Face au marché du travail, les Sud-Coréens âgés peinent à trouver un emploi en ligne
Au rythme actuel, la Corée du Sud risque de compter près de 13 millions de personnes âgées, soit 25,5 % de la population totale. © Don O'Brien / CC BY 2.0 DEEDLe 04/11/2023
La Corée du Sud, puissance économique majeure en Asie, est cependant confrontée au vieillissement de sa population et à des taux de fécondité de plus en plus faibles. Une situation qui aurait une solution potentielle avec le travail des plus âgés, alors que 60 % des habitants âgés entre 55 et 79 ans font aujourd’hui partie de la population active dans le pays d’Asie de l’Est, soit plus de 9,3 millions de personnes. Cependant, une majorité d’entre eux explique être confrontée à la difficulté des recherches en ligne.
La réduction de la population active sud-coréenne aurait une solution potentielle : les travailleurs plus âgés. Selon une enquête menée par l’agence nationale Statistics Korea, 60 % des habitants âgés entre 55 et 79 ans font aujourd’hui partie de la population active du pays, soit plus de 9,3 millions de personnes. Il s’agit de la plus forte participation au marché du travail pour ce segment depuis 2005. Depuis 2013, la proportion de personnes âgées dans la population active a augmenté de 60 % selon l’étude.
Cependant, la majorité des citoyens âgés, dans une Corée du Sud qui fait face au vieillissement accéléré de sa population, se plaignent de n’être pas pris en considération quand ils cherchent du travail, à cause de leur inaptitude à utiliser facilement les applications d’emplois sur leurs smartphones et à déposer leur candidature en ligne.
En effet, près de 68,7 % des personnes âgées interrogées récemment déclarent que pour elles, l’obstacle majeur lié aux recherches d’emploi vient d’abord du fait de ne pas savoir où chercher, selon une enquête publiée le 1er novembre par le quotidien coréen Le Chosun Ilbo. Selon l’étude, 486 citoyens âgés sur 707 affirment ne pas savoir comment naviguer sur les portails d’emploi en ligne. L’enquête révèle aussi que près de 235 d’entre eux (soit 33,1 % des interrogés) ont trouvé du travail par bouche-à-oreille, et que seuls 120 personnes (28 %) ont trouvé du travail via Internet.
« Labyrinthe numérique »
Un demandeur d’emploi anonyme, âgé de 67 ans et originaire de Miryang, dans la province de Gyeongsang du Sud, confie qu’il a renoncé à utiliser son téléphone mobile pour chercher du travail, à cause de sa complexité. « Avant, je déposais mes candidatures par écrit, mais je me sens perdu parce que tout se fait en ligne », explique-t-il.
Un de ses amis lui a appris à utiliser une application mobile pour chercher du travail, car il ne parvenait à trouver aucune annonce d’emploi attrayante dans un centre communautaire près de chez lui. Mais il ne parvenait pas à utiliser efficacement le portail d’emploi en ligne, qu’il décrit comme un « labyrinthe numérique ». Il explique par exemple qu’il devait certifier son identité afin de pouvoir devenir membre, ce qu’il n’avait jamais fait avant.
L’incapacité à utiliser les applications de recherche d’emploi conduit souvent les Coréens âgés à ne trouver que des emplois fonctionnaires saisonniers, comme balayer les feuilles en automne. Beaucoup d’entre eux finissent par renoncer à chercher du travail et souffrent de pauvreté relative, selon les médias locaux.
Un autre Coréen anonyme, âgé de 67 ans et originaire de Daegu, regrette son manque de connaissances informatiques. Pour lui, c’est une entrave majeure pour ceux qui avaient l’habitude d’utiliser les médias écrits et le bouche-à-oreille pour chercher du travail : « Aujourd’hui, c’est impossible de trouver du travail si on ne sait pas utiliser une application smartphone ou Internet. »
Un taux de fécondité record de 0,7 enfant par femme en 2023
Lee Ho-seung, responsable du syndicat Korean Senior Workers Union, consacré aux travailleurs coréens âgés, explique que parmi les seniors, ceux qui sont plus familiers avec le système de recherche d’emploi actuel sont dans une bien meilleure position que les autres. « Par exemple, ceux qui disent que les applications de recherche en ligne sont difficiles à utiliser s’en sortent bien mieux que beaucoup d’autres citoyens âgés qui ne savent même pas que ces applications existent », ajoute-t-il.
Hur Jun-soo, un enseignant de l’université de Soongsil (Séoul), explique que la formation des demandeurs d’emploi âgés peut les aider à trouver du travail en ligne. « Nous avons l’habitude de voir les citoyens âgés comme des bénéficiaires de services, mais nous devons les traiter comme une main-d’œuvre potentielle et leur fournir les moyens de trouver facilement des emplois adaptés. »
Certains confient qu’ils se reposent sur les plus jeunes pour mieux comprendre les portails de recherche en ligne. « Avec l’aide de ma fille, je me suis inscrit sur un site cette année, et j’ai été surpris de voir des informations précises sur les salaires horaires et autres avantages », confie un homme anonyme, âgé de 70 ans, de Gimcheon dans la province de Gyeongsang du Nord.
Près de 18,4 % des Sud-Coréens, sur 51,5 millions d’habitants, sont âgés de 65 ans et plus, selon l’agence nationale Statistics Korea. Ces chiffres soulignent la crise démographique actuelle et la population de plus en plus vieillissante, alors que la Corée du Sud, pourtant une puissance économique majeure en Asie, s’inquiète de taux de natalité particulièrement faibles.
En août, Statistics Korea a signalé que le taux de fécondité avait atteint le chiffre record de 0,7 enfant par femme au cours du second trimestre 2023. Durant cette période, on a compté 56 087 nouveau-nés en Corée du Sud, soit une baisse de 6,8 % par rapport à l’an dernier à la même période. Au rythme actuel, la nation risque de compter près de 13 millions de personnes âgées, soit 25,5 % de la population totale, ce qui fera du pays une société « super-âgée » au même titre que l’Italie ou le Japon.
(Avec Ucanews)