Cambodge

Mgr Ly : « Les chrétiens cambodgiens font partie du Phnom Penh d’aujourd’hui »

Mgr Ly, ici en 2022 lors de son installation comme préfet apostolique de Kampong Cham, a été nommé vicaire apostolique de Phnom Penh. Mgr Ly, ici en 2022 lors de son installation comme préfet apostolique de Kampong Cham, a été nommé vicaire apostolique de Phnom Penh. © Vicariat apostolique de Phnom Penh
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Le nouveau vicaire apostolique coadjuteur de la capitale cambodgienne, nommé ce samedi 28 juin par le pape Léon XIV, s’est confié sur les défis qui attendent la petite Église locale, qui a pu renaître après les persécutions des Khmers Rouges, qui ont aussi tué il y a cinquante ans Mgr Chmar Salas, unique évêque cambodgien avant Mgr Ly. L’héritage des martyrs, l’inculturation, la rencontre avec les bouddhistes, mais aussi l’individualisme amené par la propagation des appareils numériques, font partie de ses priorités pastorales.

Ce samedi 28 juin, le pape Léon XIV a effectué une très importante nomination pour la petite Église catholique au Cambodge : il a nommé un prêtre local, Mgr Pierre Suon Hang Ly, comme vicaire apostolique coadjuteur de Phnom Penh. Âgé de 53 ans, prêtre depuis 2000 et actuellement préfet apostolique de Kampong Cham, il rejoint donc Mgr Olivier Schmitthaeusler, MEP, dans son ministère à la tête du vicariat, dans la perspective de prendre les rênes dans un avenir proche et d’être ordonné évêque. Ainsi, l’Église à Phnom Penh aura à nouveau un pasteur local, après l’unique évêque cambodgien de son histoire, Mgr Joseph Chhmar Salas, qui a été ordonné évêque dans des circonstances dramatiques en avril 1975, et qui est mort deux ans plus tard durant la persécution des Khmers Rouges. Ci-dessous, un témoignage écrit par Mgr Ly sur son ministère et les défis auxquels fait face l’Église d’aujourd’hui au Cambodge.

L’Église catholique est présente au Cambodge depuis le XVIsiècle. En 1968, le pape Paul VI l’a organisée en trois juridictions : le vicariat apostolique de Phnom Penh et les deux préfectures apostoliques de Battambang et Kampong Cham. Malgré cette longue histoire, toutefois, notre Église est toujours petite et jeune. Jeune parce qu’elle a été gravement blessée durant la période Khmer Rouge, avant de se reconstruire à partir des années 1990. Petite parce qu’elle ne compte que 23 207 fidèles, soit 0,13 % de la population d’un pays où 96,49 % des gens sont bouddhistes, pour 2 % de musulmans et 1,38 % appartenant aux autres religions.

Dans cette petite Église, les prêtres et les religieux sont de différentes origines. La majorité des fidèles sont d’origine vietnamienne, tandis que les Cambodgiens ne représentent que 30 % d’entre eux.

Mon ministère

En octobre 2022, j’ai été nommé préfet apostolique de Kampong Cham, et je suis nommé aujourd’hui vicaire apostolique coadjuteur de Phnom Penh. Cette nomination est un signe de progrès pour l’Église locale, mais aussi un défi pastoral. Je me demande souvent : que devons-nous faire pour bien guider notre Église ? Heureusement, je peux exercer ce ministère grâce à l’aide de l’Église universelle et de tous les chrétiens. J’ai le privilège d’avoir des missionnaires qui nous aident : les Missions Étrangères de Paris, les missionnaires coréens, les Pime, les Indiens…

De plus, à Kampong Cham, les prêtres de mon conseil m’ont aidé dans les décisions importantes. Je sens que tout est sous la conduite du Bon Pasteur.

La préfecture apostolique de Kampong Cham, que j’ai dirigée, est composée de huit provinces, organisées en quatre zones pastorales, pour 32 paroisses. La plus grande est une paroisse vietnamienne située à Neak Loeung. Ensuite se trouve Bousra, une paroisse de la minorité ethnique Phnong, puis Kdol Leu, une paroisse cambodgienne. Les autres paroisses ont entre 5 et 80 fidèles. Il y a 21 prêtres de différentes origines : quatre Khmers (dont moi-même), trois Français, un Italien, quatre Indiens, un Colombien, un Equatorien, un Philippin et un Malaisien. Actuellement, deux communautés religieuses sont actives dans la préfecture : les Amantes de la Croix de Kampong Cham, une communauté locale avec neuf sœurs cambodgiennes, assistées par quatre sœurs vietnamiennes. Il y a aussi une communauté de sœurs salésiennes, avec deux sœurs travaillant avec la communauté Phnong de Mondulkiri.

Malgré le petit nombre de chrétiens, l’Église catholique est très active dans l’éducation et l’aide des pauvres et des malades. Nous avons quatre lycées, environ vingt écoles maternelles et onze foyers de jeunes dans les différentes paroisses.

Les principaux défis

L’Église catholique au Cambodge fait face à de nombreux défis dans son travail pastoral, non seulement en raison du petit nombre de fidèles, mais aussi à cause de la rapide propagation des appareils technologiques modernes. Le trafic de drogue amène les jeunes à abandonner leurs études, et nous ne pouvons nous taire à propos des problèmes liés aux migrations et aux trafics des personnes cherchant du travail, que ce soit au Cambodge ou à l’étranger.

Heureusement, le gouvernement nous permet de pratiquer notre religion librement. Les prêtres viennent de cultures très différentes, ce qui fait que c’est difficile de travailler ensemble. Ils doivent s’adapter à la culture khmère afin de proclamer la Bonne Nouvelle, et d’incarner eux-mêmes Jésus dans son humanité.

Il est difficile de convertir les Cambodgiens à une foi authentique en Jésus Christ. Beaucoup de chrétiens ne vont plus à l’église parce qu’ils ont émigré pour le travail ou à cause de conflits paroissiaux. Les nouvelles technologies attirent les gens vers les biens matériels, ce qui rend difficile l’engagement des jeunes et le recrutement de volontaires.

Les gens se ferment sur eux-mêmes et ne veulent plus partager leurs biens.

Travail missionnaire

Dans un contexte majoritairement bouddhiste, la mission n’est pas limitée à la prière ou à la messe dans l’église. Le travail caritatif est essentiel : il attire les bouddhistes et les encourage à rechercher le Christ. Les prêtres doivent visiter les chrétiens et les paroissiens : ils ont donc à la fois un rôle ecclésial et social.

Cinquante ans après l’arrivée des Khmers Rouges à Phnom Penh, des souvenirs douloureux restent dans nos esprits. L’Église au Cambodge se souvient de ceux qui sont morts et qui ont souffert durant cette période, et elle prie pour eux. Mais cette mémoire s’efface aujourd’hui, parce que les plus âgés deviennent moins nombreux et que les jeunes ne sont pas très intéressés par le passé. Beaucoup de Khmers sont préoccupés par leur vie quotidienne : ils sont endettés, ils recherchent du travail à l’étranger et ils cherchent à déménager dans d’autres villes.

L’Église a joué un rôle important dans la réconciliation et la guérison des survivants. Elle a assuré un soutien psychologique et spirituel : par-dessus tout, elle a transmis le message d’amour, de pardon et de fraternité de Jésus. La prière et la méditation apaisent le cœur. Nous n’oublions pas les souffrances, mais nous essayons de pardonner à ceux qui nous ont fait du mal.

La mort du pape François et le début du pontificat de Léon XIV

La mort du pape François a aussi profondément attristé les catholiques cambodgiens. Durant la période de deuil, nous avons organisé des veillées de prière et des messes en sa mémoire dans toutes les paroisses. Le 26 avril, nous avons participé à une grande messe à Phnom Penh, organisée par les trois juridictions ecclésiastiques du Cambodge. Le pape François nous a laissé un riche héritage : la synodalité, la construction de la paix, le dialogue interreligieux et la protection de la Création comme notre maison commune. Je sais que Léon XIV continuera l’œuvre de son prédécesseur et qu’il guidera notre Église dans le contexte actuel.

Source : Asianews/Mgr Ly

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