays, à Changchun, qui est considérée comme une façade dressée par le régime de Pyongyang.

L’évêque coréen espère pouvoir un jour communiquer « avec la communauté catholique en Corée du Nord et recevoir aussi des nouvelles de leur part ». Dans ce but, il note que l’Église sud-coréenne est l’une des seules voix qui tente de construire des ponts malgré les hostilités. « Je sais que c’est difficile de changer facilement cette défiance envers la Corée du Nord, car c’est un sentiment qui persiste depuis 80 ans. Mais l’Église nous enseigne que nous ne pouvons pas construire des relations nouvelles basées sur la haine et la défiance. »

Des petits pas vers la réconciliation

Ces dernières années, l’Église catholique a organisé des forums et des rencontres internationales. Par exemple, en 2022, la Commission pour la réconciliation nationale de la Conférence épiscopale coréenne (CBCK), aux côtés d’institutions américaines, a organisé une conférence à Washington D. C., sur « le rôle de la religion pour la paix dans la péninsule coréenne ».

« Des évêques coréens et américains ont pris part à cet événement, ainsi que des membres des gouvernements des deux pays et des universitaires de plusieurs think tanks. Le nonce apostolique du Vatican aux États-Unis était aussi présent, il a exprimé sa solidarité pour la paix dans la péninsule coréenne », raconte Mgr Kim.

Par ailleurs, il y a eu des forums pour la paix en 2023, en collaboration avec des diocèses japonais et américains, ainsi que l’entrée, en 2024, de plusieurs diocèses coréens, japonais et américains dans le réseau PWNW (Partenariat pour un monde sans armes nucléaires).

L’année 2025 marque le 80e anniversaire de la partition de la Corée (ici une délégation d’évêques sud-coréens, début avril à la frontière nord-coréenne).
L’année 2025 marque le 80e anniversaire de la partition de la Corée (ici une délégation d’évêques sud-coréens, début avril à la frontière nord-coréenne).
© CBCK

Pour Mgr Kim, toutes ces initiatives sont un appel à la paix : « Les chrétiens du monde entier, qui connaissent et qui mettent en pratique la paix du Christ, ont le devoir de dénoncer inlassablement et de mettre en garde contre les dirigeants qui soutiennent la sécurité militaire basée sur les armes nucléaires, pour que ceux-ci puissent se réveiller de leur illusion. »

L’évêque reconnaît que la réunification suscite peu d’enthousiasme parmi les jeunes sud-coréens, qui sont aussi exposés à d’autres besoins urgents. « C’est un phénomène mondial, mais en Corée aussi, on voit de moins en moins d’opportunités d’emplois de qualité. Même si vous étudiez durant de nombreuses années, ce n’est pas facile de trouver un bon poste. Les prix de l’immobilier ont considérablement augmenté, et c’est difficile d’acheter un logement », explique-t-il. C’est pourquoi les jeunes générations en Corée du Sud craignent que « si les échanges entre le Nord et le Sud se multiplient, la Corée du Sud devra aider le Nord financièrement ». « Pour cette raison, certains jeunes s’y opposent. Je comprends totalement. »

Quoi qu’il en soit, l’évêque insiste pour dire que si les conflits internes causés par la partition de la Corée ne sont pas résolus, « la stabilité sociale, l’intégration politique et le développement économiques seront toujours limités ». « Le Christ nous demande de vivre en frères et sœurs. Si nous travaillons ensemble avec courage pour trouver et créer un chemin vers la paix, les vies de nos descendants pourront s’améliorer », conclut-il, en songeant notamment aux Journée mondiales de la jeunesse (JMJ) qui auront lieu en 2027 à Séoul, la capitale sud-coréenne.

Source : Catholic News Agency / Victoria Cardiel

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