Depuis début 2023, un ralentissement économique affecte la population active au Vietnam
Jean-Baptiste Dang Thanh Cau, devant sa maison louée dans la province de Thua Thien Hue. © UcanewsLe 04/10/2023
Depuis début 2023, la croissance économique du Vietnam subit un ralentissement important à cause de la baisse des demandes à l’exportation, notamment à destination de la Russie. En 2022, le Vietnam a enregistré une croissance de 8 %, contre seulement 3,3 % au cours des trois premiers mois de cette année. Une situation qui affecte de nombreux employés du pays. Selon une étude publiée en août dernier, 53 % d’entre eux doivent faire des heures supplémentaires face à la hausse exponentielle des dépenses quotidiennes.
Récemment, l’institut IWTU (Institute for Workers and Trade Unions) du syndicat vietnamien VGCL (Vietnam General Confederation of Labour) a mené une enquête sur la situation de la population active locale face à la crise et la hausse des prix. Les répondants à l’enquête sont employés dans 157 sociétés basées à Hanoï, la capitale, à Hô-Chi-Minh-Ville, dans le Sud, et dans quatre autres provinces vietnamiennes. Selon les résultats, publiés en août 2023, 53 % des répondants doivent faire des heures supplémentaires pour faire face à la hausse exponentielle des dépenses quotidiennes.
Parmi eux, Agnès Trinh Lan Anh travaille tous les jours de la semaine, même le dimanche, dans une usine de textile de la province de Thua Thien Hue, dans le centre du Vietnam. Agnès, âgée de 27 ans, a dû retarder son mariage faute de moyens. « Je touche un salaire de six millions de dongs [234 euros], ce que je trouve insuffisant », explique-t-elle. « Parfois, ce n’est pas assez pour acheter de la nourriture ou pour envoyer de l’argent chez moi pour soutenir ma mère et ma nièce », ajoute-t-elle.
Une des plus fortes croissances en Asie jusqu’à l’an dernier
Agnès Anh devait se marier ce mois-ci avec son fiancé, qui travaille dans une plantation de caoutchouc de la région. Selon elle, cinq de ses amies ont également dû repousser leur mariage à cause de difficultés financières, alors qu’une crise frappe le pays d’Asie du Sud-Est, qui était pourtant considéré jusqu’à l’an dernier comme une des économies progressant le plus vite sur le continent asiatique.
De son côté, Jean-Baptiste Dang Thanh Cau, qui travaille dans une entreprise de ciment et qui a deux filles, confie qu’il a du mal à soutenir les quatre membres de sa famille, avec un salaire de 7 millions de dongs (273 euros). Les dimanches et les jours de fête, il va aussi pêcher dans les lacs et rivières alentour pour compléter les repas. Sa femme gagne 1,5 million de dongs par mois comme femme de ménage chez une famille locale. Jean-Baptiste Cau explique qu’il a dû emprunter de l’argent pour couvrir les frais d’opération d’une de ses filles en septembre. Les intérêts s’élèvent à 750 000 dongs.
« Je ne sais pas comment je vais pouvoir rembourser 17,25 millions de dongs [672 euros] d’ici novembre », avoue-t-il. Le prêteur l’a menacé de confisquer sa moto qu’il utilise pour aller travailler. Sans compter que l’entreprise dans laquelle il travaille, qui compte 370 employés, a dû licencier 25 personnes cette année et réduire les heures de travail de 50 autres faute de commandes suffisantes.
La compétitivité du Vietnam est fortement affectée par la crise
Après l’an 2000, le PIB du Vietnam a progressé plus rapidement qu’aucun autre pays asiatique, à part la Chine. Initialement, des fabricants de textile comme Nike et Adidas sont venus investir dans le pays, qui a rapidement fait un bond en avant dans l’électronique et la production de biens à forte valeur ajoutée.
Dans le passé, beaucoup d’entreprises occidentales ont déplacé leurs opérations au Vietnam depuis la Chine, où il est devenu cher de produire pour beaucoup d’industriels, sans compter la guerre commerciale engagée entre Pékin et Washington depuis 2018. Le coût de la main d’œuvre est de 2,99 dollars par heure au Vietnam, et de 6,50 dollars en Chine. Les multinationales à la recherche de main d’œuvre bon marché se sont donc tournées vers le Vietnam.
Mais actuellement, la compétitivité du Vietnam est fortement affectée par la crise. Étant donné les fortes croissances enregistrées précédemment, la croissance du PIB au cours des trois premiers mois de 2023, qui s’élève à 3,3 %, n’est pas excellente. Les analystes prédisent une croissance de 4,2 % du PIB cette année, contre 8 % l’an dernier (la plus forte croissance en douze ans, après la pandémie).
Le pays est connu pour ses exportations de téléphones, de biens électroniques, de vêtements, de chaussures et de produits en bois. Les États-Unis sont les premiers importateurs de produits vietnamiens, suivis de la Chine. Le premier trimestre 2023 a été affecté par une forte baisse des exportations (11,9 % de moins par rapport à l’an dernier). Les exportations vers la Russie ont diminué de 60 % en janvier et février, par rapport à 2022. Les sociétés sud-coréennes ont également réduit leurs investissements au Vietnam de 70,4 %, soit un total de 474 millions de dollars US.
(Avec Ucanews)