Pakistan

Une nouvelle affaire de violence antichrétienne au Pendjab, quelques mois après Jaranwala

Le Pendjab a été à nouveau le théâtre de violences antichrétiennes ce samedi 25 mai, quelques mois après les évènements d’août dernier à Jaranwala. Le Pendjab a été à nouveau le théâtre de violences antichrétiennes ce samedi 25 mai, quelques mois après les évènements d’août dernier à Jaranwala. © Asianews
Lecture 5 min

Le 25 mai à Sargodha, une ville du Pendjab, un homme chrétien pakistanais de 72 ans a été attaqué violemment par une foule de fanatiques, après des fausses accusations de blasphème. Pour le père Asi, directeur diocésain de la Commission nationale Justice et Paix (NCJP), « les chrétiens sont seulement impliqués dans de tels incidents pour des règlements de comptes : aucune foule n’a le droit de lyncher quelqu’un ». En août 2023 à Jaranwala (Pendjab), une foule avait incendié plus de 20 églises et plusieurs centaines d’habitations.

Une dernière affaire de violence antichrétienne a été signalée le 25 mai au Pendjab, la province la plus peuplée du Pakistan, près de la frontière indienne. Pour la minorité religieuse, c’est une nouvelle menace de violence contre la communauté chrétienne locale, alors que la région fait face à la montée de l’intolérance islamique envers les minorités depuis août 2023, quand plus de 20 églises et plusieurs centaines d’habitations ont été incendiées à Jaranwala.

Le 25 mai entre 7 et 8 heures du matin, une foule de fanatiques en colère s’est attaquée brutalement à Nazir Masih, un homme chrétien âgé de 72 ans. Il a été battu violemment, et sa maison et son commerce (une boutique de chaussures) ont été incendiés dans le quartier de Mujahid Colony, dans la ville de Sargodha, située au nord de la province. La foule s’est enflammée après des accusations de blasphème qui dénonçaient la victime. Nazir a été faussement accusé d’avoir brûlé les pages du Coran. Les coupables ont aussi essayé de s’en prendre à son fils Sultan Gill et à sa famille, qui ont pris la fuite.

À cause des coups qu’il a reçus, Nazir est actuellement dans un état critique à l’hôpital. Sa famille, qui compte une quinzaine de membres, a échappé de peu à d’autres violences, en fuyant avant que la foule puisse frapper à nouveau. De nombreuses photos et vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux pakistanais, montrant une foule en colère, dont des adolescents et des enfants, et le vieil homme ensanglanté, inconscient et frappé de nombreuses fois, malgré quelques personnes essayant d’intervenir en vain pour empêcher l’attaque.

Plusieurs membres de la police du Pendjab en uniforme sont vus mélangés à la foule, observant sans intervenir. Finalement, la police locale a dispersé la foule devant le domicile de la victime, mais quinze policiers auraient été blessés, certains sérieusement, alors qu’ils tentaient de contenir la foule. La police a établi des procès-verbaux contre 44 personnes identifiées et 450 inconnus dans le cadre de la Loi antiterroriste.

« La situation est sous contrôle mais la population vit toujours dans la peur »

Cet épisode de violence a conduit à une nouvelle vague de terreur contre les chrétiens, et dans le quartier, beaucoup d’entre eux ont pris la fuite pour éviter d’autres attaques. Selon Mgr Joseph Arshad, archevêque d’Islamabad-Rawalpindi, qui s’est rendu sur place le jour du drame, « la situation est sous contrôle mais la population vit toujours dans la peur ».

De leur côté, les responsables chrétiens pakistanais ont fait part de leur vive inquiétude après l’attaque, en soulignant que cette affaire met une nouvelle fois en évidence l’échec du gouvernement et des institutions du pays à vaincre la montée de l’extrémisme et de la violence dans la société pakistanaise, malgré les directives de la Cour suprême. Ils appellent les autorités policières du Pendjab et l’administration locale à assurer la sécurité de la communauté chrétienne et à poursuivre les coupables en justice. Ils soulignent aussi la nécessité d’une justice impartiale et efficace afin de restaurer la confiance dans le système judiciaire.

Ils demandent également une enquête judiciaire, et ils insistent pour que les fausses accusations de blasphème visant les chrétiens dans le pays ne soient pas enregistrées par les autorités policières, pour la protection des minorités. Pour Joseph Jansen, président de l’organisation « Voice for Justice », qui suit les cas de personnes victimes d’erreurs judiciaires au Pakistan, ce genre d’incident rappelle les violences d’août 2023 à Jaranwala, déclenchées par des accusations de profanation du Coran. Pour cette raison, il appelle le gouvernement à agir rapidement pour prendre des mesures juridiques et administratives afin d’inverser la tendance et défendre une société tolérante et respectueuse de la loi.

« Aucune foule n’a le droit de lyncher quelqu’un »

« Je suis profondément attristé et c’est avec le cœur brisé que je condamne cette affaire sordide à Sargodha », a également réagi le père Khalid Rashid Asi, directeur diocésain de la Commission nationale Justice et Paix (NCJP). « Aucun chrétien ne cherche à s’en prendre au Coran. Ils sont seulement impliqués dans de tels incidents pour des règlements de comptes et des vengeances personnelles. Aucune foule n’a le droit de lyncher quelqu’un. Il y a la police et le système judiciaire pour assurer la justice pour tous. »

Selon le prêtre, si la violence au nom de la religion augmente dans le pays, c’est parce que le gouvernement n’a pas su ou voulu déradicaliser les extrémistes, et parce qu’il y a un manque de volonté politique pour introduire des réformes judiciaires substantielles concernant les cas de diffamation religieuse. Le blasphème constitue un crime capital au Pakistan et peut être passible de la peine de mort ou de la prison à vie. Cependant, le blasphème est souvent utilisé à mauvais escient pour de fausses accusations, voire brandi par des foules qui lynchent des suspects à l’écart de toute juridiction.

(Avec Asianews)