Le Vatican cherche à ouvrir une nouvelle voie dans le dialogue entre confucianisme et christianisme

Un temple de Confucius à Nanjing, sur les rives de la rivière Qinhuai (province du Jiangsu, à l'est de la Chine). Un temple de Confucius à Nanjing, sur les rives de la rivière Qinhuai (province du Jiangsu, à l’est de la Chine). © Marc van der Chijs / CC BY-ND 2.0 DEED
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Les 8 et 9 mars à Taïwan, le dicastère pour le Dialogue interreligieux a organisé un atelier international sur le thème « Chrétiens pour le dialogue avec les confucéens : orientations et perspectives ». L’évènement était coorganisé par le Département d’études religieuses de l’Université catholique de Fu Jen, à Nouveau Taipei (Taïwan). Selon le pèrePaulin Kubuya, sous-secrétaire du dicastère, l’objectif est de publier des directives officielles afin d’aider les catholiques en Asie de l’Est à vivre leur foi au milieu de leurs propres traditions culturelles.

Le dicastère pour le Dialogue interreligieux a organisé, en collaboration avec le Département d’études religieuses de l’Université catholique de Fu Jen (Taïwan), un atelier international intitulé « Chrétiens pour le dialogue avec les confucéens : orientations et perspectives ». L’évènement a eu lieu les 8 et 9 mars derniers à Nouveau Taipei (une municipalité spéciale située au nord de Taïwan dont le territoire encercle totalement la ville de Taipei).

Cette rencontre fait partie des initiatives en cours soutenues par le Vatican, et destinées à formuler des directives officielles pour les catholiques engagés dans le dialogue avec les adeptes du confucianisme. De nombreux experts du confucianisme à travers le monde ont également pris part à d’autres rencontres organisées en ligne précédemment, afin de partager leur regard et leur expertise sur une des philosophies religieuses les plus influentes de l’histoire de la Chine.

Pour le dicastère, la rencontre de début mars à Taïwan était une nouvelle étape significative de ce cheminement, afin de fournir une opportunité d’ouvrir le dialogue avec une plus large audience, afin de soutenir le dialogue chrétien-confucéen. Le père Paulin Kubuya, sous-secrétaire du dicastère pour le Dialogue interreligieux, s’est rendu sur place pour l’évènement. Cité le 12 mars par l’agence CNA (Catholic News Agency), il a expliqué à son retour à Rome que les directives issues de cette rencontre pourront aider les catholiques en Asie de l’Est à vivre leur foi au milieu de leurs propres traditions culturelles.

« Pour les chrétiens asiatiques, cela leur permettra de mieux dialoguer avec eux-mêmes »

Le père Kubuya est originaire de République démocratique du Congo et parle couramment le chinois, après avoir servi comme missionnaire Xavérien à Taïwan. Durant cette période comme missionnaire, il a constaté combien les convertis au catholicisme étaient préoccupés sur à ce qu’ils devaient faire vis-à-vis des traditions et rituels avec lesquels ils avaient grandi, comme la vénération des ancêtres.

« Le confucianisme, jusqu’au XIXsiècle, apportait des enseignements aux sociétés chinoises, coréennes et japonaises sur la manière de se comporter », souligne le prêtre, en ajoutant que « Les Entretiens [ou Analectes] de Confucius influencent toujours l’éducation fondamentale et la formation à Taïwan ». « Pour les chrétiens asiatiques, ce dialogue et ces directives seront utiles, parce que cela leur permettra de mieux dialoguer avec eux-mêmes », poursuit le père Kubuya.

Le Vatican prépare ces directives dans le but de fournir une ressource utile pour les individus, les organisations et les communautés, au sein et au-delà de l’Église catholique, qui cherchent à dialoguer avec les confucéens. L’atelier international organisé à Taïwan est le fruit de plus de deux ans de préparation. Le dicastère pour le Dialogue interreligieux a invité des experts du confucianisme venus du monde entier, afin qu’ils partent leurs réflexions. Selon le père Kubuya, il faudra d’autres travaux et études, avant de finaliser et publier ces directives d’ici l’an prochain.

« Nous espérons qu’en amorçant un dialogue avec le confucianisme, cela permettra à un chrétien asiatique, venant de cette culture, de mieux connaître la position de l’Église. Ainsi, il saura d’autant mieux associer sa tradition culturelle avec la foi qu’il a reçu, afin de vivre cela en paix », poursuit le prêtre.

Un temple à Taïwan. Le dialogue actuel du Vatican avec le confucianisme est basé sur le travail pionnier de nombreux missionnaires catholiques en Asie.
Un temple à Taïwan. Le dialogue actuel du Vatican avec le confucianisme est basé sur le travail pionnier de nombreux missionnaires catholiques en Asie. Crédit : Isabelle Feng

« Les bouddhistes, taoïstes et confucianistes pensent que nous sommes tous occidentaux »

Le dialogue actuel avec le confucianisme est basé sur les travaux de missionnaires catholiques pionniers en Asie au cours des siècles derniers, comme le vénérable Matteo Ricci, connu pour avoir introduit le christianisme en Chine au XVIIsiècle auprès de la dynastie impériale Ming. Ricci voyait dans le confucianisme une « haute culture », et il a pu échanger avec les lettrés confucéens au cœur de la Cité impériale à Pékin.

Plus tard, d’autres missionnaires en Chine ont été en désaccord avec certaines pratiques confucéennes, en particulier à propos de ce qu’ils voyaient comme le culte des ancêtres. Selon le père Kubuya, qui est l’auteur du livre Meaning and Controversy Within Chinese Ancestor Religion (« Sens et controverse autour de la vénération des ancêtres en Chine »), cela a provoqué la Querelle des rites chinois (qui a opposé différentes visions de la mission et de l’évangélisation entre les ordres missionnaires jésuites, franciscains et dominicains aux XVIIe et XVIIIsiècles).

Le Vatican est intervenu sur cette question à de nombreuses reprises durant cette période, et les papes Clément XI et Benoît XIV ont tous deux banni les rites chinois. Deux siècles plus tard, Pie XII a publié un décret en 1939, permettant aux catholiques chinois d’observer les rites ancestraux.

« À Taïwan, la communauté catholique est petite. C’est une communauté minoritaire, mais je dis toujours que s’ils sont peu, ils sont très mûrs parce qu’ils sont très déterminés et leur identité chrétienne est très forte », assure le père Kubuya. En tant que missionnaire xavérien, il est conscient d’être appelé à perpétuer l’héritage missionnaire de l’Église en Asie. Son ordre a été fondé au XIXsiècle par saint Guy Marie Conforti, un missionnaire qui s’est senti inspiré à poursuivre le travail missionnaire de saint François-Xavier – un missionnaire jésuite au XVIe siècle en Asie, qui est mort avant de réaliser son rêve d’évangéliser la Chine.

Le père Kubuya précise qu’il a fait partie d’un groupe de 12 prêtres congolais missionnaires à Taïwan, avant d’être appelé à servir la Curie romaine. À Taïwan explique-t-il, « beaucoup de bouddhistes, taoïstes et confucianistes pensent que les prêtres et missionnaires chrétiens sont tous occidentaux, américains ou européens ». « Donc en nous voyant venir d’Afrique, ils ont commencé à comprendre que l’Église est très complexe, très riche et qu’elle n’exclut pas. C’était mon expérience ». « Je pense que notre présence en Asie montre la catholicité de l’Église, c’est-à-dire que l’Église avance au-delà des couleurs et des langues. L’Église catholique est universelle parce que nous venons de tous les horizons. »

(Avec Courtney Mares, CNA)