L’Eglise catholique au Cambodge vue par une catéchiste

Sreyneang est catéchiste dans une paroisse de Phnom Penh et diplômée de théologie pastorale en France. Elle répond à la question d’Ad Extra: « Les catholiques d’Asie se sont longtemps perçus éloignés d’une Église dont le centre était en Europe. Comment reçoivent-ils aujourd’hui l’Église, ses rites et sa théologie dans leur culture et leur façon de vivre ? Quelle est la contribution spécifiquement asiatique à l’Église universelle ? ».

Catéchiste depuis plusieurs années au Cambodge, j’aimerais répondre en quelques lignes à ces questions soulevant un vaste sujet. Étant Cambodgienne, je parlerai essentiellement de mon pays dans les trois points suivants à savoir la liturgie, la catéchèse ainsi que les différences qui distinguent le bouddhisme du catholicisme.

Tout d’abord, penchons-nous sur la liturgie

À l’église, nous retirons nos chaussures car il est de tradition khmère d’entrer pieds nus dans un lieu sacré, la pagode ou même la maison. Nous nous asseyons au sol, les jambes de côté. On utilise trois bâtons d’encens pour l’offrande, des bougies et on ne croise pas les mains. On les joint comme marque de respect devant Dieu.

Joindre les mains est un signe traditionnel de respect utilisé face à quelqu’un ou quelque chose de sacré (Dieu ou autre divinité, le roi, un lieu sacré, etc.).

Nous créons nos propres chants liturgiques dans notre langue sur des airs du pays. On le fait pour que ce soit adapté à nos mœurs. Ce sont des chants avec un rythme, une cadence et des paroles qui nous parlent et sont en mesure de porter le peuple khmer à la prière, davantage qu’un chant pris d’un air européen.

Le psaume est remanié, dans un rythme et un air également adapté. Il est chanté sous forme de poème, dans différents styles de la culture cambodgienne.

La Toussaint est fêtée un autre jour que celle imposée par Rome. En effet, nous avons la tradition de fêter nos morts chaque année fin septembre/début octobre. Cette tradition fait partie de la culture khmère. Tous les Cambodgiens honorent leurs morts à cette période. C’est pourquoi l’Église du Cambodge s’est adaptée et fête la Toussaint à ce moment-là, tout en ayant une vision différente et bien entendue catholique de la tradition du pays. En revanche, pour fêter les saints durant l’année, nous gardons les mêmes dates que Rome.

Concernant le mariage, la cérémonie se déroule comme partout ailleurs, de façon ordinaire. Néanmoins, à la fin de la messe nous ajoutons une bénédiction particulière reprenant les mœurs cambodgiennes à savoir : chaque membre invité et témoin de l’union des jeunes mariés noue un cordon autour du bras des mariés tout en prononçant vœux et bénédictions. Ils leur octroient également des cadeaux à ce moment-là.

Le nouvel an : L’Église du Cambodge cherche un moyen par lequel les catholiques khmers pourraient participer au nouvel an national tout en ayant leurs propres valeurs religieuses. Dans la culture cambodgienne, sept anges (sous forme de figures féminines) se relaient pour protéger le pays. Elles changent tous les ans à tour de rôle à la mi-avril. Les catholiques fêtent alors ce jour pour renouveler leur demande à Dieu de bénir cette nouvelle année. Jeux d’eau et danses traditionnelles sont de rigueur pour animer le nouvel an dans les paroisses également, à l’image du pays tout entier.

La liturgie reste la même mis à part ces quelques adaptations culturelles.

Concernant la catéchèse

Nous avons créé plusieurs livres de catéchisme suivant les différents âges des catéchumènes. Ces derniers sont partagés en trois groupes. Le premier est le groupe des enfants (enfants de parents catholiques ou non). Le second est dédié aux adolescents de même provenance que les enfants, catholiques ou non. Le troisième regroupe les adultes.

Trois objectifs rassemblent les catéchumènes dans ces temps de partage : la Bible, la liturgie et la pratique où vivre son quotidien de façon catholique. Avant tout, nous insistons sur la charité (prendre soin d’autrui et faire attention aux personnes âgées, aux pauvres, aux malades, et davantage aider les jeunes à accéder aux études). Les catéchistes sont des chrétiens souhaitant aider l’Église. Ils ne sont pas salariés mais volontaires pour prendre de leur temps chaque dimanche afin d’animer les groupes de catéchumènes. Ils sont formés à la pédagogie et plus particulièrement sur la Bible et la façon de l’enseigner. Chaque année, tous les catéchistes se retrouvent lors d’un séminaire pour échanger sur les sujets nécessitant d’être questionnés.

Enfin, quelques lignes sur les différences que provoquent les religions catholiques et bouddhistes au sein du peuple khmer

La Cambodge est un pays de religion bouddhiste. Il en est imprégné tant dans ses traditions, sa culture, ses mœurs que dans sa mentalité. Chez le bouddhiste, la vie est régie par la morale, la sagesse. Il croit en la réincarnation et vit pour effacer le karma de sa vie passée et préparer la prochaine de la façon la plus irréprochable. Faire le bien, éviter le mal : une règle de vie pratiquée par les bouddhistes autant que les catholiques. Cependant, à l’instar du bouddhiste, le catholique vit pour Dieu et fait le bien dans ce même but. Un bouddhiste et un catholique peuvent tous deux procurer de l’aide à un inconnu en détresse, ils n’auront pas les mêmes visées. Le premier agira de façon calculée pour annihiler son karma, le second aura cette vision de la charité qui donne par Dieu pour autrui. Si tu veux suivre Jésus, il faut porter ta Croix, nous dit la Bible. Cette phrase vient marquer la vie du chrétien ; on ne vit plus pour nous mais pour Dieu, disparaître en Lui. Comme l’a dit saint Paul : « Moi je suis déjà mort mais c’est le Christ qui vit en moi ». Le bonheur suprême est de vivre avec Dieu à travers Jésus qui nous sauve de nos péchés. Cette même foi unit tous les catholiques.

Le bouddhisme et le catholicisme ont la même vérité (faire le bien, éviter le mal) mais la pratiquent de deux manières différentes : le bouddhiste agit selon sa sagesse, le catholique par la foi en Jésus.