Père Paul An : « Nous demandons la grâce pour ce monde blessé… C’est notre manière de vivre le Nouvel An chinois dans la foi »
Le dimanche 11 février dans l’église Saint-Hippolyte, lors de la messe du Nouvel An Asiatique. © EDALe 12/02/2024
L’église Notre-Dame de Chine, située dans un quartier parisien où les communautés chinoises et asiatiques sont particulièrement présentes, a été consacrée en 2005. Tous les dimanches, 260 paroissiens y célèbrent la messe en mandarin. Pour le Nouvel An asiatique, une messe est organisée tous les ans dans l’église voisine Saint-Hippolyte, un clocher qui représente un lieu d’accueil et de rencontre privilégié pour les populations sinophones et francophones. Rencontre avec le père Paul Changze An, recteur de Notre-Dame de Chine.
Le dimanche 11 février, Mgr François Gonon, vicaire général de l’archidiocèse de Paris, a présidé une messe spéciale pour le Nouvel An asiatique, célébrée en trois langues, en présence des paroissiens de Notre-Dame de Chine et du groupe vietnamien de la paroisse Saint-Hippolyte. Le père Paul Changze An, recteur de la paroisse Notre-Dame de Chine à Paris, se confie sur sa communauté qui vit à côté de l’église Saint-Hippolyte dans le 13earrondissement. Il revient sur les célébrations du Nouvel An asiatique, des temps forts pour les catholiques chinois et vietnamiens de Paris qui gardent un lien fort avec leur culture d’origine.
Père Paul An, que pouvez-vous dire sur les paroissiens qui sont à Notre-Dame de Chine et Saint-Hippolyte ? Il y a beaucoup de personnes d’Asie du Sud-Est dans le quartier…
Dans le 13e, il y a effectivement beaucoup d’habitants qui viennent d’Asie du Sud-Est. Des Chinois, des Cambodgiens, des Vietnamiens… Au niveau de la paroisse, en revanche, il y a une majorité de Chinois. La mission catholique chinoise couvre tout Paris, et il y a deux lieux de culte : Sainte-Elizabeth et Notre-Dame de Chine (à côté de l’église Saint-Hippolyte, dans le 13e arrondissement). C’est la même communauté paroissiale.
La plupart des paroissiens sont des Chinois qui viennent de Chine continentale. Certains viennent parfois de Hong-Kong, comme un couple qui est venu jeune, avant de se marier, et qui a aujourd’hui 70 ans. Il y a aussi des paroissiens d’origine chinoise qui sont nés et qui ont vécu au Cambodge, et qui ont fui le pays durant les années 1975. Sinon, la plupart viennent du continent. Ici, le dimanche, nous avons environ 260 paroissiens. À Noël, nous célébrons la messe de minuit dans la grande église, Saint-Hippolyte, avec environ 750 personnes.
Pour le Nouvel An chinois, nous avons deux célébrations, dont une messe interparoissiale qui est célébrée en trois langues (français, chinois et vietnamiens), avec le groupe vietnamien de Saint-Hippolyte.
D’un point de vue culturel, que représente le Nouvel An pour la communauté ? C’est un évènement très important ?
En entrant, vous avez pu voir les lanternes rouges dans l’église. Pour les Chinois, le rouge, c’est la couleur de fête. Le samedi 10 février, c’est le jour de l’An, et nous faisons ensuite la fête durant quinze jours. Le quinzième jour, c’est la fête des Lanternes, qui marque la fin du festival (le 24 février, qui correspond à la pleine lune). Pour les Chinois, culturellement et traditionnellement, le Nouvel An est la plus grande fête de l’année. Tous les membres de la famille se réunissent ; ceux qui sont loin, pour le travail ou pour les études, essaient de revenir à la maison pour les fêtes. En Chine, un mois avant, les déplacements se préparent déjà, donc c’est un grand moment mais aussi un peu difficile à cause des transports – en train, en avion, en voiture… La population chinoise est nombreuse, et on a parfois du mal à monter dans le train !
Les catholiques chinois ont une façon particulière de fêter le Nouvel An ?
Nous vivons la fête du Nouvel An chinois dans la foi. Par exemple, ce vendredi 9 février, nous avons célébré une messe d’action de grâce pour l’année qui se termine, pour remercier pour tout ce que nous avons reçu et vécu. Nous rendons grâce au Seigneur qui est la source de vie, la source de toute bénédiction. Et le samedi 10 février, il y a la messe du Nouvel An à Notre-Dame de Chine à 15h15, en chinois. On remet aussi l’année à venir dans la main du Seigneur, tous nos soucis, tous les malades, ainsi que toutes les peines personnelles, familiales, paroissiales, ecclésiales mais aussi mondiales, parce que nous sommes membres de tout cela, de tous ces niveaux communautaires.
Nous vivons dans ce monde et nous prions pour ce monde. Nous demandons la grâce pour ce monde blessé par les catastrophes, les guerres, les conflits… C’est notre manière de vivre le Nouvel An dans la foi. Le dimanche 11 février, à la fin de la messe du Nouvel An, il y a aussi le culte des ancêtres. C’est une manière de manifester dans la foi notre reconnaissance pour les anciens, tout ce que nous avons reçu d’eux. C’est aussi un temps d’intercession pour tous nos ancêtres qui ont encore besoin de la miséricorde du Seigneur pour les accueillir dans la maison du Ciel. Cela manifeste une communion avec les défunts. Pour les Chinois, c’est important de faire mémoire des anciens. Et c’est notre manière chrétienne de vivre la communion entre ceux qui sont dans l’autre monde et le monde actuel.
Célébrer une messe pour le Nouvel An, c’est aussi une manière d’évangéliser auprès de la communauté chinoise ?
Oui, nous vivons cette fête dans la joie, dans la foi et dans la charité. Par exemple, ce vendredi soir, il y a un repas pour toutes les personnes isolées. Parce que c’est le réveillon et toutes les familles se réunissent. Donc on sent particulièrement les personnes solitaires durant ces moments de fête. C’est notre manière de manifester notre charité, avec tous ceux qui sont isolés, y compris avec ceux qui ne sont pas forcément catholiques, comme des étudiants par exemple. Ils ont besoin de ressentir une atmosphère familiale et amicale. C’est pour eux un soutien psychologique. On profite aussi de l’occasion pour évangéliser ; par exemple, nous invitons les Chinois à venir à la messe et au culte des ancêtres. Depuis quelques années, je sens un élan missionnaire.
Les paroissiens de Notre-Dame de Chine sont souvent installés en France définitivement ; ils trouvent ici un lien avec leur culture, leur communauté… ?
La plupart se sont installés ici, ils ont une famille, leurs enfants sont nés ici, ils ont du travail… La majorité d’entre eux sont stabilités, enracinés ici. Par exemple, un couple de Hongkongais s’est marié ici, ils ont eu deux enfants et leurs enfants se sont mariés, ils ont des petits-enfants… Nous avons des cours de Chinois, parce qu’il y a des enfants français qui veulent apprendre le chinois, et il y a aussi des enfants des Chinois qui ne savent plus parler le chinois. Quand on est en Chine, on ne sent pas le besoin de rester en contact avec la culture chinoise puisqu’on est dedans. Mais à l’étranger, on sent particulièrement ce besoin, surtout quand on ne peut pas vivre le Nouvel An chinois. Pour des Chinois qui ont réussi leur vie en France, qui parlent français et qui sont imprégnés de la culture française, ils ont malgré tout besoin de retrouver leurs racines, surtout pour les fêtes. Ceux qui parlent moins français ont d’autant plus ce besoin. On a toujours besoin de retrouver ses origines, surtout aux moments des fêtes et face aux interrogations de notre vie… Vivre dans une communauté chinoise, c’est donc un soutien énorme. Nous avons la joie de vivre ensemble.
(Propos recueillis par Églises d’Asie)