Les religions sont en déclin en Asie de l’Est, mais la spiritualité demeure selon une nouvelle étude
En Asie de l’Est, la majorité de la population pratique encore des rites comme le culte des ancêtres, avec un fort sentiment de spiritualité. © pexels.com / Mehmet Turgut Kirkgoz (CC0)Le 22/06/2024
En Asie de l’Est, même ceux qui prétendent n’avoir aucune croyance se livrent à une certaine forme de culte des ancêtres, brûlant de l’encens et déposant des offrandes dans les temples, selon un nouveau rapport publié par le Pew Research Center sur le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, Hong-Kong et le Vietnam. Le rapport souligne les défis de l’enquête au regard de la notion locale de religion, qui dans les langues locales est souvent associée uniquement à des organisations hiérarchiques. Le taux de changement de religion est plus élevé dans la région que partout ailleurs.
À première vue, il pourrait sembler que la religion n’a pas sa place dans la vie des Asiatiques en Asie de l’Est. On y voit rarement les adultes prier et beaucoup d’entre eux déclarent ne pas considérer cela comme important, dans la mesure où les taux de désaffiliation (les personnes quittant la religion) sont parmi les plus élevés au monde.
Pourtant, une analyse approfondie montre que la majorité de la population pratique encore aujourd’hui des rites traditionnels, notamment à l’égard des ancêtres, et entretient un fort sentiment de spiritualité, selon le dernier rapport du Pew Research Center, qui a interrogé plus de 10 000 adultes au Japon, en Corée du Sud, à Taïwan, à Hong-Kong et au Vietnam.
L’étude note que le terme « religion » lui-même est un point important : « Les traductions courantes du terme ‘religion’ [telles que ‘zongjiao’ en chinois, ‘shukyo’ en japonais et ‘jonggyo’ en coréen] sont souvent interprétées comme faisant référence à des formes organisées et hiérarchiques de religion, telles que le christianisme ou de nouveaux mouvements religieux – et non aux formes traditionnelles asiatiques de spiritualité », lit-on dans le rapport.
De nombreux adultes – de 27 % à Taïwan à 61 % à Hong-Kong – déclarent n’avoir « aucune religion ». Mais environ la moitié laissent des offrandes ou brûlent de l’encens pour leurs ancêtres. Au moins quatre répondants sur dix croient en Dieu ou en d’autres entités supérieure, et plus d’un quart d’entre eux croient aux esprits habitant le monde physique, comme les montagnes, les rivières et les arbres.
« L’Asie de l’Est est plus dynamique qu’il n’y paraît sur le plan religieux »
« En bref, lorsque nous étudions la religion dans ces sociétés en nous basant sur les croyances et les pratiques des gens plutôt que sur leur adhérence à une religion, l’Asie de l’Est est plus dynamique sur le plan religieux qu’il n’y paraît au premier abord. » En ce sens, le bouddhisme, qui a des racines historiques dans plusieurs pays asiatiques, a été défini par les membres de différentes confessions non pas tant comme « une religion que l’on choisit de suivre », mais plutôt comme « un ensemble d’enseignements éthiques pour guider les actions » et « une culture dont on fait partie ».
Plus précisément, au Japon, 42 % de la population ne s’identifie à aucune religion, mais ceux qui se déclarent bouddhistes sont 46 % tandis que 70 % déclarent avoir apporté des offrandes aux temples au cours de l’année écoulée. À Hong-Kong, 30 % prient Guanyin, la divinité bouddhiste de la compassion, mais seulement 14 % se disent bouddhistes et 20 % se disent chrétiens.
Au Vietnam, le seul pays d’Asie du Sud-Est couvert par l’étude, 48 % des interrogés déclarent n’avoir aucune religion, contre 38 % de bouddhistes et 10 % de chrétiens, mais 86 % des interrogés vietnamiens ont accompli des rites ancestraux au cours des douze derniers mois. Parmi les personnes qui ne sont affiliées à aucune croyance, ce chiffre s’élève à 92 %. De manière générale, les ancêtres sont importants dans toute la région, où de nombreux habitants disent avoir ressenti et ressentir leur soutien dans leur vie.
« Les gens naissent shinto, se marient chrétiens et meurent bouddhistes »
Le rapport confirme également le célèbre dicton japonais selon lequel les gens naissent shinto, se marient chrétiens et meurent bouddhistes. Le taux de passage d’une religion à une autre est de 17 % au Vietnam, 53 % en Corée du Sud et à Hong-Kong, 32 % au Japon et 42 % à Taïwan. Il s’agit des pourcentages les plus élevés enregistrés jusqu’à présent par le Pew Research Center dans divers pays du monde.
Plusieurs personnes disent également avoir ressenti un lien personnel avec le « style de vie » d’une autre foi ou philosophie ; par exemple, 34 % des chrétiens sud-coréens déclarent se sentir liés au mode de vie bouddhiste, tandis que seulement 26 % des bouddhistes ressentent la même chose vis-à-vis du christianisme. Mais de manière générale, que la religion paraphe soit le bouddhisme, le christianisme ou le taoïsme (notamment à Taïwan), on constate une forte augmentation de la désaffiliation dans tous les pays étudiés, sauf au Vietnam, où ce chiffre n’est que de 4 % et où la proportion de personnes se déclarant bouddhistes a augmenté.
Il n’est donc pas surprenant que le pourcentage de personnes croyant que la religion joue un rôle très important dans leur vie soit très faible : 11 % à Hong-Kong, 6 % au Japon, 16 % en Corée du Sud, 11 % à Taïwan et 26 % au Vietnam. Cependant, ceux qui croient au « karma » (la croyance, dans l’hindouisme et le bouddhisme, selon laquelle la destinée d’un être vivant et conscient est déterminée par la totalité de ses actions passées et de ses vies antérieures) sont 87 % à Taïwan, 75 % au Vietnam et 76 % à Hong-Kong.
Au Vietnam, 42 % des personnes interrogées ont déclaré avoir reçu la visite d’un ancêtre dans un rêve, contre 40 % en Corée du Sud et 36 % au Japon et à Taïwan. En Corée du Sud, 59 % des interrogés pratiquent ou ont pratiqué la méditation, mais seulement 21 % prient quotidiennement.
(Avec Asianews)