Pakistan

« L’unité est notre plus grand besoin. L’objectif, pour 2024, doit être de collaborer »

Mgr Kevin Randall, nonce apostolique au Bangladesh, lors d’une prière œcuménique organisée cette semaine à Dacca en présence de 550 catholiques et protestants. © Asianews ; The Pakistan Daily / Ucanews
Lecture 9 min

Le 25 janvier, le pape François a conclu la 56e Semaine de prière pour l’unité des chrétiens en insistant sur la « centralité de la prière », essentielle pour « rendre intime et facile la fraternité mutuelle ». De nombreuses initiatives ont lieu dans ce sens dans les diocèses asiatiques, notamment au Pakistan et au Bangladesh. Mais malgré différents programmes comme dans le diocèse de Faisalabad, certains appellent à dépasser les divisions qui demeurent : « Si nous sommes divisés, comment pouvons-nous guider les autres ? »

« Tous les efforts vers la pleine unité sont appelés à suivre le même chemin que Paul, à mettre de côté la centralité de nos idées pour chercher la voix du Seigneur et lui laisser l’initiative et la place », a confié le pape François ce jeudi 25 janvier, en célébrant les secondes vêpres pour la solennité de la conversion de saint Paul apôtre. La célébration, qui a eu lieu dans la basilique Saint-Paul-hors-les-murs, marquait aussi la clôture de la 56e Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, organisée tous les ans du 18 au 25 janvier.

Chaque année, la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens est organisée du 18 au 25 janvier, un temps fort œcuménique majeur destiné à rassembler les chrétiens de toutes confessions. Chaque année, tous les jours de l’évènement sont jalonnés de prières, temps œcuméniques et rencontres entre responsables religieux.

Durant sa réflexion, le pape a aussi évoqué la centralité de la prière, qui doit avoir « la première place ». « Plus étroite, en effet, sera leur communion avec le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, plus ils pourront rendre intime et facile la fraternité mutuelle », a-t-il ajouté en citant Unitatis redintegratio (n. 7), le décret du concile Vatican II sur l’œcuménisme, promulgué en 1964 par le pape Paul VI.

Cette année, la célébration était aussi accompagnée d’un geste spécial : un mandat conféré par le Saint-Père, aux côtés l’archevêque de Canterbury Justin Welby, à un groupe d’évêques catholiques et anglicans membres de la Commission internationale anglicane-catholique romaine pour l’unité et la mission (l’IARCCUM, une commission créée en 2001 par la Communion anglicane et l’Église catholique romaine en tant que commission conjointe officielle). Ensemble, ils ont été envoyés pour « continuer à témoigner de l’unité voulue par Dieu pour son Église dans leurs régions respectives, en avançant ensemble pour ‘offrir la miséricorde et la paix de Dieu à un monde qui en a tant besoin’ » (Appel des évêques de l’IARCCUM, Rome 2016).

« L’amour n’a pas de frontières. Nous aussi, acceptons-nous mutuellement »

Un écho de ce même esprit d’unité a déjà résonné dans la façon dont beaucoup de diocèses asiatiques ont vécu la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, ces derniers jours. Dans ce sens, une expérience vécue cette semaine à Faisalabad, au Pakistan, a été particulièrement significative, dans un contexte où les membres de la minorité chrétienne du pays se sont retrouvés, ces derniers mois, à vivre ensemble des expériences dramatiques de violence contre les chrétiens.

Le 25 septembre à Rawalpindi, lors d’une rencontre entre des responsables chrétiens pakistanais et le général Syed Asim Munir, après les attaques de Jaranwala.

À l’occasion de cette semaine œcuménique, différents programmes ont été organisés au Pakistan, dans différentes villes et paroisses du diocèse de Faisalabad, autour du thème de la semaine : «  Un premier temps fort a été présidé par le vicaire général du diocèse, le père Abid Tanvir, le 18 janvier dans la cathédrale catholique en présence d’environ 50 prêtres et évêques de différentes confessions chrétiennes, qui ont salué les efforts de l’Église catholique afin de rassembler toutes les dénominations ensemble dans un même lieu pour soutenir l’unité.

Des responsables de l’Église du Pakistan (une dénomination protestante unie qui fusionne cultes protestants et anglicans), de l’Armée du Salut (un mouvement international protestant fondé en 1865) et d’autres petites communautés étaient présents durant ces initiatives. D’autres évènements ont eu lieu dans le district de Sahiwal, dans les villes de Gojra et Okara et dans l’église presbytérienne de Faisalabad. Un dernier programme a été organisé dans l’église du Saint-Rosaire de Warispura.

En s’adressant aux participants, le père Tanvir a confié : « Je suis très heureux que nous soyons tous ensemble afin de prier Dieu pour l’unité et la fraternité. » « C’est un beau geste de montrer que malgré notre appartenance à différentes confessions, nous sommes unis dans le Christ afin de répandre le message de l’Évangile », a-t-il ajouté.

De son côté, le pasteur Emrick Joseph, de l’Église presbytérienne, a souligné : « C’est très important de nous accepter les uns les autres et d’être unis pour répandre le message de paix, d’amour et d’harmonie. Si nous sommes divisés et que nous refusons de nous asseoir ensemble, comment pouvons-nous guider les autres vers le droit chemin du christianisme ? Prions Dieu pour cette fraternité entre nous et demandons-lui plus de force et d’amour. »

Le père dominicain Khalid Rashid Asi a également commenté que « l’amour n’a pas de frontières, comme les oiseaux qui peuvent se percher sur n’importe quel arbre ». « Nous aussi, acceptons-nous mutuellement, en permettant les autres de venir dans nos maisons et en chantant ensemble des hymnes de paix. »

« Nous parlons durant huit jours, mais les autres jours, nous restons divisés »

Le père Bonnie Mendes, ancien secrétaire général de la Commission nationale pour la Justice et la Paix (NCJP) de la Conférence épiscopale pakistanaise, estime cependant que l’unité chrétienne n’est pas si solide dans le pays. « Nous célébrons cette semaine comme si tout allait bien. Nous parlons durant huit jours, mais tous les autres jours de l’année, nous restons divisés », affirme-t-il.

Le 18 janvier dans la cathédrale catholique de Faisalabad, en présence de 50 prêtres et évêques de différentes confessions chrétiennes.

Selon lui, les causes de tensions sont multiples. « Le fractionnement en de très petites Églises de quartier a poussé certaines communautés à prêcher contre les autres », assure-t-il. Selon lui, les responsables de ces petits groupes passeraient beaucoup de temps à s’attaquer les uns les autres sur les réseaux sociaux, au lieu de faire quelque chose de positif sur le terrain. « Les Églises sont divisées, donc les fidèles restent divisés », regrette-t-il.

« L’unité est notre plus grand besoin. Le but, pour l’année 2024, doit être de collaborer. Fixons des objectifs et atteignons-les ensemble », a demandé Mgr Azad Marshall, évêque modérateur de l’Église du Pakistan (une dénomination protestante unie qui fusionne cultes protestants et anglicans), le 14 décembre dernier lors d’une rencontre de Noël.

De son côté, le journaliste pakistanais Kamran Chaudhry regrette que les chrétiens pakistanais restent divisés en dépit des nombreuses attaques subies au fil des années. Il estime que le clergé, les intellectuels et les fidèles d’une confession ont tendance à éviter de participer aux évènements des autres. Il dénonce des luttes de pouvoir internes, des compétitions pour décrocher des financements étrangers et une course aux ressources qui entraînent des divisions.

Il évoque cependant le Centre d’étude chrétienne (Christian Study Centre) basé à Rawalpindi, une des seules institutions œcuméniques du pays soutenues à la fois par les Églises catholiques et protestantes. De même, il évoque la Commission œcuménique pour le développement humain, à Lahore, une organisation caritative qui travaille en partenariat avec les cinq principales confessions chrétiennes au Pakistan.

Mais pour lui, il faudrait davantage d’exemples visibles d’unité chrétienne afin de montrer l’exemple. « Après tout, une communauté chrétienne divisée ne sert pas ses intérêts », écrit-il. « Les chrétiens pakistanais n’ont pas l’unité dont ils auraient besoin afin de mieux défendre leurs droits et négocier avec les autorités gouvernementales. Les responsables chrétiens doivent trouver comment briser le schisme et le silence au sein de la communauté. »

« Si nous devenons plus unis, nous pourrons prêcher l’Évangile avec plus de force »

Par ailleurs, à Dacca, dans la capitale bangladaise, la Semaine de l’unité a été vécue avec ferveur : 550 catholiques et protestants ont participé à une prière œcuménique dans l’église catholique de Tejgaon, en présence du nonce apostolique au Bangladesh, Mgr Kevin Randall, et l’archevêque de Dacca, Mgr Bejoy N. D’Cruze. Le temps de prière était organisé par la Commission pour le dialogue de l’archidiocèse de Dacca.

Le père Kakon Luc Corraya, président de la commission, a expliqué que la Semaine de l’unité chrétienne est célébrée tous les ans avec les protestants, qui répondent toujours de manière positive. « Cela crée une opportunité de rencontrer des personnes que nous ne connaissons pas. Même si nous n’avons aucune inimitié avec les protestants, le fait de nous asseoir, de parler et de prier ensemble nous renforce en tant que chrétiens », a ajouté le père Corraya.

Le révérend Alvin Proshad Vhokto, président de la Fraternité des pasteurs de Dacca et pasteur de l’église baptiste de Joarsahara, a aussi participé au temps œcuménique à Tejgaon. À cette occasion, il a salué l’initiative de l’Église catholique qui a organisé ces évènements, tout en soulignant la foi commune en Jésus Christ parmi les chrétiens. Le pasteur Vhokto a insisté sur l’importance de l’unité, en soulignant que « si nous devenons plus unis, nous pourrons prêcher l’Évangile avec plus de force ».

(Avec Asianews)